mercredi 6 avril 2016

L'ONG Human Rights Watch met en cause la prise en charge de la santé mentale des détenus français


Double peine
Conditions de détention inappropriées pour les personnes présentant des troubles psychiatriques dans les prisons en France


https://www.hrw.org/sites/default/files/report_pdf/france0416_frweb_0.pdf

Un rapport qui confirme le besoin d'une réflexion d'ensemble sur le soin psychiatrique, la peine, le soins durant la peine et les faiblesses du dispositif actuels.

 Extraits:
Recommandations
Aux ministres de la Justice et de la Santé
• Dans un premier temps, commander une étude indépendante sur l’état de santé mentale des détenus dans les prisons françaises avec des informations détaillées sur le nombre de prisonniers (ventilé par sexe) souffrant de troubles psychiatriques ainsi que sur le type de handicap.
• Explorer des façons d’améliorer les interactions constructives entre les professionnels de santé mentale et le personnel pénitentiaire dans le strict respect du secret médical, l’objectif étant de garantir de bonnes relations de travail entre les personnes interagissant avec des personnes présentant des pathologies mentales.
• Proposer une prise en charge au quotidien plus efficace et de meilleures conditions de vie aux détenus présentant des troubles psychiatriques sur la base de leurs besoins et de leurs souhaits. Ceci doit se fonder sur une évaluation des Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), sur un examen de l’insuffisance actuelle de la prise en charge au quotidien ainsi que des conditions de vie à l’intérieur des prisons que ce rapport met en évidence.
• Mettre en place des politiques garantissant que les détenus présentant un trouble psychiatrique ne sont pas placés en isolement.
• Les détenus qui doivent comparaître devant une commission de discipline doivent avoir la possibilité de demander qu’un médecin ou un professionnel de santé mentale soit appelé à témoigner. Il faut donner au détenu suffisamment de temps pour consulter le médecin ou le professionnel de santé mentale avant ou pendant la procédure de la commission. Le détenu doit également avoir le droit de renoncer au secret médical afin de permettre au médecin ou au professionnel de santé mentale de parler de sa pathologie et de son traitement dans le cadre de la détermination de la sanction qui doit être infligée au détenu le cas échéant. 
 
 
Au ministre de la Justice
• Chercher à réduire la surpopulation en prison, en particulier dans les maisons d’arrêt, en ordonnant aux procureurs et aux juges d’appliquer la loi du 15 août 2014 qui permet de réduire d’un tiers les peines imposées à des accusés dont le discernement a été altéré par un trouble psychiatrique au moment où ils ont commis l’infraction.
• Chercher à réduire le ratio entre les surveillants et les détenus dont ils sont responsables à tout moment donné. Cette problématique est une priorité pour les maisons d’arrêt.
• Veiller à ce que la santé mentale des prisonniers soit prise en compte lorsque de nouvelles prisons sont construites et à ce que l’architecture et l’organisation de la prison permettent des interactions humaines régulières pour les détenus. Les nouvelles prisons doivent également être de s lieux qui sont facilement accessibles pour les visiteurs des détenus et les professionnels de santé.
 
Aux juges et procureurs
• Réduire la durée d’incarcération des personnes présentant des troubles psychiatriques graves en veillant à ce que les personnes ne reçoivent pas des peines plus sévères du fait de leur handicap, ce qui constituerait une discrimination.
• Le cas échéant, appliquer l’article 122-1 du Code pénal tel que modifié par la loi du15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales qui prévoit une réduction d'un tiers des peines d'emprisonnement si le discernement d'une personne était altéré par un handicap psychosocial au moment où elle a commis l’infraction.
Cette réduction des peines s’applique aux sanctions prononcées après son entrée en vigueur mais non avant.
• Les juges doivent également exercer l’option prévue par la loi du 15 août 2014 permettant de suspendre la peine ou de prononcer la libération des personnes qui sont en détention provisoire si la détention est incompatible avec leur santé mentale en vertu respectivement des articles 720-1-1 et 147-1 du Code de procédure pénale. 
 
