jeudi 8 mai 2014

Détenus particulièrement signalés (DPS): suspension des réveils nocturnes


Par une ordonnance du 18 avril 2014, le juge des référés du Tribunal administratif de Limoges a ordonné la suspension du régime de surveillance nocturne qui était imposé depuis le mois de juin 2013 à un détenu ayant le statut de « détenu particulièrement signalé » (DPS). Il a relevé que les contrôles nocturnes appliqués à l'intéressé, qui perturbent son sommeil et ont un impact sur sa santé, portent une atteinte grave et immédiate à sa situation. Il rappelle par ailleurs que l’inscription sur le répertoire des DPS ne saurait automatiquement entraîner l’application d’un tel régime de surveillance.

Incarcéré depuis 1995, Monsieur D. est actuellement détenu à la maison centrale de Saint-Maur. Depuis le mois de juin 2013, il était soumis dans cet établissement à un « régime de surveillance nocturne consistant dans l'ouverture de l’œilleton de sa cellule et dans l'allumage de la lumière, deux fois dans la nuit », à la fréquence d'une à deux nuits par semaine. Dénonçant la fatigue physique et nerveuse générée par ces contrôles nocturnes répétés, M. D. a saisi, avec le soutien de l'OIP, le juge des référés du tribunal administratif qui a prononcé la suspension du régime de surveillance.

Le juge retient en premier lieu qu'il était urgent de faire cesser cette surveillance au motif qu'elle porte « une atteinte suffisamment grave et immédiate à l'état de santé du requérant et à sa situation financière ». Relevant que la littérature médicale fait un lien entre les problèmes d'hypertension, dont souffre M. D., et le manque de sommeil, il souligne le « caractère quasi-concomitant de la mise en œuvre du régime de détention contesté et des troubles de santé dont le requérant fait état » pour estimer que ces troubles peuvent être regardés « comme ayant pour origine l'application des contrôles nocturnes ». Il note par ailleurs que les pics de tension qui affectent M. D. sont à l'origine de plusieurs arrêts de travail, privant l'intéressé d'une partie des faibles revenus qu'il tire de son emploi au service général de la prison.

Le juge retient en second lieu qu'il n'est pas démontré que les contrôles nocturnes imposés à M. D. étaient nécessaires sur le plan de la sécurité et de l'ordre public. L'administration mettait en avant le « profil pénal du détenu », inscrit sur le registre des détenus particulièrement signalés (DPS) depuis 18 ans, ainsi que des « incidents survenus pendant sa détention entre 2005 et 2010 ». Or le juge relève que les incidents reprochés à M. D. sont anciens et qu'ils n'attestent pas d'un risque d'évasion alors que l'administration n'a jamais jugé nécessaire de le soumettre à un régime de surveillance nocturne avant 2013. « En l'absence de faits ou éléments plus récents concernant, notamment, un risque d'évasion », estime-t-il, « les impératifs de sécurité et d'ordre public ne peuvent être regardés comme faisant en l'espèce obstacle [à la suspension des contrôles nocturnes] ».

Enfin, le juge considère qu'il existe « un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ». La directrice de la maison centrale de Saint-Maur avait en effet expliqué par courrier à l'intéressé que l'application de ce régime de surveillance nocturne s'inscrivait dans le cadre du « contrôle nécessaire exercé envers les personnes inscrites au répertoire des DPS ». Peuvent être inscrites sur le répertoire des DPS des personnes incarcérées pour des infractions particulières, ou « susceptibles de grandes violences », ou encore ayant participé ou réalisé une tentative d’évasion. Dans sa décision, le juge rappelle cependant que l'inscription d'un détenu sur le registre des DPS « n'implique pas nécessairement un régime de surveillance nocturne tel que celui qui est appliqué ». Il condamne donc la pratique visant à établir un lien automatique entre l'inscription d'un détenu sur le registre de DPS et sa soumission à un régime de contrôles nocturnes répétés, gravement attentatoire à l'exigence de respect de la dignité humaine.