mercredi 13 mai 2015

Recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 13 avril 2015 relatives à la maison d'arrêt de Strasbourg


RECOMMANDATION (JORF n°0110 du 13 mai 2015 page texte n° 58)


RECOMMANDATION
Recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 13 avril 2015 relatives à la maison d'arrêt de Strasbourg

NOR: CPLX1511173X
ELI: Non disponible


L'article 9, alinéa 2, de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu'il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d'y répondre. Postérieurement à la réponse obtenue, il constate s'il a été mis fin à la violation signalée ; il peut rendre publiques ses observations et les réponses obtenues.
Lors de la visite de la maison d'arrêt de Strasbourg du 9 au 13 mars 2015, les contrôleurs ont fait le constat de situations individuelles et de conditions de détention mettant en exergue des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes détenues dans cet établissement. Dès la fin de la mission, le chef d'établissement a été informé oralement des principaux constats auxquels la visite a donné lieu. Outre l'urgence intrinsèque à certaines situations, certains constats effectués lors de la première visite de l'établissement en 2009 demeurent d'actualité et les conditions de détention ont connu une certaine détérioration. La gravité de cette situation conduit la Contrôleure générale à mettre en œuvre, pour la première fois depuis le début de son mandat, cette procédure d'urgence.
Ces recommandations ont été adressées à la garde des sceaux, ministre de la justice, et à la ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes. Un délai de quinze jours leur a été imparti pour faire connaître leurs observations. A l'issue de ce délai, leurs réponses lui sont parvenues.
A la suite de cette procédure, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a décidé de rendre publiques les constatations et recommandations suivantes.

1. En premier lieu, les contrôleurs ont eu connaissance de la situation d'une personne détenue au sein de cet établissement déclarant avoir été frappée et violée pendant la nuit par son codétenu (1). Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg est d'ores et déjà saisi de la plainte formée par cette personne à l'encontre de son codétenu. Toutefois, la Contrôleure générale a effectué un signalement auprès de cette même autorité en application de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 30 octobre 2007 modifiée, afin de l'informer des circonstances dans lesquelles les faits allégués seraient survenus.
Ceux-ci pourraient révéler l'absence de mesures efficaces prises par le personnel pénitentiaire pour préserver l'intégrité physique de l'intéressé. En effet, les éléments recueillis lors de la visite permettent d'établir que cette personne a déclaré au personnel du service médico-psychiatrique régional (SMPR) être impliquée malgré elle dans un trafic de produits stupéfiants et de téléphones mobiles, subir des violences de la part de son codétenu et craindre pour son intégrité physique. Un médecin a effectué un signalement auprès d'un gradé de l'établissement en précisant qu'il y avait urgence à procéder à un changement de cellule. Ce gradé se serait immédiatement rendu au sein de la cellule de l'intéressé pour solliciter, en présence du codétenu mis en cause, des précisions sur les motifs de son inquiétude. Il ne l'a toutefois pas changé de cellule. Le lendemain, la personne concernée indiquait avoir été victime de viol durant la nuit.
S'il appartient au procureur de la République de caractériser l'existence d'une infraction pénale, la Contrôleure générale considère que les éléments recueillis permettent d'établir que l'absence de suites données au signalement circonstancié du SMPR constitue une atteinte grave à la préservation de l'intégrité physique de l'intéressé, d'autant plus grave que le lien de dépendance vis-à-vis de l'administration pénitentiaire découlant de sa qualité de personne détenue ne lui permettait pas d'assurer seul sa protection. Il en découle qu'une vigilance particulière doit être de mise lorsqu'une personne détenue fait état de risques pour sa sécurité. Il est impératif qu'elle puisse être rapidement reçue par un personnel gradé dans des conditions garantissant la confidentialité de leurs échanges. Toute mesure de protection doit être prise dans les meilleurs délais sans que la circonstance de la sur-occupation des cellules ne puisse y faire obstacle, au besoin en procédant à une affectation provisoire (2) au quartier d'isolement ou au quartier arrivants.

