Mainlevée d’une
hospitalisation sous contrainte et transformation en programme de soins
CA Bastia, 29 août
2012, X contre Centre hospitalier de Castelluccio, n° 14/00094
"L’hospitalisation complète sous
contrainte d’une personne souffrant de troubles mentaux est une décision
administrative unilatérale privative de liberté qui autorise l’équipe soignante
à user de la contrainte pour engager un traitement nécessaire, adapté et
proportionné à l’état de santé du malade. Cette décision permet également de prendre
des mesures l’empêchant de quitter l’établissement. Depuis le 1er
septembre 2014, la légalité de cet acte administratif individuel doit être
examinée par le JLD dans un délai maximal de douze jours à compter de
l’admission ou à compter du retour en hospitalisation complète (CSP, art. L.
3211-12-1). Le législateur a en effet souhaité que ce magistrat judiciaire se
prononce systématiquement sur la légalité et le bien fondé de cet acte pris par
une autorité administrative (préfet ou directeur d’établissement). Le décret
n°2014-897 du 15 août 2014 vient d’ailleurs de modifier les articles R. 3211-7
à R. 3211-30 du CSP afin d’organiser au mieux ce procès à l’acte réalisé en urgence.
En l’espèce, le JLD du TGI
d’Ajaccio a examiné la légalité d’une hospitalisation complète à la demande
d’un tiers (CSP, art. L. 3212-13). Comme il arrive parfois, le juge a été
contraint d’ordonner la mainlevée de la mesure pour un motif de légalité
externe alors que l’état du patient nécessitait manifestement des soins. Afin d’éviter
tout risque d’interruption de la prise en charge, le magistrat a demandé qu’un
programme de soins soit mis en place dans les 24 heures. Un psychiatre du
centre hospitalier d’accueil a immédiatement rédigé un programme comprenant de
très longues périodes d’hospitalisation (5 jours et 6 nuits par semaine à
l’hôpital). Le contenu d’un tel programme est juridiquement contestable car
assimilable à une hospitalisation complète durant laquelle des sorties de
courte durée de moins de 48 heures sont organisées (CSP art. L. 3211-11-1 2°).
Il était pourtant difficile d’en rédiger un moins contraignant compte-tenu de
l’état du patient.
Ce dernier a immédiatement fait
appel afin de contester la légalité de l’ordonnance qui conditionnait la
mainlevée d’une décision administrative illégale à la rédaction d’un programme
de soins. La cour d’appel de Bastia n’avait donc pas à se prononcer sur la
légalité du programme proposé à la suite de l’ordonnance de mainlevée. Selon elle,
l’ordonnance rendue en première instance était maladroitement rédigée car il
n’est pas envisageable de conditionner une mainlevée. Face à l’illégalité de la
mesure, le juge devait uniquement ordonner la fin de la privation de liberté.
Il ne dispose pas d’autre pouvoir. Il peut uniquement accorder une journée à
l’équipe soignante pour éviter une rupture brutale de la prise en charge. L’article
L. 3211-12-1-III du CSP dispose en effet que « lorsqu’il ordonne cette
mainlevée, il peut, au vu des éléments du dossier et par décision motivée,
décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre
heures, afin qu’un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi en
application du II de l’article L. 3211-2-1. Dès l’établissement de ce programme
ou à l’issue du délai [de 24 heures], la mesure d’hospitalisation complète
prend fin ». La cour d’appel estime donc que « la mention de
l’ordonnance relative à l’établissement d’un programme de soins ne constitue
pas une décision juridictionnelle dans la mesure où le magistrat n’a aucunement
ordonné l’établissement du programme de soins, ce qu’il ne pouvait d’ailleurs
pas faire dans le cadre de sa saisine. En conséquence, il convient de supprimer
cette mention de l’ordonnance ». Il reste désormais au patient à saisir de
nouveau le JLD afin de contester directement le programme de soins rédigé en urgence
suite, non à une évolution de son état de santé, mais à une mainlevée. Il peut
aussi tenter d’engager la responsabilité de l’établissement s’il estime que la
privation illégale de liberté lui a causé un préjudice."
Eric Péchillon
Responsable du DIU
“Droit et psychiatrie”