Conseil d'Etat, arrêt n°357046 du 30avril 2014
La vulnérabilité d'un patient peut conduire à engager la responsabilité d'un établissement public de santé sur la base d'une présomption de faute.
Il importe alors à l'établissement de prouver qu'il n'a commis aucune faute dans l'organisation du service.
En l'espèce, un patient, âgé de 47 ans au moment des faits, avait été pris en charge le 5 mai 2001 à la Pitié-Salpêtrière à la suite d'une agression par arme à feu. Le 20 juin 2001 au matin, il avait chuté depuis les fenêtres de sa chambre, située au deuxième étage du bâtiment abritant le service de neurochirurgie. Atteint d'une incapacité permanente partielle de 8% des suites de cette chute, le patient réclamait à l'AP-HP plus de 170.000 euros au titre de ses divers préjudices et frais juridiques
"1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., qui était atteint d'une plaie crâno-faciale à la suite d'une agression par arme à feu et avait été admis le 5 mai 2001 dans le service de neurochirurgie du groupe hospitalier de La Pitié Salpêtrière à Paris, a été retrouvé, le 20 juin suivant, vers 8 heures 30, gisant, à la suite d'une chute, sous les fenêtres de sa chambre située au deuxième étage ; que, par un jugement du 21 janvier 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser une indemnité en réparation des conséquences dommageables de cet accident ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement ;
2. Considérant que l'arrêt attaqué relève qu'il ressort du rapport d'expertise que M. B...avait présenté, dans les jours précédant l'accident, un état d'agitation et de désorientation qui, associé à sa cécité, à sa surdité et aux autres séquelles de sa blessure, l'exposait particulièrement à un risque de chute ; qu'il écarte néanmoins l'existence d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service au motif que le requérant " n'établit ni que le dispositif de sécurité bloquant l'ouverture des fenêtres de sa chambre aurait été défectueux, ni que ces fenêtres auraient été laissées grandes ouvertes, ni qu'il serait tombé de la fenêtre d'une autre chambre que la sienne " ;
3. Considérant que la cour administrative d'appel n'a pas mis en doute le fait que M. B...était tombé par une fenêtre de sa chambre et n'aurait d'ailleurs pu le faire sans dénaturer les pièces du dossier ; qu'un tel accident impliquait nécessairement soit que le dispositif de sécurité destiné à empêcher l'ouverture de la fenêtre n'avait pas été enclenché, soit qu'il n'avait pas correctement fonctionné ; que l'une ou l'autre de ces circonstances révélait, eu égard aux précautions qu'imposaient l'état et le comportement de l'intéressé dans les jours ayant précédé l'accident, une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ; que, dans ces conditions, le requérant est fondé à soutenir qu'en écartant l'existence d'une telle faute la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et à demander, pour ce motif, l'annulation de son arrêt ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 octobre 2011 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.