dimanche 8 décembre 2013

Contrôle de la légalité d'une hospitalisation suite à un péril imminent


CA de Limoges, 6 novembre 2013



Lorsqu’une personne est admise sans consentement en soins psychiatriques dans un établissement  suite à une décision du directeur de l’établissement de santé prise dans le cadre de la procédure de péril imminent prévue à l’article L. 3212-1 du Code de la santé publique, elle dispose de garanties particulières.
Le certificat médical initial doit mentionner que le patient présente des troubles mentaux rendant impossible son consentement aux soins et que son état impose une surveillance constante en milieu hospitalier (les deux critères d’admission classique en SDT), mais également que le patient est en situation de péril imminent (condition supplémentaire justifiant une hospitalisation en l’absence de tiers).
Si à la fin des 72 heures d’observation et de soins, son état de santé le justifie (importance du second certificat médical), le directeur d’établissement peut décider de prolonger l’hospitalisation complète du patient. Le directeur de l’établissement saisit ensuite le juge des libertés et de la détention (JLD) aux fins de contrôle de la mesure d’hospitalisation. Le JLD examinera alors la légalité de l’hospitalisation complète.
Dans cette affaire, le patient demandait alors la mainlevée de la mesure car il souhaite faire l’objet d'un suivi dans le cadre d’une hospitalisation libre. Le JLD devait par conséquent vérifier si les conditions du maintien de la mesure de contrainte étaient encore justifiées (en particulier l’incapacité à consentir).
La cour d’appel confirme la décision du premier juge. Elle considère tout d’abord que la décision initiale d’hospitalisation était bien légale car il existait bien à la date de l’admission un péril imminent pour la santé du patient justifiant le recours à la procédure de péril imminent. A noter que le « péril imminent » s’apprécie au moment de l’admission et qu’il peut parfaitement disparaitre par la suite. La levée de la mesure ne sera possible que si les conditions classique de la SDT ne sont plus remplies.
La cour d’appel juge ensuite qu’une surveillance médicale constante justifie une hospitalisation complète et que la poursuite des soins sous cette forme demeure nécessaire.




Cour d'appel de Limoges
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Audience publique du mercredi 6 novembre 2013
N° de RG: 13/00043

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours





ENTRE :

1o- Monsieur Jean-Jacques X..., né le 28 février 1966 à Niort (79000), de nationalité française, demeurant ...,, actuellement hospitalisé au centre hospitalier d'Esquirol à Limoges (Haute-Vienne)

Appelant d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Limoges du 22 octobre 2013,

Comparant en personne assisté de Maître Grèze, avocat au barreau de Limoges,

ET :

1o- Monsieur le Procureur Général près la cour d'appel de Limoges, Intimé,Représenté par Maître Odile Valette, Substitut Général,
2o- Monsieur le Directeur du centre hospitalier d'Esquirol, Intimé, Non comparant ni représenté

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*
 

Le 10 octobre 2013, Jean-Jacques X... a été admis en soins psychiatriques, sous la forme initiale d'une hospitalisation complète sans consentement au Centre Hospitalier Esquirol de Limoges (87) sur la décision du directeur de l'établissement prise dans le cadre de la procédure de péril imminent prévue au 2o du II de l'article L.3212-1 Code de la santé publique.

L'admission a été effectuée sur la base du certificat médical établi le même jour par le docteur B....

Les deux certificats médicaux prévus aux 2ème et 3ème alinéas de l'article L.3211-2-2 du Code de la santé publique ont été régulièrement établis dans les 24h puis les 72 h de l'admission, les deux médecins n'étant ni l'un ni l'autre auteur du certificat sur la base duquel la décision d'admission a été prise.

Le certificat du 15 octobre 2013 qui conclut au maintien de la mesure a été établi entre le 5ème et le 8ème jour à compter de l'admission du patient en soins psychiatriques.

Le 15 octobre 2013, le directeur de l'établissement a prolongé la mesure de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète jusqu'au 10 novembre 2013.

Le certificat médical conjoint établi le15 octobre 2013, par deux psychiatres du centre hospitalier, dont l'un ne participe pas à la prise en charge du patient, mentionne la persistance des troubles psychiatriques et la nécessité de poursuivre les soins sous la forme d'une hospitalisation complète.

