Caroline Mandy: "La prison et l'Hôpital psychiatrique du XVIII au XXI siècle: institutions totalitaires ou services publics (contribution à l'étude de la privation de liberté en France et du paradigme de l'institution totale)", Thèse Nantes 2011
lien http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/83/49/06/PDF/These_C_MANDY.pdf
Adultes handicapés : La fin de vie dans les établissements pour personnes adultes handicapées : résultats d’une étude nationale, 2013.
Audition Assemblée nationale : Réforme du soin sous contrainte (Mars 2013)
http://www.dailymotion.com/video/x17i1k0_audition-de-mme-sophie-theron-et-m-eric-pechillon-maitres-de-conferences-jeudi-28-mars-2013_news
http://www.liberation.fr/societe/0101352017-la-loi-par-la-petite-porte-de-la-prisonhttp://www.liberation.fr/societe/0101352017-la-loi-par-la-petite-porte-de-la-prison
http://www.liberation.fr/societe/0101331842-la-loi-invite-en-douce-les-avocats-en-prison-un-texte-sur-les-droits-des-citoyens-devrait-profiter-aux-detenushttp://www.liberation.fr/societe/0101331842-la-loi-invite-en-douce-les-avocats-en-prison-un-texte-sur-les-droits-des-citoyens-devrait-profiter-aux-detenus
lien http://tel.archives-ouvertes.fr/docs/00/83/49/06/PDF/These_C_MANDY.pdf
Adultes handicapés : La fin de vie dans les établissements pour personnes adultes handicapées : résultats d’une étude nationale, 2013.
Audition Assemblée nationale : Réforme du soin sous contrainte (Mars 2013)
http://www.dailymotion.com/video/x17i1k0_audition-de-mme-sophie-theron-et-m-eric-pechillon-maitres-de-conferences-jeudi-28-mars-2013_news
http://www.liberation.fr/societe/0101352017-la-loi-par-la-petite-porte-de-la-prisonhttp://www.liberation.fr/societe/0101352017-la-loi-par-la-petite-porte-de-la-prison
http://www.liberation.fr/societe/0101331842-la-loi-invite-en-douce-les-avocats-en-prison-un-texte-sur-les-droits-des-citoyens-devrait-profiter-aux-detenushttp://www.liberation.fr/societe/0101331842-la-loi-invite-en-douce-les-avocats-en-prison-un-texte-sur-les-droits-des-citoyens-devrait-profiter-aux-detenus
Les nouveaux droits pour les détenus seront difficilement applicables.
Décidément, le droit pénitentiaire est encore
un droit balbutiant. Aujourd'hui, jour de la Toussaint, entre en
application la loi qui donne aux détenus le droit d'être défendus par
un avocat ou par un mandataire de leur choix lors des commissions de
discipline, là où se décident les punitions, dont l'envoi au mitard.
Mais les treize pages de la circulaire de l'administration pénitentiaire
qui en prévoit l'application ne sont tombées qu'hier. Et elles sont
fort compliquées. Au point de risquer d'être inapplicables.
Droits des citoyens. Il faut, pour comprendre, reprendre l'histoire de cette loi du 12 avril «relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations». Lors des débats, au Parlement, personne n'avait remarqué qu'elle s'appliquait aussi aux prisons. Sauf Claudine Ledoux, députée PS, rapporteur de la loi et qui avait pris le soin de noter clairement dans son rapport que le texte concernait aussi les établissements pénitentiaires. L'un des propos de la loi étant d'améliorer la transparence des décisions de l'administration et d'en diminuer l'arbitraire, il était normal qu'elle s'applique aux détenus. Notamment pour les décisions qui restreignent les libertés publiques, constituent une mesure de police, infligent une sanction. Ou encore pour celles qui «retirent ou abrogent une décision créatrice de droits, refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit...». Dans ces catégories entrent ainsi les punitions au quartier disciplinaire prison dans la prison mais aussi les retraits de permis de visite aux familles ou aux proches, les interdictions de correspondance ou les décisions d'ouvrir le courrier. Ou encore le fait de retirer à un détenu son emploi au sein de la prison, tels la distribution de repas, l'entretien, la blanchisserie.