2. A l'issue de la visite de l'établissement effectuée du 23 au 26 mars 2009, le Contrôleur général avait formulé des observations relatives à l'état de saleté des cours de promenade et de l'absence de sanitaires, de points d'eau en état de fonctionnement et de bancs dans celles-ci, à la nécessité de procéder à la rénovation des douches et à rendre le réseau de distribution d'eau chaude opérationnel dans les cellules.
Force est de constater que, près de cinq ans après cette première visite, la situation n'a guère évolué sur ces points, voire que les conditions de détention se sont dégradées. Ainsi, les contrôleurs ont constaté que :

- les points d'eau et les sanitaires des cours de promenade sont toujours dans un état de saleté déplorable et pour beaucoup d'entre eux hors d'usage. Une cour intérieure est remplie de détritus de toutes natures. L'état de cette cour, bien que non accessible aux personnes détenues, génère des nuisances indirectes dans la mesure où elle attire de nombreux rongeurs et des pigeons dont la présence a été largement constatée ;
- si certaines salles de douche ont été rénovées, l'une d'entre elles est dégradée et ne comprend aucune paroi de séparation permettant de préserver un minimum d'intimité. Malgré les travaux effectués, il n'en demeure pas moins que l'eau des douches est glaciale tant au quartier des hommes qu'au quartier des femmes. L'eau chaude n'est toujours pas installée dans les cellules ;
- de nombreux matelas, notamment au quartier d'isolement, sont dévorés par les moisissures témoignant du haut degré d'humidité qui règne dans les cellules. Cette humidité est à l'origine de nombreuses dégradations du revêtement des murs et des plafonds. Elle est susceptible d'entraîner différentes pathologies respiratoires et dermatologiques ;
- il fait froid dans les cellules. A titre d'exemple, la température mesurée par les contrôleurs dans une cellule du quartier des mineurs était de 17 °C le jour, sans doute plus basse la nuit. Afin d'élever la température à un niveau convenable, beaucoup de personnes maintiennent allumée leur plaque chauffante en permanence, risquant ainsi de provoquer des accidents domestiques tels des brûlures ou incendies ;
- au quartier disciplinaire, alors que la température extérieure était de 10 °C environ, la température relevée dans les cellules s'élevait à 14,6 °C. Dans l'une d'elles, une personne punie, transie de froid, était équipée d'une « dotation-protection d'urgence » (DPU) appelée également « kit anti-suicide » et constituée d'un pyjama déchirable et d'une couverture indéchirable. Une seconde couverture faisait office de drap. Le recours à cette dotation nécessite que la personne se mette entièrement nue, de gré ou de force, avant de la revêtir ;
- par ailleurs, le CGLPL rappelle que le recours à la DPU est indiqué dans le seul cas où une crise suicidaire a été diagnostiquée. La crise suicidaire est une crise psychique mettant la personne en situation de souffrance et de rupture. Son risque majeur est le suicide (3). Il rappelle également que la majorité des suicides en détention a lieu au quartier disciplinaire. En conséquence, le CGLPL conteste le bien-fondé d'y maintenir une personne dont l'état de crise suicidaire a été constaté par l'administration pénitentiaire elle-même (recours à la DPU).

Ces conditions de détention portent gravement atteinte à la dignité des personnes et représentent un traitement inhumain et dégradant. En conséquence, toute mesure doit être prise pour y remédier immédiatement.

3. Des caméras de vidéosurveillance ont été installées dans des locaux où se déroulent les activités médicales du service de psychiatrie. Le personnel infirmier qui a obstrué ces caméras pour en contester la présence s'est vu retirer l'habilitation à exercer en milieu pénitentiaire. L'usage de moyens de vidéosurveillance dans un espace de soins constitue une atteinte grave au secret médical et à l'indépendance des soignants en milieu pénitentiaire. Si le juste équilibre entre l'accès aux soins et les impératifs de sécurité, notamment de protection de la sécurité des personnels soignants, justifie que certains dispositifs puissent être mis en œuvre (comme l'apposition de dispositifs d'alerte), la confidentialité des activités thérapeutiques doit conduire à proscrire toute installation de vidéosurveillance dans un lieu de soin. Le CGLPL recommande par conséquent que ce dispositif soit retiré.

