Temps passé sous écrou, temps passé en détention (2001-2012)
CENTRE
D’HISTOIRE SOCIALE DU XXe siècle, UMR CNRS 8058
Séminaire «
Enfermements, Justice et Libertés dans les sociétés contemporaines »
-
Estimations -
Pierre
V. Tournier
Janvier 2014
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Pierre V. Tournier,
Centre d’histoire sociale du XXe siècle, 43, rue Guy Môquet 75017 PARIS,
pierre-victor.tournier@wanadoo.fr, http://pierre-victortournier.blogspot.fr/
2
Depuis le
développement du placement sous surveillance électronique (PSE), on sait qu’il
est essentiel de ne pas confondre « population sous écrou » et « population
détenue »2.
Ainsi, au 1er janvier 2013, le
nombre de personnes sous écrou est de 76
798 (France entière) :
16 454 prévenus détenus,
50 118 condamnés
détenus (soit 66 572 personnes détenues),
9 029 condamnés
placés sous surveillance électronique en aménagement de peine (loi du 19
décembre 1997),
624 condamnés placés sous
surveillance électronique en fin de peine (loi du 24 novembre 2009)
et 573 condamnés en placement
à l’extérieur, sans hébergement pénitentiaire.
Le taux de placement
sous écrou est de 117 pour 100 000 habitants et le taux de détention de 102
pour 100 000 habitants.
1. -
Temps passé sous écrou
Au-delà de ces
effectifs à une date donnée (statistique de stock), nous publions
régulièrement, dans le tableau de bord d’OPALE, des données de flux d’entrées
sous écrou et un indicateur de la durée moyenne du placement sous écrou.
Nous avons introduit
cet indicateur, dans le champ pénal, au début des 19803. Il est calculé à
partir de la formule fondamentale en analyse démographique : P = E x d
P est l’effectif moyen de la population au cours de l’année (donnée
de stock),
E est le nombre d’entrées dans la population sur une année (donnée
de flux),
d est le temps moyen passé dans la population, exprimé en année ;
dit d’une autre manière, c’est l’espérance de vie dans la population, au moment
de l’entrée.
Cette formule
correspond à un modèle d’évolution théorique bien particulier, le modèle dit de la population stationnaire.
Il repose sur deux hypothèses : le nombre d’entrées annuelles dans la population
est constant, d’une année sur l’autre, et le calendrier des sorties est
identique pour toutes les cohortes d’entrées (rythme de sortie identique). Dans
ce modèle, l’effectif de la population est donc constant. Ces hypothèses ne
sont, en général, vérifiées ni pour la population sous écrou, ni pour la population
détenue. Et pour cause ! Ainsi les durées moyennes que l’on peut calculer à
partir des données de stock et des données de flux d’entrées (d = P /E) est un
simple indicateur dont seule l’évolution sur plusieurs années a un sens. Ce n’est
aucunement un outil d’analyse de conjoncture.
En 2012, l’administration
pénitentiaire a enregistré 90 962 entrées sous écrou (E). Au cours de cette année,
la population moyenne sous écrou a été de 76 962 (P), cette moyenne étant
obtenue en faisant la moyenne arithmétique des effectifs au 1er jour de chaque mois.
Ce qui donne un indicateur de la durée moyenne du placement sous écrou de 10,2 mois (tableau 1).
En 2001,
cet indicateur était de 8,6 mois. Il a donc augmenté de 19 %.
A notre connaissance,
l’administration pénitentiaire n’a pas les moyens de calculer, en toute
rigueur, le même type d’indicateur ni pour la durée moyenne de détention dans
son ensemble, ni pour la seule durée moyenne de détention provisoire. Mais des
valeurs approximatives peuvent être estimées.
Encore faut-il ne pas
tout confondre comme c’est souvent le cas en la matière4.
2. -
Estimation de l’indicateur de la durée moyenne de détention
En 2012, 23 996
aménagements de peines sous PSE ont été prononcés5. Dans le calcul qui
suit on fait l’hypothèse simplificatrice que 100 % de ces PSE sont « ab
initio » et l’on considère comme négligeable le nombre de placements à l’extérieur,
ab initio, sans hébergement pénitentiaire.
Estimation du nombre
d’entrées en détention en 2012 : 90 962 – 23 996 = 66 966
Population moyenne
détenue en 2012 : 66 787
Estimation de la durée
moyenne de détention en 2012 : 12 mois (tableau2)
On notera que la
durée moyenne de détention est restée voisine de 8,6 mois de 2001 à 2006, pour
ne cesser d’augmenter à partir de 2007. La durée pour 2012 a ainsi augmenté de
40 % par rapport à 2006. Cette évolution est, évidemment, à rapprocher de la
loi du 10 août 2007 introduisant les peines
lancher pour les récidivistes.
3. –
Estimation de l’indicateur de la durée moyenne de détention provisoire
En 2012, 46 656
entrées de prévenus ont été enregistrées par l’administration pénitentiaire.
Dans le calcul qui suit, on considère comme négligeable le nombre d’entrées
dans la population des prévenus en cours de placement sous écrou. Une personne
est placée sous écrou sur extrait de jugement pour exécuter sa peine. Puis en
cours d’exécution, elle fait l’objet d’un mandat de dépôt dans une 2ème affaire. Lorsque la
peine dans la 1ère affaire sera exécutée, la personne restera sous écrou pour la 2ème affaire. Elle passera
ainsi de la population de condamnés à la population de prévenus. On ne connaît pas
le nombre d’entrées de ce type dans la population de prévenus.
Population moyenne de
prévenus en 2012 : 16 697.
Estimation de la durée
moyenne de détention provisoire en 2012 : 4,3 mois (tableau3)
On notera que la
durée moyenne de détention provisoire a augmenté de 16 % de 2008 à 2012.
Pierre V. Tournier
1 Directeur
de recherches au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université
Paris 1).
2 Introduit
par la loi du 19 décembre 1997, le PSE comme mode d’aménagement des peines est
entré en application fin 2000. Le nombre de condamnés placés était de 304 au
1/1/04, 709 au 1/1/05, 897 au 1/1/06,
1
648 au 1/1/07, 2 506 au 1/1/08.
3Pour
plus de détails sur ce genre de calcul démographique voir Tournier P.V., Contribution
à la
connaissance
de la population des personnes incarcérées en France (1968-1980) - analyse
démographique -,
thèse
de 3e cycle publiée par le ministère de la Justice, Centre national d’études
et de recherches pénitentiaires
(CNERP),
1981, 342 p. ou Barré M-D, Tournier P.V., coll. Leconte B., La mesure du
temps carcéral,
observation
suivie d’une cohorte d’entrants, Paris, CESDIP, Déviance
& Contrôle social, n°48, 1988, 199 p.
4 Voir
Tournier P.V., « Comment en arrive-t-on à surestimer la durée moyenne de
détention de + 45 % dans
un
rapport du Sénat ? Durée de temps passé sous écrou, durée de détention, durée
de détention provisoire »,
Arpenter
le Champ pénal, n°305, 21 janvier 2013, 4 p.