Une personne a fait l’objet d’une hospitalisation psychiatrique sans
consentement dans un établissement psychiatrique dont le directeur a
pris, le lendemain, une décision d’hospitalisation complète à la demande
d’un tiers sur le fondement de l’article L. 3212-3 du code de la santé
publique. Quelques jours plus tard, dans les délais prévus par l’article
L. 3211-12-1-I, une requête émanant de l’établissement est adressée au
juge des libertés et de la détention afin qu’il statue sur la
prolongation de la mesure, cette requête n’étant pas signée par le
directeur de l’établissement. Le premier président de la cour d’appel de
Paris a, dans son ordonnance du 24 août 2015, considéré que la requête
litigieuse et la saisine étaient régulières aux motifs, d’une part, que
le code de la santé publique n’impose pas une intervention en personne
du directeur de l’hôpital, d’autre part, que l’acte litigieux, qui
comportait l’en-tête et le cachet adéquat, émanait sans ambiguïté de la
direction de l’établissement hospitalier. Cette ordonnance a été cassée
au visa des articles L. 3211-12-1-I, R. 3212-7 et R. 3211-10 du code de
la santé publique, la première chambre civile considérant, dans son
arrêt du 22 février 2017, en premier lieu, qu’il ressort de ces
différents textes que la requête adressée au JLD aux fins de
prolongation d’une mesure d’hospitalisation psychiatrique sans
consentement doit, à peine d’irrecevabilité, être signée par le
directeur de l’établissement ou par le représentant de l’État dans le
département qui ont seul qualité pour le saisir, en second lieu, que le
premier président dont l’ordonnance était attaquée avait privé sa
décision de base légale en déclarant la requête litigieuse recevable
sans vérifier, comme il le lui avait été demandé, si le signataire de la
requête avait qualité, le cas échéant au titre d’une délégation de
signature, pour saisir le JLD.
Plusieurs enseignements peuvent être retirés de l’arrêt du 22 février 2017.
Pour préserver le droit à la liberté et à la sûreté, tel que garanti
par l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, de la
personne faisant l’objet d’une hospitalisation psychiatrique sous
contrainte, l’article L. 3211-12-1-I du code de la santé publique
subordonne la poursuite de l’hospitalisation complète du patient à une
décision du JLD, qui doit avoir été préalablement saisi par le directeur
de l’établissement lorsqu’il s’agit d’une admission en soins
psychiatriques à la demande d’un tiers ou par le représentant de l’État
dans le département lorsqu’il s’agit d’une admission en soins
psychiatriques à la demande du représentant de l’État, le JLD devant en
principe statuer sur la mesure avant l’expiration d’un délai de douze
jours à compter de l’admission en soins tout en ayant été saisi dans les
huit jours de cette admission. L’article R. 3211-10 du code de la santé
publique précise que la requête en question doit être datée et signée. À
partir du moment où ce dernier texte exige que la requête adressée au
JLD aux fins de prolongation d’une hospitalisation psychiatrique sous
contrainte soit signée, alors que pareille requête doit émaner, selon
les cas, du directeur de l’établissement ou du représentant de l’État
dans le département, il résulte nécessairement de la combinaison de ce
dernier texte avec l’article L. 3211-12-1-I du code de la santé publique
qu’il est nécessaire qu’une telle requête soit signée par la personne
qui a qualité pour la formuler, en l’occurrence le directeur de
l’établissement ou le représentant de l’État dans le département.
L’arrêt du 22 février 2017 ne dit pas autre chose et la solution qu’il
adopte est parfaitement fondée. Tout comme l’est également la censure de
l’ordonnance contestée, l’absence de signature par le directeur de
l’établissement de la requête adressée au JLD étant constitutive d’une
irrégularité au regard des textes précités, irrégularité qui ne peut
être compensée par d’éventuelles présomptions ou certitudes déduites
d’autres éléments impliquant que cette requête émanait des personnes
ayant qualité pour la formuler au regard de l’article L. 3211-12-1 du
code de la santé publique. Ce n’est pas la première fois que, eu égard à
l’enjeu de libertés individuelles inhérent au contentieux de
l’hospitalisation psychiatrique sous contrainte, la Cour de cassation se
montre regardante relativement aux exigences émanant de ce dernier
texte. Dans un avis rendu le 19 janvier 2015, elle avait ainsi considéré
que l’article L. 3211-12-1 précité impose au JLD de statuer sur toute
décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement sous la
forme d’une hospitalisation complète décidée par le préfet, intervenant
dans la continuité d’une précédente admission décidée par le directeur
d’un établissement de soins à la demande d’un tiers ou pour péril
imminent, alors que cette dernière avait, elle-même, déjà été contrôlée
par le JLD, ceci en raison des différences de nature et d’effets de
l’hospitalisation décidée par le représentant de l’État et de
l’hospitalisation à la demande d’un tiers (Cass., avis, 19 janv. 2015,
n° 14-70.010, Dalloz actualité, 28 janv. 2015, obs. R. Mésa
).
La première chambre civile a également précisé, dans son arrêt du 22
février 2017, les conséquences de l’absence de signature, par le
directeur de l’établissement ou par le représentant de l’État dans le
département, de la requête adressée au JLD aux fins de prolongation
d’une hospitalisation psychiatrique sans consentement. Pareille requête
est, à suivre cette solution, irrecevable. Cette irrecevabilité peut
être à l’origine de conséquences très importantes, notamment en raison
des délais imposés par l’article L. 3211-12-1 du code de la santé
publique. Il ressort, en effet, de ce texte que la mainlevée de la
mesure d’hospitalisation est acquise lorsque le JLD n’a pas statué sur
la prolongation de l’hospitalisation dans les douze jours de l’admission
en soins, tout en ayant été saisi dans les huit jours de cette
admission. Il convient de noter, sur ce point, que si le JLD était amené
à statuer malgré l’irrégularité de la requête tenant à l’absence de
signature du directeur de l’établissement ou du représentant de l’État
dans le département, cette irrégularité ne devrait pas, à suivre la
solution émanant d’un arrêt du 19 octobre 2016, pouvoir être invoquée
lors d’audiences ultérieures devant ce même magistrat. Il ressort en
effet de cet arrêt qu’à peine d’irrecevabilité prononcée d’office,
aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans
consentement, antérieure à une audience à l’issue de laquelle le JLD se
prononce sur le maintien de la mesure, ne peut être soulevée lors d’une
instance ultérieure devant ce même juge (Civ. 1
re, 19 oct. 2016, n° 16-18.849, Dalloz actualité, 8 nov. 2016, obs. R. Mésa
; JCP 14 nov. 2016. 1212, zoom M. Douchy-Oudot).
Enfin, la première chambre civile a permis, dans son arrêt du 22
février 2017, le recours à la délégation de signature s’agissant de la
requête adressée au JLD aux fins de prolongation d’une hospitalisation
psychiatrique sous contrainte. En pareille hypothèse, toutefois,
l’existence d’une telle délégation émanant du directeur de
l’établissement ou du représentant de l’État dans le département doit
être démontrée, de façon à établir que le signataire de la requête et le
déléguant avaient bien qualité à agir en la matière.