Responsabilité pour faute du CH pour défaut de surveillance (2h sans surveillance), à la suite du décès par asphyxie d'un résident d'EHPAD ayant fait l'objet d'une mesure de contention ventrale.
Considérant ce qui suit :
1. Le 25 octobre 2015, M. D... C..., alors âgé de 86 ans et
résidant dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées
dépendantes dans lequel il occupait un lit muni de deux barrières du
fait de ses troubles mnésiques et de son agitation, a été admis au
centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue, dans le service
d'urologie en raison de l'arrachement de son cyscocath, qui avait été
posé dans le cadre d'une rétention aigüe d'urine. Dès son admission dans
le service, M. C..., ayant arraché les sondes urinaires mises en place,
a bénéficié de la prescription d'une contention abdominale au minimum.
Le 31 octobre 2015, il a été constaté le décès de M. C..., lequel est
survenu par asphyxie du fait de la sangle abdominale. Les ayants-droit
du patient ont saisi aux fins d'indemnisation la commission régionale de
conciliation et d'indemnisation Midi-Pyrénées. La commission a désigné,
en qualité d'expert, le docteur M... qui a déposé son rapport le 22
juin 2016. A la suite de l'avis de la commission en date du 14 septembre
2016, l'Office National d'indemnisation des accidents médicaux, des
affections iatrogènes et des infections nosocomiales a émis cinq
protocoles d'indemnisation transactionnelle qui ont été acceptés par les
ayants-droit de M. C... pour un montant total de 46 380,40 euros.
L'Office National d'indemnisation des accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales, subrogé à concurrence des
sommes versées dans les droits des victimes, a demandé au tribunal
administratif de Toulouse de condamner solidairement le centre
hospitalier de Villefranche-de-Rouergue et son assureur, la société
hospitalière d'assurances mutuelles, à lui verser une somme totale de 47
080,40 euros incluant les frais d'expertise réglés par lui pour un
montant de 700 euros. Par le jugement susvisé du 16 mai 2019, le
tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête et a mis à la
charge de l'Office National d'indemnisation des accidents médicaux, des
affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 1 500
euros à verser au centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue et à la
société hospitalière d'assurances mutuelles au titre des dispositions
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la présente
requête, l'Office National d'indemnisation des accidents médicaux, des
affections iatrogènes et des infections nosocomiales demande
l'annulation de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 1142-17 alinéa 7 du code de la
santé publique : " Si l'office qui a transigé avec la victime estime que
la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme
ou producteur de produits de santé mentionnés au premier alinéa de
l'article L. 1142-14 est engagée, il dispose d'une action subrogatoire
contre celui-ci. Cette action subrogatoire ne peut être exercée par
l'office lorsque les dommages sont indemnisés au titre de l'article L.
1142-1-1, sauf en cas de faute établie de l'assuré à l'origine du
dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par
la réglementation en matière de lutte contre les infections
nosocomiales. ". L'article L. 1142-1 du même code prévoit que : " I.
Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut
d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la
quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service
ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de
prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des
conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de
soins qu'en cas de faute. (...)/ II. Lorsque la responsabilité d'un
professionnel, d'un établissement, service, ou organisme mentionné au I
ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical,
une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la
réparation des préjudices du patient, et en cas de décès, de ses ayants
droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement
imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et
qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de
son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et
présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard
de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie
privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux
d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée
de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du
déficit fonctionnel temporaire. (...) ".
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
3. Il est constant que le décès de M. C... est en lien direct et
certain avec la mesure de contention mise en place au sein du centre
hospitalier de Villefranche-de-Rouergue, puisqu'il est décédé d'asphyxie
par étouffement avec une sangle abdominale. Si l'Office National
d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des
infections nosocomiales soutient que cette mesure, qui ne peut être
regardée comme un " acte de soins courant " mais est qualifiée dans le
rapport de la commission d' " acte de prévention ", était soit
inadaptée à l'état du patient, soit mal réalisée et surtout mal
surveillée, il ressort du rapport d'expertise amiable établi par le
docteur M... que dès l'arrivée du patient au centre hospitalier de
Villefranche de Rouergue, le 25 octobre 2015, le docteur G... a fait "
une prescription de contention (...) par sangle ventrale, attaches
poignets, pieds en cas de besoin avec risque 4 ". Toutefois, si l'expert
a relevé, après avoir mentionné les recommandations de l'Agence
nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) et de
l'Agence française de sécurité sanitaire et des produits de santé
(AFSSAPS), que la mesure a été adaptée au patient et à la situation et
évaluée quotidiennement et a conclu qu'il s'agissait " d'un accident
dramatique, malheureux, sans aucun rapport avec un quelconque
dysfonctionnement de l'équipe soignante et/ou de l'organisation du
service ", aucun document ne permet d'attester des modalités des mesures
de surveillance mises en place. En particulier, s'agissant du jour du
décès, le 31 octobre 2015, il ressort du rapport d'expertise que M. C...