Nouvelle donne. Nul donc ne l'avait vu venir et surtout pas la chancellerie. Quand Eric Péchillon, un universitaire de la fac de Rennes, proche de l'Observatoire international des prisons et attentif aux lois, découvre sur le Net la loi du 12 avril. Il en comprend toutes les implications et avertit l'association (Libération du 15 avril). Interrogés sur cette nouvelle donne, les services d'Elisabeth Guigou ne se montrent alors guère enthousiastes et c'est peu dire sur cette avancée du droit. Et commencent par affirmer que la loi du 12 avril ne s'applique pas à l'administration pénitentiaire. Pourtant, la chancellerie demande l'avis du Conseil d'Etat et doit s'incliner. La loi du 12 avril donne de nouveaux droits aux détenus et entre en application le 1er novembre, il faut donc s'organiser. C'est l'objet de la circulaire d'hier.
Elle est déjà critiquée. Sur la forme par Eric Péchillon : «Elle est illégale pour une raison simple, une circulaire est là pour expliquer le droit, mais celle-ci en crée. Entre autres parce qu'elle détermine la liste des personnes susceptibles d'être mandataires des détenus pour les défendre, ce qui aurait dû faire l'objet d'un décret.» La circulaire interdit, entre autres, d'être mandataire «à une personne incarcérée» ou à ceux qui ont un casier judiciaire. Eric Péchillon assure : «N'importe quel détenu peut refuser l'application de cette circulaire et en demander l'abrogation. Décidément, l'administration pénitentiaire a gardé ses mauvaises habitudes de tout réglementer par circulaire et ce, malgré les nombreux rapports de hauts magistrats ou des parlementaires qui lui enjoignaient d'en finir avec ces pratiques.»
Fausse concertation. Sur le fond ensuite, les syndicats de surveillants préviennent : «L'administration nous avait dit que les choses se feraient dans la concertation et on nous balance une circulaire la veille de l'entrée en application de la loi, on se fout de nous, râle Patrick Louvounou de l'Ufap, syndicat majoritaire, comment allons-nous faire ? Il est prévu qu'un gradé prépare l'instruction du dossier disciplinaire, mais nous n'avons pas la formation pour ! Ensuite, que fera le chef d'établissement face à l'avocat, alors qu'il est juge et partie ? Défendra-t-il toujours le personnel ou donnera-t-il raison au détenu en risquant d'être accusé par les organisations syndicales d'être du côté de la voyoucratie ? Cette précipitation va déclencher l'incompréhension totale des personnels !» Même avis à la CGT, qui pourtant assure : «Si le droit rentre en prison, cela ne peut être a priori négatif, mais je regrette que la réforme n'ait pas été préparée au risque d'être rejetée par le personnel.»
Défense des démunis. Enfin, dernier problème, celui des avocats. En plein mouvement des défenseurs qui réclament une augmentation des tarifs de l'aide juridictionnelle (AJ) pour la défense des démunis, la circulaire précise que l'assistance aux détenus ne sera pas payée par l'AJ. La Conférence des bâtonniers a d'ailleurs demandé aux barreaux de se préparer et réclame des moyens pour financer l'application de la loi. A dater d'aujourd'hui, en tout cas, la loi devra être respectée, sinon les procédures disciplinaires seront irrégulières.
Droits des citoyens. Il faut, pour comprendre, reprendre l'histoire de cette loi du 12 avril «relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations». Lors des débats, au Parlement, personne n'avait remarqué qu'elle s'appliquait aussi aux prisons. Sauf Claudine Ledoux, députée PS, rapporteur de la loi et qui avait pris le soin de noter clairement dans son rapport que le texte concernait aussi les établissements pénitentiaires. L'un des propos de la loi étant d'améliorer la transparence des décisions de l'administration et d'en diminuer l'arbitraire, il était normal qu'elle s'applique aux détenus. Notamment pour les décisions qui restreignent les libertés publiques, constituent une mesure de police, infligent une sanction. Ou encore pour celles qui «retirent ou abrogent une décision créatrice de droits, refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit...». Dans ces catégories entrent ainsi les punitions au quartier disciplinaire prison dans la prison mais aussi les retraits de permis de visite aux familles ou aux proches, les interdictions de correspondance ou les décisions d'ouvrir le courrier. Ou encore le fait de retirer à un détenu son emploi au sein de la prison, tels la distribution de repas, l'entretien, la blanchisserie.