Par requête en date du15 octobre 2013, le directeur de l'établissement a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Limoges en application de l'article L 3211-12-1 du Code de la santé publique, aux fins de contrôle de la mesure d'hospitalisation.

Par ordonnance du 22 octobre 2013, le juge des libertés et de la détention a autorisé la poursuite de l'hospitalisation complète aux motifs que celle-ci était justifiée au regard de l'état de santé de Jean-Jacques X....

Jean-Jacques X... a interjeté appel de cette décision par l'intermédiaire de son avocat le 28 octobre 2013.

À l'audience, il déclare être sans domicile fixe et que l'adresse figurant dans le dossier de la procédure correspond à une adresse postale à Annemasse (74). Il explique s'être rendu à Limoges pour se faire soigner, en soulignant qu'il reconnaît, d'une part, sa maladie et, d'autre part, la nécessité de suivre des soins psychiatriques. Il demande cependant la mainlevée de la mesure car il souhaite faire l'objet d'un suivi dans le cadre d'une hospitalisation libre.

Il fait grief aux médecins d'avoir considéré qu'il était opposant aux soins alors qu'il a parfaitement conscience de son état et de la nécessité des soins. Il admet par ailleurs se mettre en danger lorsqu'il arrête les soins car il est alors victime d'hallucinations auditives.

Le ministère public requiert la confirmation de la décision du premier juge.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'appel est régulier et recevable pour avoir été formé dans les délais légaux.

Le certificat médical initial, établi le 10 octobre 2013 par le Dr B..., mentionne que Jean-Jacques X... présente des troubles mentaux rendant impossible son consentement aux soins psychiatriques et que son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier.

Il est par ailleurs mentionné que ce certificat médical a été établi dans le cadre de la procédure dite « de péril imminent ». Il se déduit de cette mention que le médecin a nécessairement considéré qu'il existait, au moment de l'examen, un péril imminent pour la santé de l'intéressé, ce que Jean-Jacques X... a confirmé en indiquant spontanément à l'audience qu'il se trouvait en situation de danger en l'absence de soins et ce, en raison des hallucinations causées par sa maladie.

Il apparaît ainsi qu'il existait bien à la date de l'admission un péril imminent pour la santé du patient, justifiant le recours à la procédure prévue au 2o du II de l'article L.3212-1 Code de la santé publique.

Par ailleurs, il résulte des éléments du dossier que Jean-Jacques X... a fait l'objet d'une hospitalisation en soins psychiatriques en raison d'une décompensation psychotique avec délire de persécutions.

Le certificat médical conjoint établi le 15 octobre 2013 en vue de la saisine du juge des libertés et de la détention mentionne que le patient a été hospitalisé en raison d'une recrudescence des symptômes psychotiques avec un refus des soins. Il est relevé la persistance d'hallucinations auditives et d'idées de persécutions ainsi que l'absence de coopération aux soins.

Jean-Jacques X... conteste qu'un refus des soins lui soit opposé mais il convient de relever que cette opposition aux soins a été constatée par les cinq médecins l'ayant examiné et que, si dans son discours, il déclare reconnaître sa maladie et la nécessité de se soigner, cela ne signifie pas pour autant une adhésion à la forme des soins et au traitement prescrits par les médecins.

Au surplus, il convient de relever que celui-ci qui n'a pas de domicile fixe a indiqué avoir été hospitalisé dans les Pyrénées-Orientales, ce qui vient confirmer la notion de voyage pathologique mentionné dans le certificat médical établi le 13 octobre 2013 et la nécessité de recevoir des soins dans un cadre institutionnel.

Ainsi, il apparaît que les pièces médicales figurant au dossier de la procédure sont concordantes et établissent que Jean-Jacques X... souffre de troubles mentaux qui rendent impossible son consentement, qu'il présente un état mental imposant des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète et que la poursuite des soins sous cette forme demeure nécessaire.

La décision du premier juge sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS

Le Président statuant publiquement, par décision réputé contradictoire et en dernier ressort,

DECLARONS l'appel recevable ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Limoges du 22 octobre 2013 ;