Loi pénitentiaire : de la loi à la réalité de la vie carcérale
"
Adoptée dans un esprit de
consensus par le Parlement qui en a profondément enrichi la teneur, la
loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 répond à une double ambition :
favoriser l'objectif de réinsertion à travers la reconnaissance de la
dignité et la responsabilisation de la personne détenue et développer
les aménagements de peine.
Plus de deux ans après l'entrée en vigueur de ce
texte, la commission des lois et la commission sénatoriale pour
l'application des lois ont décidé conjointement de confier à M. Jean
René Lecerf et à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat la responsabilité de
contrôler les conditions de sa mise en oeuvre.
Au terme de nombreux entretiens et de plusieurs
déplacements, les co-rapporteurs ont souhaité non seulement établir un
bilan de l'application de la loi mais aussi présenter plusieurs
propositions pour redonner souffle à ses principes fondateurs."
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Plan du Rapport:
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SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DES CO-RAPPORTEURS (Présenté par le rapporteur)
L'application de la loi
Vos co-rapporteurs souhaitent en premier lieu
l'adoption des deux décrets d'application encore
attendus : le premier sur la mise en place d'une
évaluation indépendante des taux de récidive par
établissement pour peine (recommandation n° 1),
le second sur les règlements intérieurs types par
catégorie d'établissement pénitentiaire
(recommandation n° 15).
Ils demandent également le respect effectif des
dispositions législatives sur la rémunération au
taux horaire du travail en détention, le droit à l'image des
personnes détenues, la possibilité de remettre les documents
personnels au greffe de l'établissement, les fouilles, la
présence de l'assesseur extérieur en commission de discipline.
Ils estiment que les difficultés soulevées par
la mise en oeuvre de la loi peuvent être levées :
- s'agissant du taux de rémunération
horaire par la mise en place d'un revenu minimum
carcéral destiné aux personnes détenues les plus
vulnérables (recommandations n°s 8 et 9) ;
- s'agissant des fouilles par l'installation de
portiques à ondes millimétriques et la
mobilisation des moyens nécessaires pour lutter
contre les projections d'objets illicites à l'intérieur des
établissements pénitentiaires (recommandations
n°s 11 et 12) ;
- s'agissant du placement en quartier disciplinaire par
la reconnaissance d'une présomption d'urgence ouvrant droit à un
recours en référé (recommandation
n° 14).
Vos co-rapporteurs préconisent également
l'adaptation du code électoral afin de permettre l'installation
de bureau de vote dans les établissements pénitentiaires
(recommandation n° 3).
Extension de certaines garanties
Vos co-rapporteurs estiment que certaines des garanties
prévues par la loi pénitentiaire pour les personnes
détenues pourraient être renforcées :
- en déterminant le cadre d'une expression
collective des personnes détenues
(recommandation n° 7) ;
- en conférant une voix
délibérative aux assesseurs dans le cadre de la
procédure disciplinaire
(recommandation n° 13).
Vos co-rapporteurs suggèrent également que, dans
le cadre du renforcement des liens familiaux, les frais de transport
supportés par les familles pour visiter une personne détenue dans
une prison éloignée soient remboursés sur une base
forfaitaire et sous condition de ressources.
L'emploi et la formation
Vos co-rapporteurs considèrent que le droit de
préférence dans le cadre des marchés publics doit
être étendu aux entreprises concessionnaires des
établissements pénitentiaires sous la forme d'une modification
par voie réglementaire du code des marchés publics
(recommandation n° 5).
Ils souhaitent également l'adoption des mesures
nécessaires à l'implantation au sein des
établissements pénitentiaires des structures d'insertion par
l'activité économique
(recommandation n° 1).
Par ailleurs, le cadre d'intervention des
régions pour la formation professionnelle des personnes détenues
devrait être élargi aux établissements
pénitentiaires en gestion privée. Les marchés
négociés avec les partenaires privés de l'administration
pénitentiaires doivent être adaptés en conséquence
(recommandation n° 2).
D'une manière plus générale, selon vos
co-rapporteurs il reste possible de développer encore le travail
en milieu pénitentiaire sous une forme diversifiée
(recommandation n° 4).
