mercredi 25 mars 2020

Arrêt n° 176 du 4 mars 2020 (19-14.269)

Arrêt n° 176 du 4 mars 2020 (19-14.269) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100176

Irrecevabilité partielle et cassation sans renvoi

Demandeur(s) : Mme P... B...
Défendeur(s) : procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fontainebleau ; et autres

Faits et procédure
1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Paris, 25 janvier 2019), et les pièces de la procédure, Mme B... a été admise en soins psychiatriques sans consentement, à la demande de sa fille, par décision du 18 mai 2018 du directeur de l’établissement, prise sur le fondement de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Elle en a fugué le 20 juillet 2018.
2. Par requête du 2 janvier 2019, le directeur de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l’article L. 3211-12-1 du même code, aux fins de poursuite de la mesure.
Recevabilité du pourvoi, en ce qu’il est dirigé contre Mme R..., examinée d’office
3. Conformément aux dispositions de l’article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.
4. Le pourvoi formé contre Mme R..., avisée de l’audience conformément aux articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique, mais qui n’était pas partie à l’instance, n’est pas recevable.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d’office
5. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du code de procédure civile.
Vu les articles L. 3211-12-4 et L. 3216-1 du code de la santé publique, ensemble les articles 72 et 74 du code de procédure civile :
6. Aux termes du premier de ces textes, en cas d’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application de l’alinéa 1er de l’article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l’établissement d’accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d’appel au plus tard quarante-huit heures avant l’audience.
7. Il résulte du deuxième que, lorsque le juge des libertés et de la détention contrôle la régularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, le moyen tenant à l’absence de transmission au greffe de la cour d’appel de cet avis médical ne constitue pas une exception de procédure, au sens du quatrième, mais une défense au fond, au sens du troisième.
8. Pour déclarer irrecevable le moyen tiré du non-respect des dispositions de l’article L. 3211-12-4 du code de la santé publique, l’ordonnance retient qu’il n’a pas été soulevé avant toute défense au fond.
9. En statuant ainsi, alors que la contestation constituait une défense au fond pouvant être invoquée en tout état de cause, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme R... ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 25 janvier 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d’appel de Paris ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire

Avocat général : Mme Marilly
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Arrêt n°270 du 05 mars 2020 (19-23.287) - Cour de cassation

Arrêt n°270 du 05 mars 2020 (19-23.287) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100270

Demandeur(s) : Mme R...  M... et autres ;
Défendeur(s) : au centre hospitalier Marcel Rivière et autres ;

Faits et procédure

1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Versailles, 26 juillet 2019), et les pièces de la procédure, le 3 juillet 2019, Mme M...  a été admise en hospitalisation psychiatrique sans consentement en urgence, à la demande de sa curatrice, par décision du directeur d’établissement prise sur le fondement de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique.

2. Le 8 juillet 2019, en application de l’article L. 3211-12-1 du même code, le directeur a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

3. Mme M...  fait grief à l’ordonnance de prolonger la mesure de soins sans consentement, alors :

«  1°/ que le directeur de l’établissement peut, à titre exceptionnel, en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, les conditions étant cumulatives, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant d’un médecin, qui peut être un médecin exerçant dans l’établissement ; qu’en l’espèce, la requérante a été admise en soins psychiatriques, suivant la procédure d’urgence prévue par l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, sans que soit caractérisée la situation d’urgence évoquée ; qu’ainsi, le premier président de la cour d’appel a violé l’article L. 3212-3 du code de la santé publique et l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le directeur de l’établissement peut, à titre exceptionnel, en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, les conditions étant cumulatives, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant d’un médecin, qui peut être un médecin exerçant dans l’établissement ; qu’en l’espèce, la requérante a été admise en soins psychiatriques, sur la foi d’un seul certificat médical qui n’explique pas en quoi les constatations de son auteur qui n’évoquent aucun risque de passage à l’acte auto agressif ou même de danger quelconque pour la personne du malade, seraient de nature à engendrer un risque grave d’atteinte à son intégrité, que la décision d’hospitalisation du directeur de l’établissement hospitalier ne fait pas davantage état d’un tel risque ; qu’ainsi, le premier président de la cour d’appel a violé l’article L. 3212-3 du code de la santé publique et l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu’en toute hypothèse, l’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de trouble mental doit être rendue nécessaire par l’intensité du trouble dont elle souffre, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu’en se bornant à relever que la requérante présentait un envahissement délirant et hallucinatoire et tenait des propos incohérents, le médecin soulignant le déni de celle-ci à l’égard de ces troubles, dans un contexte de rupture de soins et de suivi, et que "cet envahissement délirant et hallucinatoire avec les troubles de comportement qui en résultent et la méconnaissance de leur caractère pathologique, l’expose à une dangerosité pour elle et pour les autres autour d’elle", sans préciser toutefois la nature du danger qu’elle présenterait, et l’urgence de la situation, et ainsi la nécessité de son hospitalisation complète plutôt qu’une surveillance médicale régulière, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique et l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que conformément à l’article L. 3212-5 du code de la santé publique, le directeur de l’établissement d’accueil doit transmettre sans délai au représentant de l’État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, ainsi qu’à la Commission départementale des soins psychiatriques, toute décision d’admission d’une personne en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent, qu’il doit également transmettre, sans délai, à cette commission une copie du certificat médical d’admission, du bulletin d’entrée et de chacun des certificats médicaux élaborés lors de la période d’observation du patient ; que le dossier transmis au juge ne comporte pas la preuve de l’exécution de ces obligations ; qu’en se prononçant sans avoir lui-même vérifié l’exécution de ces obligations constitutives d’une garantie essentielle de la personne faisant l’objet d’une admission suivant la procédure d’urgence prévue par l’article L. 3212-3 du code de la santé publique le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3212-3 et L. 3212-5 du code de la santé publique et 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »


Réponse de la Cour

4. D’une part, si l’article L. 3216-1 du code de la santé publique donne compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître des contestations relatives à la régularité des décisions administratives prises en matière de soins psychiatriques sans consentement, celui-ci n’est jamais tenu de relever d’office le moyen pris de l’irrégularité de la procédure au regard des dispositions de ce code.

