Une note de l'administration pénitentiaire qui peut servir de base à une problématique que l'on rencontre également dans les établissements de santé mentale avec la rédaction des règlements intérieurs (Contrôle de la légalité
d’un règlement intérieur interdisant la sexualité », CAA Bordeaux, 6 novembre 2012, M.
Claude X contre CHS de Cadillac, req.
n°11BX01790, ).
Note du 16 juillet 2014 relative à la pratique du culte en détention. NOR : JUSK1440001N
Comment trouver un équilibre entre le principe de laïcité, de neutralité du service public et respect des libertés individuelles dans les lieux privatifs de liberté.
Cette note fait suite à la demande de pouvoir bénéficier des repas confessionnels en détention (" Télévision et repas confessionnel : le principe d’égalité devant le service public en question », note sous TA de Grenoble, 17 octobre 2013, M.K., req. 1302502, AJPénal, 2014, n°2, p. 95 et Conseil d'Etat, 16 juillet 2014, n°377145)
et aux demandes de certains groupes religieux de pouvoir proposer des aumôniers (« Le culte en détention : une obligation de moyens à la charge de l’administration pénitentiaire », note sous CE, 16 octobre 2013, Garde des Sceaux, ministre de la Justice contre M. N et autres, n° 351115, 351116, 351152, 351153, 351220, 354484, 354485, 354507, 354508, AJPénal 2013, p.685) :
Extraits p 8 et suivantes de la note :
"« 5 - L’accès
aux nourritures confessionnelles
a - La distribution de repas
L’article 9 du
décret n° 2013-368 du 30 avril 2013 relatif aux règlements intérieurs types des
établissements Pénitentiaires dispose que « les détenus doivent recevoir une
alimentation variée, bien préparée et présentée, répondant tant en ce qui
concerne la qualité et la quantité aux règles de la diététique et de l'hygiène,
compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de la nature de leur travail
et, dans toute la mesure du possible, de leurs convictions philosophiques ou
religieuses». Lors des « entretiens arrivants», il est demandé aux personnes détenues
de choisir parmi les trois types de menus proposés : classique, sans viande et
sans porc.
Un
changement de régime alimentaire en cours de détention est toujours possible.
A l’occasion
de temps forts du calendrier religieux impliquant le respect de certains rites,
des aménagements dans les modalités de distribution des repas peuvent être nécessaires.
Des notes de la direction de l’administration pénitentiaire, élaborées en lien
avec l’aumônier national concerné, précisent les mesures qu’il convient de
prendre.
L’administration
pénitentiaire ne propose pas de menus confessionnels. Toutefois, les personnes
détenues ont la possibilité d’acheter des produits confessionnels ou d’en
recevoir à l’occasion des principales fêtes religieuses.
b - Les cantines
Le
dispositif des cantines permet aux détenus d’améliorer l’ordinaire en achetant
divers produits, notamment des aliments destinés à compléter les repas proposés
gratuitement par l’administration pénitentiaire. Les personnes détenues
peuvent, si elles le souhaitent, avoir accès à des nourritures confessionnelles
par l’achat de ces produits en cantine.
Chaque
établissement pénitentiaire, qu’il soit en gestion publique ou en gestion
déléguée, est tenu d’organiser cette offre de produits confessionnels. Au
besoin, les établissements se rapprochent de la direction interrégionale et de
l’aumônier compétent pour obtenir les coordonnées de fournisseurs et déterminer
quels produits intégrer dans le catalogue des cantines.
En cas
d’absence de stock, l’établissement accomplit toutes les diligences utiles dès
qu’une personne détenue déclare son intention de s’alimenter selon les
préceptes de sa religion.
c - Les colis rituels
La remise de
colis rituels par les aumôniers agréés est ponctuellement autorisée par notes
de la direction de l’administration pénitentiaire lors de fêtes religieuses.
Par
ailleurs, les aumôniers sont autorisés à apporter des nourritures
confessionnelles aux arrivants lorsque la cantine de l’établissement n’en
propose pas, le temps que les démarches nécessaires à l’approvisionnement
soient accomplies. Cette dérogation au principe d’interdiction des colis
alimentaires est limitée dans le temps ; elle cesse dès lors que des produits
confessionnels sont proposés dans le cadre des cantines.
II - LA LUTTE CONTRE LE
PROSÉLYTISME, LES DÉRIVES RADICALES ET SECTAIRES
La protection
de la liberté de conscience, de pensée et de religion des personnes détenues
(A) implique que l’administration pénitentiaire lutte contre le prosélytisme et
les dérives radicales et sectaires (B)
A - La recherche du consentement
libre et éclairé des personnes détenues
Le
consentement libre et éclairé des personnes détenues est recherché dès lors
qu’il leur est proposé de participer à des activités à caractère cultuel.
En effet, la
liberté religieuse comprend en creux celle de ne pas en avoir ou d’en changer.
Dans cette
logique :
– les intervenants cultuels et les
activités religieuses sont clairement identifiés comme tels ;
-
les
sollicitations à caractère religieux sont strictement encadrées :
1 - L’absence de contrainte
Dans le
prolongement de l’article 31 de la loi de 1905, qui sanctionne le prosélytisme,
la règle pénitentiaire européenne 29.3 prévoit que « les détenus ne peuvent
être contraints de pratiquer une religion ou de suivre une philosophie, de
participer à des services ou réunions religieux, de participer à des pratiques
religieuses ou bien d’accepter la visite d’un représentant d’une religion ou
d’une philosophie quelconque ».
2 - L’identification des
intervenants cultuels et des activités religieuses
La personne
détenue peut exercer son libre arbitre seulement si elle possède une
information claire. Ainsi, les personnes détenues sont systématiquement
informées lorsque des activités ont un caractère religieux ou sont organisées
en lien avec l’aumônerie. Elles sont également informées lorsque des aumôniers
participent à des événements socioculturels organisés en détention.
De manière
générale, les activités de l’aumônerie sont clairement identifiées et
distinguées de celles des autres intervenants, notamment associatifs. Pour
éviter toute confusion, un aumônier ne peut intervenir en détention ou auprès
des familles des personnes détenues en qualité de membre d’une association. La
fonction d’aumônier est notamment incompatible avec le statut de visiteur de
prison.
En cas de
conflit entre différentes fonctions, il appartient au chef d’établissement de
demander à l’intéressé d’opérer un choix entre ces fonctions dans un délai
raisonnable.
B -
L’encadrement des sollicitations à caractère religieux
La pratique
du culte est donc une démarche volontaire, qui doit être initiée par la
personne détenue sans qu’elle ait été influencée en ce sens par des visites ou
des courriers, par la remise et l’envoi de publications ou par tout autre
moyen.
1 - La rencontre avec les aumôniers
Dans la
mesure où la pratique du culte est une simple faculté pour les personnes
détenues, les aumôniers ne sont pas autorisés à aller à leur rencontre sans
avoir été sollicités au préalable.
Cette
dernière disposition n’interdit pas aux aumôniers agréés au sein d’un
établissement d’organiser une réunion d’information collective à destination
des arrivants, dans les conditions définies au paragraphe I.B.1.
2 - La remise d’objets ou d’ouvrages
à caractère religieux
Si la remise
et l’envoi d’objets ou de publications à caractère religieux est possible dans
les conditions décrites ci-dessus (paragraphe I.B.4.), il faut cependant que la
personne détenue en ait fait la demande expresse au préalable. Les
distributions collectives d’objets ou de publications ne peuvent avoir lieu
qu’à l’occasion d’activités organisées en lien avec les aumôneries.