4. Enfin, il y a également lieu à faire état du climat général dans lequel cette mission de contrôle s'est déroulée en ce qu'il fait écho aux difficultés évoquées par les personnes détenues, dont certaines ont été expressément constatées par les contrôleurs, mais aussi à la violation manifeste de la confidentialité des correspondances entre les personnes détenues et le CGLPL.
Très peu de demandes d'entretiens ont été remises aux contrôleurs durant leur visite dans l'établissement. Alors que 758 personnes étaient écrouées le jour de leur arrivée, seule une vingtaine de demandes leur est parvenue, ce qui est très largement inférieur à la moyenne des sollicitations lors de la visite d'un établissement pénitentiaire. De plus, les contrôleurs ont constaté qu'un grand nombre d'enveloppes contenant ces demandes, initialement fermées, ont manifestement été ouvertes. Cette pratique a été confirmée par les dires de nombreuses personnes détenues ayant spontanément déclaré voir leurs courriers régulièrement ouverts et non acheminés par des personnels de surveillance. Certes, conformément aux recommandations formulées par le CGLPL à la suite de la visite de 2009, des boîtes à lettres ont été installées dans les coursives, mais celles-ci sont en nombre insuffisant et ne portent pas la mention du destinataire auquel elles sont dédiées, ce qui rend nécessaire le maintien d'échanges de courriers de la main à la main.
La Contrôleure générale rappelle que l'article 4 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 garantit la confidentialité des correspondances adressées au et par le CGLPL et que cette disposition s'applique aux demandes d'entretien adressées à l'occasion des visites d'établissement.
Par ailleurs, si les correspondances non protégées peuvent faire l'objet d'un contrôle, celui-ci ne peut être effectué que par une personne expressément désignée pour exercer les fonctions de vaguemestre.

5. L'encadrement du personnel de détention est manifestement défaillant. Le chef de détention n'est secondé que par trois officiers pénitentiaires. La détention est apparue livrée à elle-même.
Ainsi, les contrôleurs ont constaté que les sièges dans les miradors de surveillance des cours de promenade étaient en position de sieste et que les cellules pour personnes à mobilité réduite étaient manifestement utilisées à des fins de repos du personnel, des cartes de jeux y ont été retrouvées.
Le tutoiement des personnes captives, déjà relevé en 2009, a été constaté à plusieurs reprises. Il a été fait état de façon récurrente et concordante d'humiliations et de provocations de la part des surveillants pénitentiaires à l'encontre de la population pénale. Beaucoup de personnes détenues ont hésité à s'exprimer par crainte de représailles. Certaines ont évoqué la passivité des surveillants face aux violences entre détenus et une participation active de certains agents à des trafics illicites, sans que cette allégation qui semble récurrente n'ait donné lieu à des mesures de contrôle propres à l'infirmer ou à la confirmer.
La Contrôleure générale s'inquiète que de tels comportements puissent avoir lieu sans entraîner de réponse forte de la direction de l'établissement dans la mesure où ils caractérisent d'une part, un défaut de surveillance qui, outre la sécurité de l'établissement, est de nature à engendrer la violation des droits fondamentaux des personnes détenues, tout particulièrement la préservation de leur intégrité physique et d'autre part, le non-respect des obligations déontologiques s'imposant aux personnels pénitentiaires.
Enfin, la Contrôleure générale recommande que la direction soit particulièrement vigilante au respect des dispositions de l'article 8-2 de la loi du 30 octobre 2007 modifié qui prévoit qu'« aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations ou des pièces qui lui ont été données se rapportant à l'exercice de sa fonction ».

mercredi 6 mai 2015

mise en ligne du rapport 2014 de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté publie son rapport d’activité pour 2014, le premier depuis sa nomination en juillet dernier. Il s’agit du septième rapport annuel depuis la création de l’institution en 2008.