a été vu à 9 heures, pour son petit déjeuner, et que sa toilette devait
être faite en dernier en raison de sa mise à l'isolement, alors que son
décès a été constaté à 11 heures 10, ainsi qu'il ressort de l'avis de
la commission régionale de conciliation et d'indemnisation
Midi-Pyrénées. Durant ces deux heures, il n'est pas établi qu'il aurait
fait l'objet des mesures de surveillance que son état d'agitation
nécessitait, en raison des risques d'étouffement bien connus induits par
les mesures de contention rappelés dans les recommandations des agences
mentionnées ci-dessus, et alors que les barrières du lit n'étaient pas
en place. Par suite, l'Office National d'indemnisation des accidents
médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est
fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le
tribunal administratif de Toulouse n'a pas retenu l'existence d'une
faute dans la surveillance de M. C... de nature à engager la
responsabilité du centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue. Il y a
donc lieu d'examiner, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, les
montants d'indemnisation auxquels l'Office National d'indemnisation des
accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections
nosocomiales peut prétendre à raison de la responsabilité encourue à ce
titre par le centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue.
En ce qui concerne le remboursement des sommes versées par
l'Office National d'indemnisation des accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales aux ayant droits de M. C... :
4. Il résulte de l'instruction que l'Office National
d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des
infections nosocomiales a versé à l'épouse de M. C..., Mme I... C...,
une somme de 20 000 euros au titre de son préjudice d'affection, sur la
base de son référentiel, et la somme de 4 380,40 euros en remboursement
de frais d'obsèques dûment justifiés. Il a versé à chacune de ses
filles, N... B... F..., H... L..., K... C... et J... E..., la somme de 5
500 euros chacune au titre de leur préjudice d'affection. Il y a lieu,
par suite, de condamner solidairement le centre hospitalier de
Villefranche-de-Rouergue et son assureur, la société hospitalière
d'assurances mutuelles à verser à l'Office National d'indemnisation des
accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections
nosocomiales, en sa qualité de subrogé des ayants-droit de M. C..., la
somme totale de 46 380,40 euros, augmentée des intérêts au taux légal à
compter de la date de réception de sa demande indemnitaire préalable du 9
juin 2017.
En ce qui concerne les frais de l'expertise amiable :
5. Les dispositions de l'alinéa 7 de l'article L. 1142-17 du code
de la santé publique, qui fondent son action subrogatoire, ne prévoient
pas que l'Office National d'indemnisation des accidents médicaux, des
affections iatrogènes et des infections nosocomiales puisse obtenir le
remboursement des frais d'expertise amiable qu'il a exposés. L'Office
National d'indemnisation des accidents médicaux, des affections
iatrogènes et des infections nosocomiales n'est donc pas fondé à
demander une somme à ce titre.
6. Il résulte de ce qui précède que l'Office National
d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des
infections nosocomiales est fondé à soutenir que c'est à tort que par
le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa
demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à
la charge conjointe du centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue et
de la société hospitalière d'assurances mutuelles une somme de 1 500
euros à verser à l'Office National d'indemnisation des accidents
médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales en
application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1703859 du 16 mai 2019 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Villefranche-de-Rouergue et la
société hospitalière d'assurances mutuelles sont conjointement condamnés
à verser à l'Office National d'indemnisation des accidents médicaux,
des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme totale
de 46 380,40 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de
la date de réception de sa demande indemnitaire préalable du 9 juin
2017.