Pour éviter
tout prosélytisme, il convient également de distinguer nettement les colis
rituels des colis remis à l’occasion des fêtes de fin d’année :
-
s’agissant
des colis de fin d’année:
le nom de
l’association peut apparaître mais les colis ne contiennent aucun objet ni
aucune publication à caractère religieux
-
s’agissant des
colis rituels remis à l’occasion de fêtes religieuses : les colis, qui sont
composés sous la responsabilité des aumôniers, peuvent contenir des objets ou
des publications à caractère religieux. Des associations peuvent contribuer,
par des dons financiers ou en nature, à la composition de ces colis mais le nom
de l’association ne doit pas apparaître. Toute autre modalité d'organisation
fait l'objet d'une note particulière.
Ces colis
sont soumis aux contrôles de sécurité nécessaires à la prévention des évasions
et au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements
pénitentiaires.
3 - Les demandes d’intervention
Il arrive
que des associations à caractère religieux se manifestent pour intervenir en
détention.
Si les
statuts de l’association font clairement apparaître une vocation religieuse,
l’établissement invite l’association à prendre contact avec l’aumônerie puisque
seuls les aumôniers et intervenants d’aumônerie sont habilités à organiser des
activités religieuses.
S’il existe
un doute sur le caractère potentiellement sectaire de l’association, l’établissement
en informe le référent chargé de la laïcité et de la pratique du culte au sein
de la direction interrégionale des services pénitentiaires.
Si
l’association n’affiche pas d’objet religieux mais que l’établissement a un
doute sur la motivation réelle de la demande, il saisit également le référent
au niveau interrégional.
Dans les
deux cas, le référent chargé de la laïcité et de la pratique du culte peut
prendre l’attache de la direction de l’administration pénitentiaire qui décide
alors des suites à donner à cette demande d’intervention.
4 - Les courriers d’association ou
groupement à caractère religieux
Les
personnes détenues sont autorisées à correspondre avec toute association, dans
la limite posée par l’article 40 de loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui
dispose que « le courrier adressé ou reçu par les personnes détenues peut être
contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette
correspondance paraît compromettre gravement leur réinsertion ou le maintien du
bon ordre et la sécurité ».
En revanche,
lorsqu’une association cherche à entrer en contact avec une personne détenue
sans avoir été, au préalable, directement sollicitée par cette dernière,
l’établissement ne lui communique pas son numéro d’écrou.
De manière
générale, lorsqu’une association à caractère religieux obtient le numéro
d'écrou d’une personne détenue et lui adresse un courrier, il convient :
– de ne pas retenir la correspondance
(sauf si celle-ci entre dans le champ de l'article 40 de la loi pénitentiaire
du 24 novembre 2009) ;
-
de remettre
le courrier à la personne détenue en main propre tout en lui indiquant
clairement que l’association est une association à caractère religieux afin
d’éviter toute dérive prosélyte.
C - Les restrictions apportées aux
pratiques cultuelles
1. Les regroupements à caractère
cultuel
Les prières
collectives et regroupements à caractère religieux ne sont autorisés qu’en
salle polycultuelle, en présence des intervenants d’aumônerie
2 - Le port de signes religieux
Le port de
signes par lesquels les personnes détenues manifestent ostensiblement une
appartenance religieuse est interdit
Ainsi,
certains objets ou vêtements ne sont autorisés que dans des lieux
limitativement identifiés. C’est le cas des voiles et des vêtements de prière
qui ne sont autorisés qu’en cellule et en salle polycultuelle : lors des
trajets de la cellule à la salle de culte, ceux-ci sont transportés dans un
sac. Pour des raisons de sécurité, cette règle s’applique également à la
djellaba même s’il s’agit d’un vêtement coutumier plutôt que d’un vêtement
cultuel : celle-ci ne peut être revêtue qu’en cellule ou en salle de culte ;
elle est transportée dans un sac lors des trajets de la cellule à la salle de
culte.
En revanche,
les impératifs de sécurité s’opposent à ce que des tapis de prière soient
transportés à l’intérieur de la détention. Ainsi, les personnes détenues sont
autorisées à conserver un tapis de prière en cellule et des tapis de prière
peuvent être entreposés dans la salle de culte.