mercredi 24 juin 2009

échange de seringues en détention


Journée Prison Sidaction L’échange de seringues : un enjeu de santé publique Jeudi 25 juin 2009 Paris 10ème
Historique juridique de la réduction des risques et de l’échange de seringues en prison : enjeux et controverses
Eric Péchillon (Maître de conférences Université de Rennes 1)
Plan de l'intervention prévue
Présentation rapide du droit de la santé en prison et de la difficile reconnaissance par l’administration pénitentiaire d’une réalité difficile à admettre.
Exemple de la distribution de préservatifs=sexualité et comme la mixité n’existe pas homosexualité
La distribution de seringue = présence de drogue = problème de surveillance ?
1) Le cadre juridique général
· L’affirmation de l’application du droit commun durant la détention
- L’échange de seringues s’inscrit dans le cadre des politiques de santé publique
- La loi de 1994 : droits des détenus aux mêmes prestations qu’à l’extérieur
- La loi sur les droits du patient : le législateur crée progressivement un droit à la santé à la charge de l’ensemble des acteurs publics
· L’exception carcérale : la logique sécuritaire de l’administration pénitentiaire
Pour l’instant le droit pénitentiaire est fragile car largement règlementaire à la différence du droit de la santé publique (législatif). Il est donc en théorie possible de hiérarchiser les règles contradictoires. Le juge administratif commence à reconnaitre la multitude des statuts du détenu (personne humaine, individu, patient, usager de la justice et enfin (et théoriquement dans cet ordre) usager du service public pénitentiaire (avec deux sous statuts possibles : prévenus et condamnés).
· Une lecture dynamique du projet de loi pénitentiaire le 6 mars 2009
Un texte encore très largement incomplet mais qui malgré tout peut permettre quelques avancées
Section 5 De la santé
Article 20 A (nouveau) L'administration pénitentiaire et les personnels soignants garantissent le droit au secret médical des détenus ainsi que le secret de la consultation, dans le respect des dispositions des 3e et 4e alinéas de l'art. L 6141-5 du CSP (article qui peu permettre la mise en place de la solution intermédiaire infra)
Article 20 : La prise en charge de la santé des détenus est assurée par le service public h2ospitalier dans les conditions régies par le CSP (intégralité du droit commun donc)
La qualité, la permanence et la continuité des soins sont garanties (obligation de résultat) aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dispensées à l'ensemble des personnes accueillies dans les établissements de santé publics ou privés (le message est clair, mais surtout il renforce les obligations à la charge des intervenants extérieurs qui doivent tout mettre en œuvre pour garantir ce résultat).
L'état psychologique des personnes détenues est pris en compte lors de leur incarcération et pendant leur détention (quid des conduites addictives ?)
L'administration pénitentiaire favorise (simple obligation de moyens : doc un traitement dérogatoire pour l’AP) la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l'éducation sanitaires (le législateur crée une obligation de moyens à la charge de l’AP, dont la prévention du sida fait partie)
Elle assure un hébergement, un accès à l'hygiène, une alimentation et une cohabitation propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques (hygiène : le terme est suffisamment large pour permettre ce type de politique).
Article 22 bis (nouveau) : Les traitements médicaux prescrits avant l'incarcération par un médecin généraliste ou un spécialiste sont poursuivis en détention (malheureusement ici l’échange de seringue n’est pas un traitement médical !)
Leur interruption peut engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire (reconnaissance explicite de la responsabilité accrue de l’AP en cas de défaillance dans la mise en œuvre de son obligation de sécurité envers les détenus : jurisprudence OIP de 2008)
Article 22 ter (nouveau) Une visite médicale obligatoire est organisée avant que le détenu ne soit libéré (article qui peut certes conduire à la rétention de sureté mais qui peut aussi permettre au juge administratif de reconnaitre la responsabilité de l’Etat en cas de propagation du virus du sida)
2) Qualifier juridiquement pour dépassionner le débat
Pour mettre en place une politique publique cohérente et acceptée par l’ensemble des acteurs, il est nécessaire de poser des bases claires.
· Définir le statut juridique de l’utilisateur de seringue
· Définir le statut juridique de la seringue
Un outil de prévention des risques sanitaires
- Pas une infraction disciplinaire
- Pas être considérée a priori comme une arme par destination
· Déterminer les objectifs de santé publique et préciser qu’ils ne sont pas contradictoires avec le sens de la peine (au contraire).
3) 3 solutions pratiques envisageables
· La solution minimale (et inefficace) conforme à la logique pénitentiaire traditionnelle : l’échange de seringues dans les seuls locaux de soins
Faute de trouver un accord avec le personnel pénitentiaire local, les équipes soignantes doivent avoir la possibilité de mener leur mission dans les locaux mis à leur disposition. Partant de ce principe, on peut imaginer la distribution de seringue à usage unique n’ayant pas vocation à sortir des locaux de soins. Cette solution n’est pas satisfaisante car impossible à mettre en œuvre (fouille des détenus, pas de locaux…)
· La solution intermédiaire : un compromis habile entre toutes les logiques institutionnelles
Dans le cadre des conventions qui lient la prison et l’hôpital, il est possible d’établir une procédure conforme à l’ensemble des intérêts de chacun (administration pénitentiaire, détenus, personnels soignant).
La distribution serait effectuée par les équipes de soins et de prévention (UCSA et SMPR). Chaque détenu recevrait une enveloppe standardisée cachetée par les soignants. Cette enveloppe pourrait contenir les attestations et certificats médicaux, les médicaments de chaque patient, les seringues). Afin de respecter la vie privée, l’intimité et le secret médical, les surveillants ne seraient pas habilités à ouvrir ces enveloppes cachetées. Reste à régler le problème de la récupération de seringues usagées.
· La solution dite de droit commun : la prison n’est pas un lieu d’exception
Placer dans chaque établissement en accès libre, un distributeur d’échange en accès libre et inscrire dans les textes que la détention de drogue est une infraction disciplinaire mais pas celle d’une seringue.