Un an après la Loi de santé, focus sur les textes attendus pour la psychiatrie
Si la première phase de mise
en œuvre de la loi de Santé a été notamment dominée par l'installation
des GHT, un bilan d'étape un an après sa promulgation, révèle que
plusieurs réformes doivent encore être menées à bien.
Hospimedia fait le
point sur les textes d'application attendus dans de nombreux domaines.
En psychiatrie, alors que la ministre veut donner une nouvelle impulsion
à la politique de santé mentale, un décret et une instruction sont en
cours d'élaboration pour fixer le cadre des futurs Projets territoriaux
de santé mentale (PTSM), notamment l'offre de soins "minimale" attendue
dans les territoires.
En réponse à l'inscription de la santé mentale comme l'un des
chantiers prioritaires de la stratégie nationale de santé, la ministre
des Affaires sociales et de la Santé a souhaité donner,
via l'article 69 de la loi de modernisation de notre système de santé, un "
nouvel élan"
à la politique de santé mentale. Elle a créé pour ce faire une nouvelle
architecture territoriale, plus large que la sectorisation
psychiatrique. Cette politique se définit en effet comme la mise en
œuvre d'un "
ensemble cohérent d'actions de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale" par des acteurs "
diversifiés
qui se coordonnent sur les territoires afin d'offrir aux personnes des
parcours de santé et de vie de qualité et sans ruptures". Cette réforme se veut donc, selon le ministère, un "
changement de paradigme"
à deux titres notamment : elle élargit l'offre de soins, donc la gamme
d'offreurs de soins (étendue au sein du champ sanitaire mais aussi vers
le médico-sociale et le social), et nécessite de repenser en profondeur
l'organisation territoriale de la santé mentale.
Ceci doit en conséquence prendre la forme d'un projet territorial de
santé mentale (PTSM). Cœur du dispositif, celui-ci doit, selon le nouvel
article
L3221-2 du Code de la santé publique (CSP) introduit par la loi de Santé, organiser "
l'accès de la population à un ensemble de dispositifs et de services répondant à des priorités définies par voie réglementaire". Selon les informations recueillies par
Hospimedia,
ce projet fera l'objet d'un décret et d'une instruction ministérielle
détaillée. Ce cadre — encore à l'étude au ministère — devra répondre à
beaucoup d'interrogations qui demeurent. À vouloir embrasser un champ si
large, les PTSM parviendront-ils à remplir toutes leurs missions ? Les
acteurs concernés, en grand nombre, parviendront-ils à s'accorder sur
les priorités de ces PTSM ? Des cahiers des charges potentiellement trop
lourds et/ou détaillés ne risqueraient-ils pas d'amputer les acteurs de
marges de manœuvre locales, de possibilités d'innovation, d'adaptation
aux spécificités territoriales paradoxalement ? Et quels territoires
définir tout d'abord pour ces projets nécessairement ambitieux ?
Un socle minimal de services dans un territoire "suffisant"
Le décret à paraître va décrire, selon nos informations, les priorités
auxquelles devra répondre l'ensemble de dispositifs et services créé par
le PTSM. Et, en complément de ce décret, l'instruction définira le "
socle minimal de services qui devront être présents sur chaque territoire de santé mentale en réponse à ces priorités". Pour définir ce socle minimal, le ministère s'inspire notamment du
rapport sur la santé mentale remis à Marisol Touraine par Michel Laforcade en octobre 2016. Il y propose "
un panier de services" et s'inspire également des
travaux du
Comité de pilotage du handicap psychique* dans le cadre de la stratégie
quinquennale d'évolution de l'offre médico-sociale, publiés en
décembre 2016. L'instruction devrait également donner aux acteurs des
éléments de méthodologie pour accompagner la définition du territoire,
la réalisation du diagnostic territorial et la rédaction du PTSM. Enfin,
elle devrait préciser le calendrier, les indicateurs d'évaluation et
les éléments de contractualisation à disposition des ARS pour garantir
la mise en place des politiques territoriales prévues par la loi.
Concernant la définition du territoire, les acteurs travaillent avec les
services du ministère sur la notion de territoire "suffisant". Il faut
naturellement s'assurer de la présence de l'ensemble des acteurs, soit
celle d'un ou plusieurs établissements psychiatriques et de celle de
services sociaux et médico-sociaux, dans la logique du parcours. Pour
l'heure, à titre indicatif, l'instruction se fonde sur un bassin de
population d'environ 400 000 habitants, "
plus ou moins la taille d'un département, à adapter selon le contexte urbain ou rural", couvrant "
plusieurs conseils locaux de santé mentale (CLSM) lorsqu'ils existent" et un ou deux groupements hospitaliers de territoire (GHT).
De plus, dans la logique du parcours, il est gardé à l'esprit "
l'objectif d'inclusion des personnes" dans la cité/société. Ce qui nécessite que le suivi sanitaire et social soit réalisé "
le plus en proximité possible et de façon continue" par des acteurs de terrain "
travaillant en coordination étroite entre eux et avec la personne et ses proches". L'instruction devrait spécifier que le niveau de proximité ainsi identifié est pour le versant sanitaire "
l'équipe de psychiatrie de secteur et le psychiatre libéral". Pour le versant social, cela reste à définir. Et cette prise en charge de proximité doit s'accompagner, "
chaque
fois que nécessaire, de la mobilisation des ressources, services et
expertises disponibles à un niveau territorial plus élevé". Concernant la définition du "
socle minimal" de services, qui constitue l'essentiel de l'instruction en cours (lire l'encadré), ce socle sera "
décliné
selon des modalités définies par les acteurs et les ARS, en tenant
compte des caractéristiques du territoire, de l'offre existante et de la
dynamique des acteurs".
Élaborer un "diagnostic partagé" sous l'égide des ARS
Afin d'élaborer leurs PTSM, les acteurs devront se mobiliser en nombre.
Outre ceux des champs sanitaire, social et médico-social, devront
participer ceux en charge des politiques du logement et de l'emploi mais
également des élus locaux et des collectivités territoriales. Il
s'agira d'établir un "
diagnostic partagé", un travail préalable
indispensable dont la méthodologie pourrait être confiée à l'Agence
nationale d'appui à la performance des établissements de santé et
médico-sociaux (Anap). Par ailleurs, ce sera aux ARS de jouer le rôle
d'animation et de coordination des démarches d'élaboration des
diagnostics et d'élaboration des PTSM. Elles devront s'assurer "
de l'association à la démarche de l'ensemble des acteurs concourant aux actions de santé mentale" et solliciter ceux "
qui ne seraient pas spontanément associés".
Enfin, le calendrier, les modalités de contractualisation et les
indicateurs d'évaluation sont encore en cours d'étude au ministère.
Les objectifs du socle minimal de dispositifs et services attendus
Afin de répondre aux ambitions affichées par la loi, les dispositifs et
services déclinés par la future instruction devront répondre à des
priorités prévues par décret. Cela devrait passer par la formalisation
d'une demi-douzaine d'axes de travail pour la création des "paniers de
services" prévus par les projets territoriaux de santé mentale (PTSM) :
- créer des parcours de santé et de vie de qualité et sans rupture
des personnes souffrant de troubles sévères et persistants, en situation
ou à risque de handicap psychique, en vue de leur rétablissement et de
leur insertion sociale ;
- mettre en place un repérage précoce des troubles psychiques,
l'élaboration d'un diagnostic et l'accès aux soins et aux
accompagnements nécessaires, "conformément aux données de la science, et aux bonnes pratiques professionnelles répertoriées et validées" ;
- permettre l'accès des personnes souffrant de troubles psychiques à des soins somatiques adaptés à leurs besoins ;
- prévenir et prendre en charge les situations de crise et d'urgence ;
- renforcer le pouvoir de décision et d'action des personnes
souffrant de troubles psychiques et promouvoir l'implication de leur
entourage dans le parcours ;
- promouvoir les droits des personnes souffrant de troubles psychiques et la lutte contre leur stigmatisation ;
- agir sur les déterminants sociaux et environnementaux du mal-être.
Hospimedia, 25 janvier 2017
* Ce comité de pilotage a été mis en place par le cabinet de
Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées
et de la Lutte contre l'exclusion