5. Mme M...  n’ayant pas soutenu, dans ses conclusions d’appel, que le directeur de l’établissement aurait manqué à l’obligation de transmission, au préfet et à la commission départementale des soins psychiatriques, des pièces visées à l’article L. 3212-5 du code de la santé publique, le premier président n’avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

6. D’autre part, le premier président ayant constaté que le certificat médical initial décrivait un envahissement délirant et hallucinatoire de Mme M...  accompagné de troubles du comportement et d’une méconnaissance de leur caractère pathologique qui exposaient la patiente à une dangerosité pour elle et pour les autres, il a pu en déduire qu’étaient caractérisés l’urgence, le risque grave d’atteinte à l’intégrité de la personne et la nécessité d’une surveillance médicale constante.

7. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Duval-Arnould

Avocat général : M. Lavigne
Avocats : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Arrêt n°271 du 04mars 2020 (19-24.080) - Cour de cassation

Arrêt n°271 du 04mars 2020 (19-24.080) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100271

Rejet

Demandeur(s) : M. D...  R...
Défendeur(s) : préfet du Val-d’Oise et autres ;

Faits et procédure

1.Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Versailles, 29 août 2019), et les pièces de la procédure, le 6 août 2019, M. R...  a été admis en urgence au centre hospitalier d’Argenteuil en exécution d’une mesure provisoire décidée par le maire de la commune d’Herblay, sur le fondement de l’article L. 3213-2 du code de la santé publique. Le 7 août, le préfet a pris une décision de soins sans consentement sur le fondement de l’article L. 3213-1 du même code et, le 9 août, un arrêté fixant la prise en charge de l’intéressé sous la forme d’une hospitalisation complète.

2. Le 8 août, en application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, il a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

4. M. R...  fait grief à l’ordonnance de décider le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète, alors :

«  1°/ que le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public, les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’admission en soins nécessaire, ils désignent l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade ; qu’en l’espèce, les arrêtés préfectoraux du 7 et du 9 août 2019 n’indiquent en rien dans quelles circonstances le requérant a été conduit à être examiné par le Docteur Q...  le 6 août 2019 ; qu’ainsi le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-1, L. 3211-12-1 et L. 3213-1 du code de la santé publique, ensemble l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le maintien en hospitalisation sans consentement doit être justifié par le constat concret, par le juge, au jour de sa décision, que les troubles mentaux de la personne qui en fait l’objet compromettent la sûreté des personnes ou portent gravement atteinte à l’ordre public ; que ni le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, ni le premier président de la cour d’appel n’ont caractérisé concrètement et précisément en quoi les troubles mentaux dont serait atteint le requérant compromettaient la sûreté des personnes ou porteraient gravement atteinte à l’ordre public ; qu’en ne caractérisant pas concrètement et précisément, par motifs propres ou adoptés, en quoi les conditions de fond d’une poursuite de l’hospitalisation complète étaient remplies, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-1, L. 3211-12-1 et L. 3213-1 du code de la santé publique, ensemble l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. D’une part, si l’article L. 3216-1 du code de la santé publique donne compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître des contestations relatives à la régularité des décisions administratives prises en matière de soins psychiatriques sans consentement, celui-ci n’est jamais tenu de relever d’office le moyen pris de l’irrégularité de la procédure au regard des dispositions de ce code.

6. M. R...  n’ayant pas soutenu, dans ses conclusions d’appel, que l’arrêté du préfet serait irrégulier en ce qu’il ne mentionne pas les circonstances de l’examen psychiatrique réalisé avant son admission, le premier président n’avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

7. D’autre part, il résulte de la combinaison des articles L. 3213-1, L. 3211-2-1, et L. 3211-11 du code de la santé publique qu’une personne ne peut être admise ou maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat dans le département, sous la forme d’une hospitalisation complète ou sous une autre forme, qu’à la condition qu’il soit constaté qu’elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l’ordre public.

8. L’ordonnance retient que l’arrêté du maire établit un danger imminent en se référant expressément au certificat médical du 6 août 2019 constatant l’agressivité de M. R...  envers l’équipe médicale, les sapeurs pompiers et la police et le fait qu’il aurait été vu dans la rue avec un sabre, peu important l’emploi du conditionnel pour décrire ce comportement et que l’arrêté du préfet du 7 août satisfait également aux exigences de motivation en rappelant ces mêmes faits d’agressivité. Elle ajoute que l’arrêté du 9 août met encore en évidence le trouble résultant du comportement de l’intéressé qui tient des propos délirants et valorise son chef suprême Hitler et que le certificat produit à l’audience du 29 août constate à nouveau des propos délirants de thème persécutif, une banalisation et une rationalisation de son comportement.

9. En l’état de ces énonciations, le premier président a caractérisé la nécessité, du fait de troubles du comportement compromettant, en raison de l’agressivité constatée, la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l’ordre public, de faire suivre à M. R...  un traitement sous la forme d’une hospitalisation complète et, par conséquent, légalement justifié sa décision au regard des conditions fixées à l’article L. 3213-1 du code de la santé publique.

10. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Gargoullaud

Avocat général : Mme Caron-Deglise
Avocats : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia