Formalisation de la décision d'admission en soins psychiatrique par le directeur suite à la demande d'un tiers
La Cour administrative d'appel de Bordeaux insiste sur la manière et le délai dans lequel doit être formalisé une admission en soins sous contrainte à la demande d'un Tiers.
Pour être placé en "période d'observation et de soins initiale", il convient que le directeur d'établissement prenne une décision individuelle d'admission.
Cette décision doit s'appuyer sur la demande du tiers et sur les certificats initiaux.
4. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 8
février 2012, le directeur du centre hospitalier Esquirol, après avoir
recueilli une demande de soins d'un tiers et s'être fondé sur un
certificat médical établi le même jour, a admis M. A...en soins
psychiatriques à compter du 7 février 2012. La décision d'admission est
ainsi intervenue le lendemain du jour où l'intéressé a été effectivement
admis dans le service de soins psychiatriques. Or, le centre
hospitalier Esquirol ne produit aucun élément propre à l'espèce de
nature à justifier le laps de temps qui s'est ainsi écoulé entre la
décision d'admission et sa formalisation. Dans ces conditions, la
décision en litige a été prise en méconnaissance des dispositions
précitées de l'article L.3212-1 du code de la santé publique.
Le texte intégral de l'affaire:
CAA de BORDEAUX
N°
14BX01260
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre (formation à 3)
M. DE MALAFOSSE, président
Mme Sabrina LADOIRE, rapporteur
M. de la TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur public
LE PRADO, avocat
lecture du
mardi 10 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges
d'annuler la décision du 8 février 2012 par laquelle le directeur du
centre hospitalier Esquirol de Limoges l'a admis en soins psychiatriques
à la demande d'un tiers, la décision du 9 février 2012 par laquelle le
directeur de ce centre hospitalier l'a maintenu en soins psychiatriques
sous la forme d'une hospitalisation complète et les décisions des 13
février 2012, 6 mars 2012 et 5 avril 2012 par lesquelles il a prolongé
son hospitalisation complète pour une durée d'un mois.
Par un jugement n° 1200894 du 26 février 2014, le tribunal
administratif de Limoges a annulé les décisions du 13 février 2012,
du 6 mars 2012 et du 5 avril 2012 du centre hospitalier Esquirol de
Limoges et a rejeté le surplus des conclusions de M.A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 avril 2014 et un mémoire
présenté le 22 juin 2015, M. C... A..., représenté par MeB..., demande à
la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du
26 février 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à
l'annulation des décisions des 8 et 9 février 2012 décidant son
admission et son maintien en soins psychiatriques ;
2°) d'annuler ces deux décisions ;
3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier de Limoges une
somme de 2 500 euros au titre des articles L.761-1 du code de justice
administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 8 février 2012, le directeur du centre
hospitalier Esquirol de Limoges a décidé l'admission de M. A...en soins
psychiatriques en application des dispositions des articles L. 3212-1 et
suivants du code de la santé publique. A la suite de deux certificats
médicaux établis le 8 février et le 9 février 2012, le directeur du
centre hospitalier Esquirol a maintenu la mesure d'hospitalisation
complète le 9 février 2012. A la suite d'autres certificats médicaux, le
directeur de ce centre hospitalier a, par des décisions des 13 février,
6 mars et 5 avril 2012, prolongé d'un mois l'hospitalisation complète
de M.A.... Ce dernier relève appel du jugement du tribunal administratif
de Limoges du 26 février 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions
tendant à l'annulation des décisions des 8 et 9 février 2012 décidant
son admission et son maintien en soins psychiatriques. Par la voie de
l'appel incident, le directeur du centre hospitalier Esquirol de Limoges
demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a annulé ses
décisions des 13 février, 6 mars et 5 avril 2012 prolongeant d'un mois
l'hospitalisation complète de M.A....
Sur la légalité :
En ce qui concerne la décision du 8 février 2012 :
2. Aux termes de l'article L.3212-1 du code de la santé publique :
" I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de
soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement
mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions
suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son
consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis
soit d'une surveillance médicale constante justifiant une
hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière
justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de
l'article L. 3211-2-1. / II.-Le directeur de l'établissement prononce la
décision d'admission : 1° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande
présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne
justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la
demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de
celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans
l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'il remplit
les conditions prévues au présent alinéa, le tuteur ou le curateur d'un
majeur protégé peut faire une demande de soins pour celui-ci. / La
forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil
d'Etat. / La décision d'admission est accompagnée de deux certificats
médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que
les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont
réunies. / Le premier certificat médical ne peut être établi que par un
médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il
constate l'état mental de la personne malade, indique les
caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il
doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut
exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne
peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni
entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné à l'article L.
3222-1 qui prononce la décision d'admission, ni de la personne ayant
demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins ; / 2°
Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les
conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date
d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment
constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au
troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la
personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la
nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne
peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il
ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré
inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la
personne malade. / Dans ce cas, le directeur de l'établissement
d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés
particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et,
le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de
l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de
relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et
lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci. / Lorsque
l'admission a été prononcée en application du présent 2°, les
certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de
l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts. ".
3. Il résulte des dispositions précitées, dans leur version issue
de la loi du 5 juillet 2011, que la décision par laquelle le directeur
d'un centre hospitalier prononce l'admission en soins psychiatriques
d'une personne à la demande d'un tiers doit être formalisée par écrit et
motivée. Si la formalisation de la décision d'admission n'est enfermée
dans aucun délai, elle ne peut être retardée au-delà du temps
strictement nécessaire à la mise en oeuvre de la procédure préalable à
son intervention.
4. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 8
février 2012, le directeur du centre hospitalier Esquirol, après avoir
recueilli une demande de soins d'un tiers et s'être fondé sur un
certificat médical établi le même jour, a admis M. A...en soins
psychiatriques à compter du 7 février 2012. La décision d'admission est
ainsi intervenue le lendemain du jour où l'intéressé a été effectivement
admis dans le service de soins psychiatriques. Or, le centre
hospitalier Esquirol ne produit aucun élément propre à l'espèce de
nature à justifier le laps de temps qui s'est ainsi écoulé entre la
décision d'admission et sa formalisation. Dans ces conditions, la
décision en litige a été prise en méconnaissance des dispositions
précitées de l'article L.3212-1 du code de la santé publique.
En ce qui concerne la décision du 9 février 2012 :
5. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à exciper de
l'illégalité de la décision d'admission à l'appui de ses conclusions
tendant à l'annulation de la décision du 9 février 2012 prononçant son
maintien en soins psychiatriques.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir
que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif
de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des
8 et 9 février 2012.
En ce qui concerne les décisions des 13 février 2012, 6 mars 2012 et 5 avril 2012 :
7. L'annulation des décisions des 8 et 9 février 2012 portant
admission de M. A...en soins psychiatriques entraîne, par voie de
conséquence, l'illégalité des décisions des 13 février, 6 mars et 5
avril 2012 ayant prolongé d'un mois l'hospitalisation de l'intéressé.
Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la
recevabilité des conclusions incidentes du centre hospitalier Esquirol,
ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le
jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé ces
trois décisions.
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L.761-1
du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par
une décision en date du 15 mai 2014. Ainsi, son avocat peut se prévaloir
des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice
administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à
l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve
que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part
contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à
la charge du centre hospitalier le versement de la somme de 1 500 euros
en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Les décisions du directeur du centre hospitalier Esquirol
de Limoges en date du 8 février et du 9 février 2012 sont annulées.
Article 2 : Le jugement n° 1200894 du 26 février 2014 du tribunal
administratif de Limoges est annulé en tant qu'il est contraire au
présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier Esquirol de Limoges versera la somme
de 1 500 euros à Me B..., en application des dispositions combinées des
articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme
correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide
juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.