jeudi 30 janvier 2014

Attention à la saisine du JLD en matière d'hospitalisation complète

TGI de Lille
JLD Dossier 14/00072
Ordonnance du 27 janvier 2014

"Motifs de la décision
M.D. a été admis le 13 janvier 2014 en hospitalisation complète sans consentement à l'EPSM d'Armentières à la demande d'un tiers.
Le 21 janvier 2014, l'EPSM a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de maintien de la mesure.
Le Procureur de la république demande le maintien de la mesure.
Le conseil de M. D. soulève l'irrégularité de la procédure au motif que le signataire de la saisine du JLD n'est pas le directeur de l'établissement et que la délégation n'est pas produite.

MOTIFS DE LA DECISION
L'article L. 3211-12-1 du code la santé publique prévoit que c'est le directeur de l'établissement qui saisit le juge des libertés et de la détention en vue de la poursuite de l'hospitalisation compète d'un patient.

En l'espèce, il n'est pas justifié que M. X, qui a signé la saisine, soit le directeur de l'établissement, et, à défaut, il n'est pas justifié qu'il ait délégation de signature pour ce faire.

Dans ces conditions, la procédure est irrégulière.
La demande de l'EPSM sera donc rejetée".

 Bilan: main levée!


jeudi 23 janvier 2014

Psychiatrie: le CH Gérard Marchant de Toulouse consulte ses patients sur la législation des soins sous contrainte

TOULOUSE, 14 janvier 2014 (dépêche APM) -
"Le centre hospitalier Gérard Marchant, établissement public de santé mentale de Toulouse, a fait une enquête auprès de ses patients pour évaluer leur connaissance de la législation sur les modalités d'hospitalisation sous contrainte, a annoncé l'établissement dans un communiqué diffusé lundi. Le centre hospitalier "a voulu évaluer, auprès de ses patients, la connaissance qu'ils avaient des nouveautés introduites par la loi [du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement] et leur appréciation sur l'information dispensée", peut-on lire dans le communiqué, qui rappelle que cette loi a introduit "une obligation d'information des patients hospitalisés sans leur consentement, sur leurs droits et les voies de recours".

A l'été 2013, la commission de relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (Cruqpec) de l'établissement s'est chargée de réaliser l'enquête via un questionnaire d'une vingtaine de questions, a précisé mardi à l'APM le centre hospitalier.

"Un questionnaire a été proposé et testé dans un premier temps par la Cruqpec, avec une forte implication des représentants d'usagers dans la construction du questionnaire. La commission a ensuite sollicité le service qualité de [l'établissement] en vue de la réalisation de l'audit par la cellule d'évaluation et d'audit, par des auditeurs formés aux techniques de l'audit interne", a précisé le CH. Le questionnaire regroupait deux volets sur les thématiques "information et consentement" et "soins sans consentement". Une quarantaine de patients considérés en capacité de répondre par les soignants ont été interviewés, pour la plupart 20 jours après leur admission.
 Neuf personnes sur 10 (92%) disent ne pas connaître les changements liés à la loi, constate-t-on dans l'enquête dont l'APM a eu copie. Pour autant, ils savent décrire le programme de soins ou la présentation devant le juge, a constaté l'établissement.
Dans le détail, les patients ayant répondu à l'enquête savent à 70% de quel type d'hospitalisation ils relèvent, informés à 40% par les médecins et à 24% par les infirmiers.
80% se disent informés du projet de soins, 78% reconnaissent sa nécessité et 86% y adhèrent. En revanche, 43% déclarent ne pas avoir été informés des voies de recours et 54% n'ont pas repéré l'affichage existant dans le service.

Sur l'audience devant le juge de la détention et des libertés, 84% des patients ont pris connaissance de la convocation devant le magistrat, et 80% pensent que leurs droits sont respectés.
Mais 55% ne savent pas qu'ils peuvent demander à être entendus par le juge. Par ailleurs, plus de 60% de ceux qui ont été entendus considèrent que l'audience a été utile.

