dimanche 14 septembre 2014

Mainlevée d’une hospitalisation sous contrainte et transformation en programme de soins





Mainlevée d’une hospitalisation sous contrainte et transformation en programme de soins
CA Bastia, 29 août 2012, X contre Centre hospitalier de Castelluccio, n° 14/00094
"L’hospitalisation complète sous contrainte d’une personne souffrant de troubles mentaux est une décision administrative unilatérale privative de liberté qui autorise l’équipe soignante à user de la contrainte pour engager un traitement nécessaire, adapté et proportionné à l’état de santé du malade. Cette décision permet également de prendre des mesures l’empêchant de quitter l’établissement. Depuis le 1er septembre 2014, la légalité de cet acte administratif individuel doit être examinée par le JLD dans un délai maximal de douze jours à compter de l’admission ou à compter du retour en hospitalisation complète (CSP, art. L. 3211-12-1). Le législateur a en effet souhaité que ce magistrat judiciaire se prononce systématiquement sur la légalité et le bien fondé de cet acte pris par une autorité administrative (préfet ou directeur d’établissement). Le décret n°2014-897 du 15 août 2014 vient d’ailleurs de modifier les articles R. 3211-7 à R. 3211-30 du CSP afin d’organiser au mieux ce procès à l’acte réalisé en urgence.
En l’espèce, le JLD du TGI d’Ajaccio a examiné la légalité d’une hospitalisation complète à la demande d’un tiers (CSP, art. L. 3212-13). Comme il arrive parfois, le juge a été contraint d’ordonner la mainlevée de la mesure pour un motif de légalité externe alors que l’état du patient nécessitait manifestement des soins. Afin d’éviter tout risque d’interruption de la prise en charge, le magistrat a demandé qu’un programme de soins soit mis en place dans les 24 heures. Un psychiatre du centre hospitalier d’accueil a immédiatement rédigé un programme comprenant de très longues périodes d’hospitalisation (5 jours et 6 nuits par semaine à l’hôpital). Le contenu d’un tel programme est juridiquement contestable car assimilable à une hospitalisation complète durant laquelle des sorties de courte durée de moins de 48 heures sont organisées (CSP art. L. 3211-11-1 2°). Il était pourtant difficile d’en rédiger un moins contraignant compte-tenu de l’état du patient.
Ce dernier a immédiatement fait appel afin de contester la légalité de l’ordonnance qui conditionnait la mainlevée d’une décision administrative illégale à la rédaction d’un programme de soins. La cour d’appel de Bastia n’avait donc pas à se prononcer sur la légalité du programme proposé à la suite de l’ordonnance de mainlevée. Selon elle, l’ordonnance rendue en première instance était maladroitement rédigée car il n’est pas envisageable de conditionner une mainlevée. Face à l’illégalité de la mesure, le juge devait uniquement ordonner la fin de la privation de liberté. Il ne dispose pas d’autre pouvoir. Il peut uniquement accorder une journée à l’équipe soignante pour éviter une rupture brutale de la prise en charge. L’article L. 3211-12-1-III du CSP dispose en effet que « lorsqu’il ordonne cette mainlevée, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin qu’un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en application du II de l’article L. 3211-2-1. Dès l’établissement de ce programme ou à l’issue du délai [de 24 heures], la mesure d’hospitalisation complète prend fin ». La cour d’appel estime donc que « la mention de l’ordonnance relative à l’établissement d’un programme de soins ne constitue pas une décision juridictionnelle dans la mesure où le magistrat n’a aucunement ordonné l’établissement du programme de soins, ce qu’il ne pouvait d’ailleurs pas faire dans le cadre de sa saisine. En conséquence, il convient de supprimer cette mention de l’ordonnance ». Il reste désormais au patient à saisir de nouveau le JLD afin de contester directement le programme de soins rédigé en urgence suite, non à une évolution de son état de santé, mais à une mainlevée. Il peut aussi tenter d’engager la responsabilité de l’établissement s’il estime que la privation illégale de liberté lui a causé un préjudice."

Eric Péchillon
Responsable du DIU “Droit et psychiatrie”