"J’ai également conscience du travail important entrepris dans le champ du respect des droits des personnes atteintes de troubles mentaux. Le législateur, en 2011 et 2013, avait réalisé une avancée en introduisant dans la procédure un contrôle par le juge judiciaire, garant de ce respect. Mais notre tâche est de vérifier qu’au quotidien, il n’est pas porté d’atteintes aux droits de ces personnes que leur état de santé rend particulièrement vulnérables. Je l’ai dit, je souhaite faire de ce champ un axe prioritaire de mon mandat. Il existe environ 360 institutions qui dans ce pays reçoivent des personnes hospitalisées sans leur consentement. Nous en avons contrôlé environ un tiers. Il nous appartiendra d’ici 2020 d’avoir visité l’ensemble de ces établissements, quels que soient leurs statuts juridiques dès lors que le consentement des personnes qui y sont reçues est absent. D’ores et déjà, au cours de l’année 2014, en contrôlant quinze établissements de santé, des aspects notoires ont été mis en évidence.


[...]

Les suites données à l’avis du 17 janvier 2013 relatif aux séjours injustifiés en unités pour malades difficiles
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié au Journal officiel du 5 février 2013 un avis relatif aux séjours injustifiés en unités pour malades difficiles (UMD).
Les personnes qui «présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique » peuvent être admises en UMD, établissements psychiatriques spécialisés.
L’admission en UMD s’effectue sur décision du représentant de l’État, c’est-à-dire sur décision du préfet.
La sortie est aussi décidée par arrêté préfectoral après avis de la commission du suivi médical de l’UMD estimant que le patient ne présente plus un danger tel qu’il nécessite son maintien en UMD. Le plus souvent, il est décidé que le patient retourne dans un service de psychiatrie classique de son établissement d’origine ; la réglementation pose un délai de vingt jours à cette fin.
Or le CGLPL a constaté que des patients restent en UMD alors même que la commission de suivi médical et le préfet se sont prononcés en faveur de leur sortie. Outre le fait que souvent l’établissement d’origine n’est pas très enclin, par appréhension spontanée, à réadmettre un patient qui a représenté pour le personnel un danger, c’est surtout le flou des textes qui ne permet pas de déterminer l’autorité en mesure d’imposer l’établissement devant accueillir un patient sorti d’une UMD et laisse place à des tractations aux résultats aléatoires. Durant ce temps, le patient est obligé de patienter et de rester dans l’UMD.
Le Contrôleur général a recommandé aux pouvoirs publics de prendre des dispositions par voie de circulaire :
         d’une part, en rappelant que l’arrêté du préfet mettant fin au séjour en UMD doit être suivi simultanément de l’arrêté du préfet du département de l’établissement d’origine réadmettant le malade dans ce dernier ; ces arrêtés s’imposant naturellement à l’établissement, dont l’inaction engage sa responsabilité vis-à-vis du patient et des siens ;
-          d’autre part, en définissant une procédure permettant à l’agence régionale de santé compétente (ou, en cas de pluralité d’agences, à l’administration centrale), dûment saisie en temps utile par la direction de l’UMD, le soin de déterminer sans délai, en cas de doute, l’établissement de retour, le critère essentiel à suivre en la matière étant la faculté de réadaptation du patient, notamment au regard de ses liens familiaux, le préfet de département ainsi déterminé devant ensuite prendre sans délai l’arrêté nécessaire.
Cet avis, transmis à la ministre des affaires sociales et de la santé le 17janvier 2013 n’a reçu de réponse ni au 5
février 2013, jour de la publication, ni dans le courant de l’année 2014