Les aménagements de peine
Vos co-rapporteurs suggèrent de compléter le
code de procédure pénale sur deux points :
- préciser que la libération
conditionnelle peut s'appliquer à toutes les personnes
âgées de plus de 70 ans y compris celles qui relèvent
d'une période de sûreté
(recommandation n° 16) ;
- prévoir un dispositif de suspension de
détention provisoire pour motif médical grave
(recommandation n° 17).
Pour vos co-rapporteurs, il est par ailleurs indispensable
d'une part, d'assortir le placement sous surveillance électronique (PSE)
d'un suivi socio-éducatif
(recommandation n° 18), d'autre part de
développer et diversifier les aménagements de
peine sous la forme de la semi-liberté, du
placement à l'extérieur et de la
libération conditionnelle
(recommandation n° 19).
*
* *
Vos co-rapporteurs estiment que la priorité doit porter
non sur l'extension du parc pénitentiaire mais sur le
développement des aménagements de peine. Des marges de manoeuvre
peuvent ainsi être dégagées:
- d'une part, à la réalisation de
l'objectif de recrutement initial du nombre de conseillers d'insertion et de
probation prévu initialement par l'étude d'impact accompagnant la
loi pénitentiaire. La progression des effectifs des services
pénitentiaires d'insertion et de probation est en effet une condition
indispensable du développement souhaitable des aménagements de
peine (recommandation n° 20) ;
- d'autre part, à la rénovation et à
l'augmentation du nombre des cellules individuelles afin de répondre aux
objectifs de la loi pénitentiaire sans accroître les
capacités de détention globales.
Par ailleurs, vos co-rapporteurs considèrent que la
politique pénitentiaire devrait s'attacher à développer
deux axes d'action : mieux intégrer les services d'action
sociale dans les prisons; favoriser les liens
familiaux.
Ils jugent en outre que le volet
« santé » de la loi pénitentiaire doit
être complété par la prise en compte de la maladie
mentale en prison. Ils rappellent que la proposition de loi
déjà adoptée par le Sénat le 25 janvier 2011
peut servir de point de départ à la réforme attendue dans
ce domaine (recommandation n° 10).
Enfin, vos co-rapporteurs estiment qu'une politique ambitieuse
en matière pénitentiaire ne doit pas reposer seulement sur les
services du ministère de la justice mais appelle le concours et la
mobilisation des autres services publics, des collectivités locales, des
entreprises ainsi que des acteurs de la société civile.
Plan du Rapport:
- SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS DES
CO-RAPPORTEURS
- INTRODUCTION : GENÈSE ET PRINCIPES DE
LA LOI PÉNITENTIAIRE
- I. L'ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC
PÉNITENTIAIRE
- A. LE DÉVELOPPEMENT DU CONTRÔLE ET DE
L'ÉVALUATION
- 1. La mise en place progressive des conseils
d'évaluation (art. 5)
- 2. La place déterminante du Contrôleur
général des lieux de privation de liberté
(art. 4)
- 3. Les délégués du
Défenseur des droits : certaines incertitudes liées à
une période de transition (art. 6)
- 4. L'évaluation indépendante de
données statistiques : le chaînon manquant
(art. 7)
- 1. La mise en place progressive des conseils
d'évaluation (art. 5)
- B. L'IMPLICATION LIMITÉE DES
COLLECTIVITÉS LOCALES
- C. LES PERSONNELS PÉNITENTIAIRES : UNE
INSATISFACTION PERSISTANTE
- 1. L'élaboration d'un code de
déontologie et la prestation de serment (art. 11)
- 2. L'encadrement réglementaire utile du
recours à la force (art. 12)
- 3. L'obligation de formation souvent contrainte par