Suite à ces résultats, présentés en octobre 2013 à la Cruqpec, et à la commission médicale d'établissement (CME) en décembre 2013, la CH a décidé "d'améliorer l'accompagnement de l'information donnée aux patients". Les résultats de l'enquête seront présentés fin janvier aux cadres supérieurs et de santé et des réunions soignants/soignés seront organisées dans les services à partir de février, a indiqué l'établissement à l'APM. Des retours des cadres et des patients sont attendus en mars. Une enquête du même type sera réalisée en juin. Le CH Gérard Marchant gère 635 lits et places, au sein de trois pôles de psychiatrie adultes (sept secteurs), un pôle de psychiatrie infanto-juvénile, un pôle de psychiatrie et des conduites addictives en milieu pénitentiaire et un pôle médical et technique, et emploie plus de 1.400 agents.

 vl/ab/APM polsan
redaction@apmnews.com VLRAD003 14/01/2014 18:28 ACTU
©1989-2014 APM International

mercredi 22 janvier 2014

Temps passé sous écrou, temps passé en détention (2001-2012) Travaux de P. V. Tournier

Temps passé sous écrou, temps passé  en détention (2001-2012)





CENTRE D’HISTOIRE SOCIALE DU XXe siècle, UMR CNRS 8058
Séminaire « Enfermements, Justice et Libertés dans les sociétés contemporaines »

- Estimations -
Pierre V. Tournier
Janvier 2014
__________________________________________________________________________________
Pierre V. Tournier, Centre d’histoire sociale du XXe siècle, 43, rue Guy Môquet 75017 PARIS, pierre-victor.tournier@wanadoo.fr, http://pierre-victortournier.blogspot.fr/
2

Depuis le développement du placement sous surveillance électronique (PSE), on sait qu’il est essentiel de ne pas confondre « population sous écrou » et « population détenue »2.
Ainsi, au 1er janvier 2013, le nombre de personnes sous écrou est de 76 798 (France entière) :
16 454 prévenus détenus,
50 118 condamnés détenus (soit 66 572 personnes détenues),
9 029 condamnés placés sous surveillance électronique en aménagement de peine (loi du 19 décembre 1997),
624 condamnés placés sous surveillance électronique en fin de peine (loi du 24 novembre 2009)
et 573 condamnés en placement à l’extérieur, sans hébergement pénitentiaire.

Le taux de placement sous écrou est de 117 pour 100 000 habitants et le taux de détention de 102 pour 100 000 habitants.

1. - Temps passé sous écrou
Au-delà de ces effectifs à une date donnée (statistique de stock), nous publions régulièrement, dans le tableau de bord d’OPALE, des données de flux d’entrées sous écrou et un indicateur de la durée moyenne du placement sous écrou.
Nous avons introduit cet indicateur, dans le champ pénal, au début des 19803. Il est calculé à partir de la formule fondamentale en analyse démographique : P = E x d
P est l’effectif moyen de la population au cours de l’année (donnée de stock),
E est le nombre d’entrées dans la population sur une année (donnée de flux),
d est le temps moyen passé dans la population, exprimé en année ; dit d’une autre manière, c’est l’espérance de vie dans la population, au moment de l’entrée.

Cette formule correspond à un modèle d’évolution théorique bien particulier, le modèle dit de la population stationnaire. Il repose sur deux hypothèses : le nombre d’entrées annuelles dans la population est constant, d’une année sur l’autre, et le calendrier des sorties est identique pour toutes les cohortes d’entrées (rythme de sortie identique). Dans ce modèle, l’effectif de la population est donc constant. Ces hypothèses ne sont, en général, vérifiées ni pour la population sous écrou, ni pour la population détenue. Et pour cause ! Ainsi les durées moyennes que l’on peut calculer à partir des données de stock et des données de flux d’entrées (d = P /E) est un simple indicateur dont seule l’évolution sur plusieurs années a un sens. Ce n’est aucunement un outil d’analyse de conjoncture.