Indépendamment du fait que l’article L.3222-3 du code de la santé publique qui fonde la création des UMD a été abrogé par la loi du 27 septembre 2013, les UMD demeurent et sont désormais régies par les dispositions de droit commun relatives aux soins sans consentement. L’instruction interministérielle du 15 septembre 2014 ne répond que très partiellement aux demandes exprimées par le CGLPL.
En effet, cette instruction dispose : «s’agissant des dispositions réglementaires relatives aux UMD (articles R. 3222-3 à R. 3222-8 du CSP), elles restent pour l’essentiel applicables mais sont susceptibles d’évoluer à très court terme. Cependant, il faut d’ores et déjà prendre en considération la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 13 mars 2013, SCP PEIGNOT, n° 354976) selon laquelle « Le représentant de l’État du département dans lequel une personne est hospitalisée d’office est compétent pour décider seul, en vertu de ses pouvoirs de police spéciale, du transfert de cette personne vers un autre établissement, même si ce dernier est situé dans un autre département. Le représentant de l’État de cet autre département n’a à prendre, au titre de la procédure de transfert, aucune mesure d’hospitalisation d’office ». Cette décision invalide l’article R. 3222-2. »
Les deux recommandations exprimées précédemment par le Contrôleur général aux pouvoirs publics n’ayant pas reçu de réponse précise, la situation des patients concernés ne s’est guère améliorée. Certains malades continuent à attendre leur transfert dans un site plus respectueux du maintien de leurs liens familiaux et de l’évolution favorable de leur état de santé

vendredi 1 mai 2015

date faisant courir le délai d'appel contre une ordonnance d'un juge des libertés et de la détention en matière de contrôle d'une hospitalisation psychiatrique sans consentement

 La Cour de cassation (lien avec cette affaire) rappelle l'importance de la notification à l'intéressé des décisions qui le concerne. 

Dans cette affaire, la cour de cassation annule une ordonnance de la Cour d'appel de Versailles en date du 19 avril 2013 qui avait pris comme point de départ du délai d'appel la date d'envoi par la poste en lettre recommandée avec accusé de réception de la notification et non la date de réception par le patient (15 jours plus tard).

Ce raisonnement est transposable pour les actes administratifs individuels pris à l'encontre des patients pour lesquels l'autorité administrative doit apporter la preuve qu'ils ont bien été notifiés au patient (souvent une remise en mains propres contre signature). L'absence de notification a une incidence sur la suite de la prise en charge et peut engager la responsabilité de l'administration.



Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 15 avril 2015
N° de pourvoi: 14-13739
Non publié au bulletin Cassation


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 668 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que, le 19 mars 2013, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de mainlevée de la mesure de soins psychiatriques et ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète de Mme X... ; que, le 12 avril 2013, M. Y... a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour déclarer ce recours irrecevable, comme tardif, l'ordonnance énonce qu'il apparaît que la décision entreprise a été notifiée le 19 mars 2013, et non le 3 avril suivant, comme l'affirme M. Y... qui, en tout cas, n'en justifie pas ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser la date à laquelle M. Y... avait reçu la notification, le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 avril 2013, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué

D'AVOIR déclaré irrecevable le recours formé par Monsieur Sébastien Y... contre l'ordonnance prononcée par le juge des libertés et de la détention de Nanterre, le 19 mars 2013

AUX MOTIFS QU'il apparaissait que l'ordonnance du 19 mars 2103 avait été notifiée le 19 mars 2013, et non le 3 avril suivant, comme l'affirmait Monsieur Y..., qui n'en justifiait en tout cas pas et que, comme le faisait valoir avec pertinence le conseil de Madame X..., le recours avait été formé hors délai ;

ALORS QUE la date de notification par voie postale est, à l'égard de la celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre ; que la date du 19 mars 2013, retenue par le juge d'appel comme date de notification de l'ordonnance du même jour, ne pouvait être que la date d'envoi de la notification, et non la date de réception ; qu'en statuant comme il l'a fait, le magistrat délégué par le premier président a violé l'article 668 du code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, à tout le moins, le magistrat délégué ne pouvait statuer comme il l'a fait, sans préciser à quelle date la notification avait été effectivement reçue par l'auteur du recours ; qu'il a privé sa décision de base légale au regard de l'article 668 du code de procédure civile.