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une ordonnance du 18 avril 2014, le juge des référés du Tribunal
administratif de Limoges a ordonné la suspension du régime de
surveillance nocturne qui était imposé depuis le mois de juin 2013 à un
détenu ayant le statut de « détenu particulièrement signalé » (DPS). Il a
relevé que les contrôles nocturnes appliqués à l'intéressé, qui
perturbent son sommeil et ont un impact sur sa santé, portent une
atteinte grave et immédiate à sa situation. Il rappelle par ailleurs que
l’inscription sur le répertoire des DPS ne saurait automatiquement
entraîner l’application d’un tel régime de surveillance.
Incarcéré
depuis 1995, Monsieur D. est actuellement détenu à la maison centrale
de Saint-Maur. Depuis le mois de juin 2013, il était soumis dans cet
établissement à un « régime de surveillance nocturne consistant dans
l'ouverture de l’œilleton de sa cellule et dans l'allumage de la
lumière, deux fois dans la nuit », à la fréquence d'une à deux
nuits par semaine. Dénonçant la fatigue physique et nerveuse générée par
ces contrôles nocturnes répétés, M. D. a saisi, avec le soutien de
l'OIP, le juge des référés du tribunal administratif qui a prononcé la
suspension du régime de surveillance.
Le juge retient en premier lieu qu'il était urgent de faire cesser cette surveillance au motif qu'elle porte « une atteinte suffisamment grave et immédiate à l'état de santé du requérant et à sa situation financière ». Relevant
que la littérature médicale fait un lien entre les problèmes
d'hypertension, dont souffre M. D., et le manque de sommeil, il souligne
le « caractère quasi-concomitant de la mise en œuvre du
régime de détention contesté et des troubles de santé dont le requérant
fait état » pour estimer que ces troubles peuvent être regardés « comme ayant pour origine l'application des contrôles nocturnes ». Il
note par ailleurs que les pics de tension qui affectent M. D. sont à
l'origine de plusieurs arrêts de travail, privant l'intéressé d'une
partie des faibles revenus qu'il tire de son emploi au service général
de la prison.
Le
juge retient en second lieu qu'il n'est pas démontré que les contrôles
nocturnes imposés à M. D. étaient nécessaires sur le plan de la sécurité
et de l'ordre public. L'administration mettait en avant le « profil pénal du détenu », inscrit sur le registre des détenus particulièrement signalés (DPS) depuis 18 ans, ainsi que des « incidents survenus pendant sa détention entre 2005 et 2010 ».
Or le juge relève que les incidents reprochés à M. D. sont anciens et
qu'ils n'attestent pas d'un risque d'évasion alors que l'administration
n'a jamais jugé nécessaire de le soumettre à un régime de surveillance
nocturne avant 2013. « En l'absence de faits ou éléments plus récents concernant, notamment, un risque d'évasion », estime-t-il, « les
impératifs de sécurité et d'ordre public ne peuvent être regardés comme
faisant en l'espèce obstacle [à la suspension des contrôles nocturnes] ».
Enfin, le juge considère qu'il existe « un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ». La directrice de la maison centrale de Saint-Maur avait en effet expliqué par courrier à l'intéressé que l'application de ce régime de surveillance nocturne s'inscrivait dans le cadre du « contrôle nécessaire exercé envers les personnes inscrites au répertoire des DPS ». Peuvent être inscrites sur le répertoire des DPS des personnes incarcérées pour des infractions particulières, ou « susceptibles de grandes violences », ou encore ayant participé ou réalisé une tentative d’évasion. Dans sa décision, le juge rappelle cependant que l'inscription d'un détenu sur le registre des DPS « n'implique pas nécessairement un régime de surveillance nocturne tel que celui qui est appliqué ». Il
condamne donc la pratique visant à établir un lien automatique entre
l'inscription d'un détenu sur le registre de DPS et sa soumission à un
régime de contrôles nocturnes répétés, gravement attentatoire à
l'exigence de respect de la dignité humaine.