Nouvelle donne. Nul donc ne l'avait vu venir et surtout pas la chancellerie. Quand Eric Péchillon, un universitaire de la fac de Rennes, proche de l'Observatoire international des prisons et attentif aux lois, découvre sur le Net la loi du 12 avril. Il en comprend toutes les implications et avertit l'association (Libération du 15 avril). Interrogés sur cette nouvelle donne, les services d'Elisabeth Guigou ne se montrent alors guère enthousiastes et c'est peu dire sur cette avancée du droit. Et commencent par affirmer que la loi du 12 avril ne s'applique pas à l'administration pénitentiaire. Pourtant, la chancellerie demande l'avis du Conseil d'Etat et doit s'incliner. La loi du 12 avril donne de nouveaux droits aux détenus et entre en application le 1er novembre, il faut donc s'organiser. C'est l'objet de la circulaire d'hier.
Elle est déjà critiquée. Sur la forme par Eric Péchillon : «Elle est illégale pour une raison simple, une circulaire est là pour expliquer le droit, mais celle-ci en crée. Entre autres parce qu'elle détermine la liste des personnes susceptibles d'être mandataires des détenus pour les défendre, ce qui aurait dû faire l'objet d'un décret.» La circulaire interdit, entre autres, d'être mandataire «à une personne incarcérée» ou à ceux qui ont un casier judiciaire. Eric Péchillon assure : «N'importe quel détenu peut refuser l'application de cette circulaire et en demander l'abrogation. Décidément, l'administration pénitentiaire a gardé ses mauvaises habitudes de tout réglementer par circulaire et ce, malgré les nombreux rapports de hauts magistrats ou des parlementaires qui lui enjoignaient d'en finir avec ces pratiques.»
Fausse concertation. Sur le fond ensuite, les syndicats de surveillants préviennent : «L'administration nous avait dit que les choses se feraient dans la concertation et on nous balance une circulaire la veille de l'entrée en application de la loi, on se fout de nous, râle Patrick Louvounou de l'Ufap, syndicat majoritaire, comment allons-nous faire ? Il est prévu qu'un gradé prépare l'instruction du dossier disciplinaire, mais nous n'avons pas la formation pour ! Ensuite, que fera le chef d'établissement face à l'avocat, alors qu'il est juge et partie ? Défendra-t-il toujours le personnel ou donnera-t-il raison au détenu en risquant d'être accusé par les organisations syndicales d'être du côté de la voyoucratie ? Cette précipitation va déclencher l'incompréhension totale des personnels !» Même avis à la CGT, qui pourtant assure : «Si le droit rentre en prison, cela ne peut être a priori négatif, mais je regrette que la réforme n'ait pas été préparée au risque d'être rejetée par le personnel.»
Défense des démunis. Enfin, dernier problème, celui des avocats. En plein mouvement des défenseurs qui réclament une augmentation des tarifs de l'aide juridictionnelle (AJ) pour la défense des démunis, la circulaire précise que l'assistance aux détenus ne sera pas payée par l'AJ. La Conférence des bâtonniers a d'ailleurs demandé aux barreaux de se préparer et réclame des moyens pour financer l'application de la loi. A dater d'aujourd'hui, en tout cas, la loi devra être respectée, sinon les procédures disciplinaires seront irrégulières.
Société
La loi invite en douce les avocats en prison . Un texte sur les droits des citoyens devrait profiter aux détenus.
Une vraie révolution s'annonce dans les prisons. Sous la forme d'une
robe noire et d'un rabat blanc. D'un avocat. Une loi, votée le 12 avril et promulguée le lendemain au Journal officiel, aura pour conséquence, selon des spécialistes, de le faire intervenir dans à peu près tous les aléas de la vie carcérale. L'ironie, c'est que le texte ne le dit pas expressément et que, lors des débats relatifs «aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations», nul n'a pensé aux prisons. Ni les députés, ni les sénateurs qui l'ont votée. A une exception, cependant. Claudine Ledoux, députée PS, avait noté dans son rapport à la Commission des lois que le texte concernait aussi les établissements pénitentiaires. «Mais, c'est clair, personne n'a tilté lors des débats», raconte un proche de la Commission des lois. Dans son article 24, donc, la loi prévoit que les décisions administratives doivent non seulement être motivées (c'est le cas depuis 1979) et, surtout, qu'elles ne pourront plus intervenir «qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix».