En 2012, l’administration pénitentiaire a enregistré 90 962 entrées sous écrou (E). Au cours de cette année, la population moyenne sous écrou a été de 76 962 (P), cette moyenne étant obtenue en faisant la moyenne arithmétique des effectifs au 1er jour de chaque mois. Ce qui donne un indicateur de la durée moyenne du placement sous écrou de 10,2 mois (tableau 1).
En 2001, cet indicateur était de 8,6 mois. Il a donc augmenté de 19 %.

A notre connaissance, l’administration pénitentiaire n’a pas les moyens de calculer, en toute rigueur, le même type d’indicateur ni pour la durée moyenne de détention dans son ensemble, ni pour la seule durée moyenne de détention provisoire. Mais des valeurs approximatives peuvent être estimées.
Encore faut-il ne pas tout confondre comme c’est souvent le cas en la matière4.

2. - Estimation de l’indicateur de la durée moyenne de détention
En 2012, 23 996 aménagements de peines sous PSE ont été prononcés5. Dans le calcul qui suit on fait l’hypothèse simplificatrice que 100 % de ces PSE sont « ab initio » et l’on considère comme négligeable le nombre de placements à l’extérieur, ab initio, sans hébergement pénitentiaire.

Estimation du nombre d’entrées en détention en 2012 : 90 962 – 23 996 = 66 966
Population moyenne détenue en 2012 : 66 787
Estimation de la durée moyenne de détention en 2012 : 12 mois (tableau2)

On notera que la durée moyenne de détention est restée voisine de 8,6 mois de 2001 à 2006, pour ne cesser d’augmenter à partir de 2007. La durée pour 2012 a ainsi augmenté de 40 % par rapport à 2006. Cette évolution est, évidemment, à rapprocher de la loi du 10 août 2007 introduisant les peines  lancher pour les récidivistes.

3. – Estimation de l’indicateur de la durée moyenne de détention provisoire
En 2012, 46 656 entrées de prévenus ont été enregistrées par l’administration pénitentiaire. Dans le calcul qui suit, on considère comme négligeable le nombre d’entrées dans la population des prévenus en cours de placement sous écrou. Une personne est placée sous écrou sur extrait de jugement pour exécuter sa peine. Puis en cours d’exécution, elle fait l’objet d’un mandat de dépôt dans une 2ème affaire. Lorsque la peine dans la 1ère affaire sera exécutée, la personne restera sous écrou pour la 2ème affaire. Elle passera ainsi de la population de condamnés à la population de prévenus. On ne connaît pas le nombre d’entrées de ce type dans la population de prévenus.

Population moyenne de prévenus en 2012 : 16 697.
Estimation de la durée moyenne de détention provisoire en 2012 : 4,3 mois (tableau3)
On notera que la durée moyenne de détention provisoire a augmenté de 16 % de 2008 à 2012.

Pierre V. Tournier

1 Directeur de recherches au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université Paris 1).

2 Introduit par la loi du 19 décembre 1997, le PSE comme mode d’aménagement des peines est entré en application fin 2000. Le nombre de condamnés placés était de 304 au 1/1/04, 709 au 1/1/05, 897 au 1/1/06,
1 648 au 1/1/07, 2 506 au 1/1/08.

3Pour plus de détails sur ce genre de calcul démographique voir Tournier P.V., Contribution à la
connaissance de la population des personnes incarcérées en France (1968-1980) - analyse démographique -,
thèse de 3e cycle publiée par le ministère de la Justice, Centre national d’études et de recherches pénitentiaires
(CNERP), 1981, 342 p. ou Barré M-D, Tournier P.V., coll. Leconte B., La mesure du temps carcéral,
observation suivie d’une cohorte d’entrants, Paris, CESDIP, Déviance & Contrôle social, n°48, 1988, 199 p.

4 Voir Tournier P.V., « Comment en arrive-t-on à surestimer la durée moyenne de détention de + 45 % dans
un rapport du Sénat ? Durée de temps passé sous écrou, durée de détention, durée de détention provisoire »,
Arpenter le Champ pénal, n°305, 21 janvier 2013, 4 p.

5 Les Chiffres clés de l’administration pénitentiaire au 1er janvier 2013.