jeudi 25 octobre 2012

l'avis du contrôleur des lieux de privation de liberté sur la semi liberté

en lien l'avis du CGLPL relatif à la mise en œuvre de la semi liberté


Un constat :"Les semi-libres représentent 20 % des personnes écrouées qui ne sont pas hébergées en détention ordinaire et moins de 3 % des détenus de droit commun. Si leur nombre au 1er janvier 2012 s’est accru par rapport à l’année précédente, le nombre de mesures de semi-liberté décidées depuis quatre ans décroît régulièrement (– 16 % par rapport à 2008). C’est là un paradoxe dû vraisemblablement en partie à l’essor de la surveillance électronique, mesure d’aménagement bien maigre, dans laquelle n’est prévu le plus souvent aucun accompagnement social. La semi-liberté, peine ordonnée à titre probatoire, est par contraste un instrument très utile, bien conçu dans son principe, qui peut contribuer très significativement à la réinsertion des personnes condamnées et à la prévention de la récidive".

Principales remarques de cet avis:

- Une insuffisance du nombre de places disponibles : le taux d'occupation est supérieur à celui des établissements de droit commun : "Au 1er janvier 2012, 1 857 personnes sont placées sous ce régime. La direction de l’administrationpénitentiaire recense onze centres de semi-liberté et sept quartiers de semi-liberté offrant 768 places, soit un taux d’occupation de 241 %, supérieur au taux d’occupation des établissements de droit commun") ;
- Des locaux souvent inadaptés, parfois insalubres où règne le désordre : Remarques à propos des faiblesses des règlements intérieurs : absence fréquente de règlement spécifique ou de dispositions particulières comprises dans le règlement intérieur ;
- Une carence des soins : "S’agissant des constats de l’état de santé et des soins à dispenser pour des pathologies, le semi-libre n’a plus accès aux dispositifs des établissements pénitentiaires. Il lui faut donc trouver les ressources nécessaires (dans une agglomération dont, souvent, il ignore tout). Il lui faut une couverture sociale : certains établissements, mais non la majorité, ont passé des conventions avec la caisse primaire d’assurance-maladie pour accélérer l’établissement des dossiers nécessaires. Il faut aussi des soins de proximité : des établissements ont passé convention avec des centres de soins (municipaux, par exemple) ; mais pas tous. Des centres de soins n’admettent pas les semi-libres, parce qu’ils estiment que ces derniers ne sont pas résidents de la commune.
S’agissant des obligations de soins imposées par les magistrats (notamment dans les hypothèses d’addiction), les centres spécialisés sont souvent saturés et les délais d’attente se chiffrent en semaines ou en mois. Comme la semi-liberté ne dépasse pas elle-même quelques mois, les obligations ne sont pas du tout, ou seulement en partie, suivies d’effet".

- Les travailleurs sociaux (conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation – CPIP) sont en nombre insuffisant.
- Une difficulté d'accès au travail ou à une formation, et a fortiori à la recherche d'un emploi;
- L'inaccessibilité de la mesure de semi-liberté pour les étrangers détenus : "La semi-liberté ne peut être accordée que si les personnes auxquelles elle s’applique disposent des papiers nécessaires pour accéder à un emploi. La pratique des préfectures qui consiste à ne pas renouveler les titres de séjour des étrangers détenus, en résidence régulière lors de leur incarcération, et qui, par hypothèse, sont appelés à rester en France, privent de fait un certain nombre de ces étrangers de la possibilité de bénéficier d’une mesure de semi-liberté (sans titre de séjour régulier, pas de travail possible, donc pas de projet d’insertion pouvant être approuvé par le juge). Il y a là une discrimination qui n’a pas de justification au regard de la sanction pénale. Il doit y être mis fin".
- réforme indispensable de  la discipline applicable aux semi-libres : les placements en cellules "d'attente" (qui sont en fait des cellules disciplinaires) interviennent sans procédure disciplinaire, sur simple décision administrative, le plus souvent au retour du travail le soir. Aucune visite médicale n'est organisée pour vérifier la compatibilité de l'état de santé de la personne avec le placement en cellule. Les téléphones cellulaires leur sont par ailleurs interdits, alors même qu'aucun centre ou quartier visité ne comporte de "point-phone", contrairement au droit donné aux personnes détenues de téléphoner (L. n° 2009-1436, 24 nov. 2009, art. 39). des difficultés relatives au droit de visite.
- "Enfin, une des matières les plus sérieuses relatives à la semi-liberté est relative au rôle qu’y jouent les
magistrats. Les délais entre la décision d’un juge de l’application des peines de placer un détenu dans un centre de semi-liberté sont certes moins longs (sur dix-huit cas examinés, treize mois en moyenne). Ils sont néanmoins exagérés et compromettent des projets d’insertion (une place auprès d’un employeur par exemple) que l’intéressé et son conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation ont pu imaginer.
Des projets de détenus sont également fortement mis en cause par les délais dans lesquels est soumis le
dossier au débat contradictoire nécessaire. Le rythme de l’insertion, en raison de la situation de l’emploi qui
prévaut et de la difficulté intrinsèque liée à la qualité de détenu, est souvent beaucoup plus rapide que celui des procédures destinées à l’accepter.
De manière générale, l’insuffisance du nombre de magistrats et de travailleurs sociaux rend illusoire une
prise en charge individualisée des semi-libres".