l'insuffisance des effectifs (art. 15)
- 4. Le rôle d'appoint de la réserve
civile pénitentiaire (art. 17 à 21)
- 1. L'élaboration d'un code de
déontologie et la prestation de serment (art. 11)
- A. LE DÉVELOPPEMENT DU CONTRÔLE ET DE
L'ÉVALUATION
- II. LES DROITS DES PERSONNES DÉTENUES
- A. UNE INTERPRÉTATION EXCESSIVEMENT
RESTRICTIVE DE CERTAINS DROITS
- 1. L'information des personnes détenues sur
leurs droits : de réels progrès
- 2. Le respect de la liberté de conscience et
l'exercice du droit de culte : des réponses inadaptées aux
besoins de la population pénale
- 3. L'utilisation encore marginale du droit de
domiciliation (art. 30)
- 4. L'interprétation restrictive du droit
à l'image (art. 49)
- 5. L'accès aux publications effectivement
assuré malgré certaines exceptions (art. 43)
- 1. L'information des personnes détenues sur
leurs droits : de réels progrès
- B. DROITS ET OBLIGATIONS À CARACTÈRE
ÉCONOMIQUE ET SOCIAL : UN BILAN DÉCEVANT
- 1. L'obligation d'activité : une
application très partielle
- 2. L'acte d'engagement : une
concrétisation attendue (art. 33)
- 3. La consultation des personnes détenues
sur les activités qui leur sont proposées : un processus
balbutiant (art. 30)
- 4. L'aide en nature ou en numéraire :
une dépense très limitée (art. 31)
- 5. La rémunération du travail :
des difficultés pratiques de mise en oeuvre
- 1. L'obligation d'activité : une
application très partielle
- C. VIE FAMILIALE ET RELATIONS AVEC
L'EXTÉRIEUR : LES PREMIERS EFFETS POSITIFS DE LA LOI
FRAGILISÉS PAR LES CHOIX D'IMPLANTATION DES NOUVEAUX
ÉTABLISSEMENTS
- 1. L'augmentation du nombre de permis de visite
(art. 35)
- 2. Une mobilisation de moyens autour de
l'extension des unités de vie familiale et des parloirs familiaux
(art. 36)
- 3. L'accompagnement social des mères
détenues (art. 38)
- 4. Un meilleur accès au
téléphone (art. 39)
- 5. Une liberté de correspondance
difficilement évaluable (art. 40)
- 1. L'augmentation du nombre de permis de visite
(art. 35)
- D. LA SÉCURITÉ DES PERSONNES ENCORE
MAL ASSURÉE EN PARTICULIER DANS DES ÉTABLISSEMENTS
SURDIMMENSIONNÉS
- E. LA SANTÉ : UN VOLET À
COMPLÉTER
- A. UNE INTERPRÉTATION EXCESSIVEMENT
RESTRICTIVE DE CERTAINS DROITS
- III. LES CONDITIONS DE DÉTENTION
- IV. LES AMÉNAGEMENTS DE PEINE
- A. L'IMPACT ENCORE MESURÉ DE
L'ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS D'OCTROI DE CERTAINS AMÉNAGEMENTS DE
PEINE OU DE LEUR MISE EN oeUVRE
- 1. Le relèvement à deux ans du
quantum de la peine d'emprisonnement aménageable ab initio
- 2. Le travail d'intérêt
général
- 3. L'assignation à résidence avec
surveillance électronique
- 4. Le redéploiement de certaines
compétences en matière d'aménagements de peine (art. 75 de
la loi pénitentiaire ; art. 712-8 du code de procédure
pénale)
- 5. L'indispensable assouplissement des mesures
d'aménagement pour les personnes détenues âgées ou
malades
- 1. Le relèvement à deux ans du
quantum de la peine d'emprisonnement aménageable ab initio
- B. UN RECOURS TRÈS PRUDENT AUX
PROCÉDURES SIMPLIFIÉES D'AMÉNAGEMENT DE PEINE
- A. L'IMPACT ENCORE MESURÉ DE
L'ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS D'OCTROI DE CERTAINS AMÉNAGEMENTS DE
PEINE OU DE LEUR MISE EN oeUVRE
- I. L'ORGANISATION DU SERVICE PUBLIC
PÉNITENTIAIRE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- ANNEXE I - Liste des personnes entendues et des
déplacements effectués par vos co-rapporteurs
- ANNEXE II - Tableau des décrets d'application pris ou en attente de publication