Première application en prison, ce sera la présence de l'avocat au prétoire, ce tribunal interne à la prison, où se décide les punitions, dont le placement au mitard. Aujourd'hui, le détenu s'y défend seul devant le directeur et deux surveillants. Sans accès au dossier, et avec un délai de trois heures pour préparer ses arguments après le moment où on lui notifie sa comparution. C'est jeudi soir qu'un maître de conférences à l'université de Rennes a découvert l'affaire. Eric Péchillon préparait un cours de droit et vérifiait au passage des données sur l'Internet. En pianotant, il tombe sur la loi 2000-321 du 12 avril, la lit et la relit en tous sens. Vérifie et comprend les implications. «Je me disais: "Ce n'est pas possible, c'est un immense pas en avant pour le droit en prison. Et personne ne s'en est encore aperçu! Et puis je pensais: "De toute façon, maintenant c'est la loi, c'est voté, c'est signé du président de la République et de tous les ministres.» D'autant que le texte se rapporte à un autre, la loi du 11 juillet 1979, qui prévoit la motivation des décisions administratives restreignant «l'exercice des libertés publiques» ou constituant «une mesure de police», ou «qui infligent une sanction».
L'universitaire est également proche de l'Observatoire international des prisons (OIP). Il passe sa nuit à tirer les conséquences de sa découverte. Et appelle Martine Herzog-Evans, une collègue de la fac de Paris-X spécialiste de droit pénal, qui travaille, elle aussi, avec l'OIP. «Je crois, dit-elle, qu'on n'a pas fini de lister les changements que cette loi va induire.» Le prétoire, d'abord, où «les avocats pourront soulever les irrégularités de procédure, par exemple le manque de preuves, ou le fait que l'on reproche à tel détenu une infraction non prévue par les textes». En plus, assure-t-elle, «voilà qui imposera une réforme de la procédure disciplinaire carcérale».
Il sera en effet impossible de refuser à un avocat l'accès au dossier. Et comment sérieusement organiser l'arrivée de l'avocat dans les trois heures imparties aujourd'hui au détenu? A L'OIP, c'est la fête. Patrick Marest affirme: «Enfin, l'institution carcérale va rentrer dans le droit commun et ce sera irréversible.» La loi n'entrera en application que le 1er décembre 2000, et déjà, «dans sept mois, l'OIP demandera aux avocats de frapper à la porte des 187 établissements pénitentiaires de France et de garantir le fait que le détenu est devenu un citoyen comme les autres». Ça posera quelques problèmes. D'abord parce que les avocats formés à l'administration pénitentiaire sont très peu nombreux. Et, ensuite, parce qu'il faudra bien financer leurs interventions. N'empêche. Patrick Marest égrène: «En janvier, il y a eu le témoignage du Dr Vasseur, en février les commissions d'enquête parlementaires, en mars les deux rapports Farge et Canivet préconisant de très grands progrès pour le droit carcéral, et en avril cette loi. Il faut maintenant se garder de la tentation de retours en arrière, il ne faut pas renvoyer les détenus et les surveillants dans une zone de non-droit, de citoyens de seconde zone.» Et Me Thierry Lévy, avocat pénaliste, renchérit: «Si l'avocat entre au prétoire, il va profondément bouleverser le climat des prisons, les relations entre détenus et surveillants. Et obliger les chefs d'établissement à exercer leur pouvoir disciplinaire avec beaucoup plus de mesure et de discernement.»
A la chancellerie, l'interprétation est tout autre: «Il s'agit d'un texte de portée très générale, apportant des réponses où il n'y en a pas. Et les établissements pénitentiaires ne sont pas des zones de non-droit», assurent les services d'Elisabeth Guigou qui mettent en avant l'article 728 du code de procédure pénale, selon lequel «un décret détermine l'organisation et le régime intérieur» des prisons: «La nouvelle loi ne peut en aucun cas s'y substituer, et ici nous pensons qu'elle ne s'applique ni au prétoire ni au régime disciplinaire.» Ça promet de beaux débats juridiques. Avec, comme enjeu, le droit des détenus.
robe noire et d'un rabat blanc. D'un avocat. Une loi, votée le 12 avril et promulguée le lendemain au Journal officiel, aura pour conséquence, selon des spécialistes, de le faire intervenir dans à peu près tous les aléas de la vie carcérale. L'ironie, c'est que le texte ne le dit pas expressément et que, lors des débats relatifs «aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations», nul n'a pensé aux prisons. Ni les députés, ni les sénateurs qui l'ont votée. A une exception, cependant. Claudine Ledoux, députée PS, avait noté dans son rapport à la Commission des lois que le texte concernait aussi les établissements pénitentiaires. «Mais, c'est clair, personne n'a tilté lors des débats», raconte un proche de la Commission des lois. Dans son article 24, donc, la loi prévoit que les décisions administratives doivent non seulement être motivées (c'est le cas depuis 1979) et, surtout, qu'elles ne pourront plus intervenir «qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix».
Première application en prison, ce sera la présence de l'avocat au prétoire, ce tribunal interne à la prison, où se décide les punitions, dont le placement au mitard. Aujourd'hui, le détenu s'y défend seul devant le directeur et deux surveillants. Sans accès au dossier, et avec un délai de trois heures pour préparer ses arguments après le moment où on lui notifie sa comparution. C'est jeudi soir qu'un maître de conférences à l'université de Rennes a découvert l'affaire. Eric Péchillon préparait un cours de droit et vérifiait au passage des données sur l'Internet. En pianotant, il tombe sur la loi 2000-321 du 12 avril, la lit et la relit en tous sens. Vérifie et comprend les implications. «Je me disais: "Ce n'est pas possible, c'est un immense pas en avant pour le droit en prison. Et personne ne s'en est encore aperçu! Et puis je pensais: "De toute façon, maintenant c'est la loi, c'est voté, c'est signé du président de la République et de tous les ministres.» D'autant que le texte se rapporte à un autre, la loi du 11 juillet 1979, qui prévoit la motivation des décisions administratives restreignant «l'exercice des libertés publiques» ou constituant «une mesure de police», ou «qui infligent une sanction».
L'universitaire est également proche de l'Observatoire international des prisons (OIP). Il passe sa nuit à tirer les conséquences de sa découverte. Et appelle Martine Herzog-Evans, une collègue de la fac de Paris-X spécialiste de droit pénal, qui travaille, elle aussi, avec l'OIP. «Je crois, dit-elle, qu'on n'a pas fini de lister les changements que cette loi va induire.» Le prétoire, d'abord, où «les avocats pourront soulever les irrégularités de procédure, par exemple le manque de preuves, ou le fait que l'on reproche à tel détenu une infraction non prévue par les textes». En plus, assure-t-elle, «voilà qui imposera une réforme de la procédure disciplinaire carcérale».
Il sera en effet impossible de refuser à un avocat l'accès au dossier. Et comment sérieusement organiser l'arrivée de l'avocat dans les trois heures imparties aujourd'hui au détenu? A L'OIP, c'est la fête. Patrick Marest affirme: «Enfin, l'institution carcérale va rentrer dans le droit commun et ce sera irréversible.» La loi n'entrera en application que le 1er décembre 2000, et déjà, «dans sept mois, l'OIP demandera aux avocats de frapper à la porte des 187 établissements pénitentiaires de France et de garantir le fait que le détenu est devenu un citoyen comme les autres». Ça posera quelques problèmes. D'abord parce que les avocats formés à l'administration pénitentiaire sont très peu nombreux. Et, ensuite, parce qu'il faudra bien financer leurs interventions. N'empêche. Patrick Marest égrène: «En janvier, il y a eu le témoignage du Dr Vasseur, en février les commissions d'enquête parlementaires, en mars les deux rapports Farge et Canivet préconisant de très grands progrès pour le droit carcéral, et en avril cette loi. Il faut maintenant se garder de la tentation de retours en arrière, il ne faut pas renvoyer les détenus et les surveillants dans une zone de non-droit, de citoyens de seconde zone.» Et Me Thierry Lévy, avocat pénaliste, renchérit: «Si l'avocat entre au prétoire, il va profondément bouleverser le climat des prisons, les relations entre détenus et surveillants. Et obliger les chefs d'établissement à exercer leur pouvoir disciplinaire avec beaucoup plus de mesure et de discernement.»
A la chancellerie, l'interprétation est tout autre: «Il s'agit d'un texte de portée très générale, apportant des réponses où il n'y en a pas. Et les établissements pénitentiaires ne sont pas des zones de non-droit», assurent les services d'Elisabeth Guigou qui mettent en avant l'article 728 du code de procédure pénale, selon lequel «un décret détermine l'organisation et le régime intérieur» des prisons: «La nouvelle loi ne peut en aucun cas s'y substituer, et ici nous pensons qu'elle ne s'applique ni au prétoire ni au régime disciplinaire.» Ça promet de beaux débats juridiques. Avec, comme enjeu, le droit des détenus.