Au directeur de l’administration pénitentiaire
• Veiller à ce que tous les surveillants reçoivent régulièrement une formation sur la santé mentale et qu’ils aient suffisamment de temps pour participer à ces formations. Les formations doivent inclure des séances sur les indicateurs de pathologie mentale, sur les façons de soutenir les détenus présentant des pathologies mentales, sur les techniques de désamorçage verbal, sur les outils permettant d’interagir efficacement et humainement avec les détenus présentant ces handicaps, sur la prévention du suicide et sur les effets secondaires des
médicaments.
• Veiller à ce que toutes les cellules soient équipées d’interphones en état de marche que les prisonniers puissent utiliser jour et nuit.
• Notamment dans les nouvelles prisons où il existe moins d’opportunités d’interaction entre les détenus et le personnel pénitentiaire, veiller à consacrer du temps au dialogue sur la base du respect mutuel et de l’interaction sociale. Ces interactions peuvent permettre d’éviter des conflits, d'améliorer les relations entre les détenus et les surveillants et de contribuer à un meilleur environnement pour les détenus et à de meilleures conditions de travail pour les surveillants.
• Veiller à ce que les femmes ne soient pas détenues dans des conditions qui sont moins favorables que celles réservées aux hommes du fait de leur statut de femme et de leur nombre inférieur à celui des hommes en prison. Elles doivent avoir un accès équivalent aux soins de santé, aux activités et à la formation professionnelle et ne doivent pas subir de plus grandes restrictions que les hommes quant à leurs mouvements. 
 
Au ministre de la Santé
• Tenir compte de la pénurie de personnel spécialisé dans la santé mentale travaillant dans les prisons françaises. Consulter le personnel de santé mentale travaillant en prison sur la façon d’améliorer ses conditions de travail. Fournir les ressources financières nécessaires pour embaucher et retenir le personnel nécessaire. S'atteler au problème d'absence d'attractivité du travail en prison à travers une meilleure communication entre le personnel pénitentiaire et le
personnel de santé et à travers la protection du secret médical en prison. 
  • Veiller à ce que les services de santé dans la communauté répondent aux besoins des anciens détenus après leur libération, y compris une libération sur suspension de peine. Veiller à ce que ces services ne discriminent pas les personnes sur la base de leurs antécédents judiciaires et fournissent des prestations sur la base d'un consentement libre et éclairé.
• Veiller à ce que le personnel spécialisé dans la santé mentale puisse apporter sa
contribution dans le cadre de forums où le personnel pénitentiaire fait part de
préoccupations sur la santé mentale des détenus y compris les risques
d’automutilation. La participation des professionnels de santé à ces réunions doit
se faire en tenant dûment compte du droit des détenus à la confidentialité de leur
dossier médical ainsi que du devoir des professionnels de santé leur imposant de
respecter le secret médical.
• Si le détenu le souhaite, permettre à un professionnel de santé mentale de comparaître en tant que témoin devant des commissions de discipline de façon à garantir la prise en compte de l’incidence des mesures disciplinaires sur la santé mentale des détenus. Veiller à ce que les détenus présentant des troubles psychiatriques ne soient pas détenus à l'isolement dans des cellules disciplinaires où leur santé mentale est mise en danger.
• Doter davantage de prisons de Services médico-psychologiques régionaux (SMPR) de façon à refléter les besoins des détenus en soins de santé mentale. Les lits dans les SMPR doivent être mis à la disposition des femmes aussi bien que des hommes.
 
Aux directeurs des hôpitaux psychiatriques admettant des patients provenant d'un établissement pénitentiaire
• Veiller à ce que les détenus, lorsqu’ils sont admis en hôpital psychiatrique, soient traités d'une façon non discriminante et que leurs droits soient respectés y compris leur droit à un traitement sur la base d'un consentement libre et éclairé.
Chaque fois que cela ne se justifie pas du point de vue thérapeutique, ils ne doivent pas être isolés, placés sous contention ou mis à l’isolement du fait de leur statut de détenu ou sur la seule base de leurs antécédents judiciaires. Dans la mesure où des dispositifs de sécurité supplémentaires sont requis pour empêcher un détenu de fuir, ces dispositifs doivent être mis en place d'une façon qui ne gêne pas les bonnes pratiques cliniques eu égard au traitement du patient.
 
A la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté
* Inclure une section détaillée sur la situation des personnes présentant une pathologie mentale dans tous les rapports sur les visites de prison qui reflète les expériences des détenus, hommes et femmes, atteints de troubles psychiatriques.
• Mener une étude sur les conditions dans lesquelles les prisonniers sont hospitalisés en hôpital psychiatrique public pendant leur incarcération et formuler des recommandations spécifiques afin d’améliorer les conditions et de garantir que les droits des patients à la santé et ne pas subir de traitements inhumains ou dégradants soient respectés.
• Mener une étude sur la santé mentale des femmes détenues et sur leur accès aux soins de santé mentale et formuler des recommandations spécifiques afin de garantir le respect de leur droit à jouir du meilleur état de santé possible et l'égalité de traitement par rapport à leurs homologues masculins.
Une étude faisant suite à son avis du 25 janvier 2016 relatif à la situation des femmes privées de liberté serait la bienvenue.