https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000032530421
Le juge judiciaire ordonne la mainlévée d'une décision administrative illégale, il n'en prononce pas l'annulation!
Cette affaire pose de nombreuses questions sur les missions du juge et sur le dualisme juridictionnel
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du
mercredi 11 mai 2016
N° de pourvoi:
15-16233
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux
parties, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure
civile :
Vu l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que,
si le juge
judiciaire connaît des contestations portant sur la régularité des
décisions administratives de soins sans consentement, il ne peut que
prononcer la mainlevée de la mesure, s'il est résulté, de l'irrégularité
qu'il constate, une atteinte aux droits de la personne qui en faisait
l'objet ;
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un
premier président, et les pièces de la procédure, que M. X..., qui a
fait l'objet de plusieurs mesures de soins sans consentement, notamment
en hospitalisation complète, avant d'être pris en charge sous la forme
d'un programme de soins, a saisi le juge des libertés et de la détention
aux fins de mainlevée de cette mesure ;
Attendu que l'ordonnance annule la décision
administrative d'admission en soins sans consentement sous la forme d'un
programme de soins ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge judiciaire ne
peut annuler une décision administrative, le premier président a excédé
ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions,
l'ordonnance rendue le 5 février 2015, entre les parties, par le premier
président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause
et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite
ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier
président de la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit
en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique
du onze mai deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour l'Hôpital Sainte-Anne
Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaquée
d'avoir annulé la décision d'admission de M. Tristan X... en programme
de soins en date du 22 août 2014, ainsi que les décisions ultérieures
l'ayant maintenu en programme de soins,
AUX MOTIFS QUE
« Sur la validité de
la mesure de programme de soins Il résulte des dispositions de l'article
L.3211-2-1 du code de la santé publique qu'une personne faisant l'objet
de soins psychiatriques sans son consentement est prise en charge soit
sous la forme d'une hospitalisation complète, soit sous toute autre
forme pouvant notamment comporter des soins ambulatoires, un programme
de soins devant alors être établi.
En l'espèce, il est établi que M. X... a été admis en
soins psychiatriques sans son consentement sous la forme d'une
hospitalisation complète par décision du 23 octobre 2012, puis maintenu
en hospitalisation complète par décisions des 26 et 29 octobre 2012, et
que ces trois décisions ont été annulées par le tribunal administratif
de Paris le 18 mars 2014.
Si l'état de santé de M X... lui a permis de
bénéficier à plusieurs reprises de programmes de soins (entrecoupés par
quatre réintégrations en hospitalisation complète), et notamment à
compter du 22 août 2014, cette décision relève d'un simple aménagement
de la forme de prise en charge de M. X... dans le cadre de la mesure
d'admission en soins psychiatriques sans consentement. Il convient de
relever à cet égard que toutes les décisions prises à compter de cette
admission (ou les certificats médicaux accompagnant celles-ci), visent
comme date d'entrée le 23 octobre 2012. C'est notamment le cas du
certificat médical de réintégration en date du 5 août 2014 et du
programme de soins en date du 22 août 2014.
Il y a donc lieu de considérer que la décision
d'admission de M. X... en soins psychiatriques sans son consentement, en
date du 23 octobre 2012, constitue le fondement des décisions
ultérieures de programmes de soins, et notamment de celle du 22 août
2014, faute pour le directeur d'établissement d'avoir pris une nouvelle
décision d'admission purgeant la première du vice qui l'affectait,
celui-ci ayant simplement prononcé la réintégration de M. X... en
hospitalisation complète les 9 mai et 5 août 2014.
En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner
l'affaire au fond, ni d'examiner le second moyen de nullité soulevé, la
décision d'admission de M. X... en programme de soins prise le 22 août
2014, qui a pour effet de le maintenir dans le cadre de soins sans son
consentement sur le fondement d'une décision d'admission déclarée
illégale, doit être annulée, ainsi que les décisions ultérieures
maintenant ce programme de soins »,
ALORS, D'UNE PART, QUE le droit à la santé est un
principe à valeur constitutionnelle et que la décision de placer un
patient en programme de soins trouve son fondement dans l'amélioration
de son état de santé apprécié à la lueur des éléments médicaux versés au
dossier et justifiant qu'il puisse être pris en charge sous une autre
forme que l'hospitalisation complète de sorte que le placement en
programme de soins après réintégration ne saurait être affecté par
l'annulation de la décision initiale d'admission en soins psychiatriques
sans consentement dont elle est indépendante si bien que la cour
d'appel a violé le principe à valeur constitutionnelle de protection de
la santé et les articles L 3111-2-1, L 3211-12, L 3211-12-1, L 3211-12-2
L 3211-12-5 et L 3216-1 du code de la santé publique ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la décision initiale
d'hospitalisation complète en soins psychiatriques n'est pas le
fondement légal d'une décision de programme de soins prise à la suite
d'une décision de réintégration qui est autonome et instaure une
nouvelle phase de procédure si bien que le premier président de la cour
d'appel a violé les articles L 3111-2-1, L 3211-12, L 3211-12-1 L
3211-12-2 et L 3211-12-5 du code de la santé publique.
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris
, du 5 février 2015