résumé de l'intervention effectuée le 20 mai 2008 à la direction de l'administraton pénitentaire:
Direction de l’administration pénitentiaire
8/10 rue du renard
75 004 PARIS
Mardi 20 mai 2008 de 09h30 à 13 h
Salle 025
"Le droit et les violences en prison".
Eric Péchillon maître de conférences à la faculté de droit
et de science politique de Rennes 1,
Le droit face aux faits :
Présentation de trois exemples :
• a) un détenu est frappé par un tiers (détenu ou surveillant)
• b) un détenu est attaché à son lit ou entravé (par un codétenu ou un surveillant)
• c) un détenu se mutile
Réaction du juriste ou du juge administratif
1ère étape : contrôle de l’exactitude matérielle des faits
• comment se sont concrètement déroulés le faits ?
• selon quelle chronologie ?
• dan quelles circonstances de temps et de lieux ?
pour a) b) c) qui a agit ? quand ? et comment ?
2ème étape : contrôle de la qualification juridique des faits
• dans quelle catégorie de règles va-t-on ranger les faits ?
• le droit réglemente-t-il la situation ?
pour a) est-ce interdit ? est-ce interdit sauf exceptions ?
pour b) est-ce autorisé sous conditions (alternative ? cumulative ?)
pour c) est-ce une liberté ? un pouvoir discrétionnaire ?
quel droit applicable :
- celui du service public pénitentiaire ? droit disciplinaire (importance de rappeler qu’il s’agit de droit administratif car usager)
- le droit pénal (si crime ou délit)
- le droit commun ?
3ème étape : la réaction est-elle proportionnée à la situation ?
- faut-il considérer l’acte, la décision comme illégale (REP) comme fautive (plein contentieux) ?
(insister sur les risques de diminution des critères de la faute et sur le report vers causalité et préjudice)
- comment doit-on réagir pour rétablir la situation initiale ?
annulation, réparation…
Le droit est à la fois une cause de la violence en détention et une réaction face à elle.
Une cause et une réaction (souvent difficile à distinguer) car :
- il définit le comportement violent et la réaction de la société à son endroit
• la violence légitime (la justification française de la citoyenneté et des PPP)
- rappel ici de la différence fondamentale de logique entre 1789 et CESDH
distinction entre « force et autorité » et « violence »
- multiplication et coexistence des statuts (individu, citoyen, justiciable, usager)
- remise en cause de l’emprise et du pouvoir de coercition de la puissance publique : obligation de justifier toute action
- situation paradoxale car souhait d’une plus grande protection de l’individu et d’une reconnaissance de sa liberté (État assurance contre la violence)
Exemple type de l’évolution du droit du suicide en détention :
* liberté individuelle ou violence contre soi-même ?
* auto-préjudice ou faute de l’administration ?
* définition de la mission de garde et de surveillance de l’administration (quelles prestations pour le SPP ?)
(de la faute lourde à la faute simple, partage des responsabilité avec l’équipe médicale, conséquence des études sur la prévention du suicide)
• la violence illégitime (en droit pénal punir le citoyen, en droit disciplinaire punir l’usager)
Notre hiérarchie des normes (partage des compétences et de la détermination des garanties fondamentales) et notre découpage disciplinaire du droit (droit public et privé, droit pénal et administratif) ont conduit à une complexification de la compréhension du contenu des normes.
- rôle du législateur (gardien des libertés individuelles et donc dépositaire du pouvoir d’y porter atteinte au nom de l’intérêt général)
- le pouvoir réglementaire et ces limites (importance croissante du contrôle du juge sur le pouvoir discrétionnaire de l’administration)
• la violence tolérée ?
Le droit est une réaction de la société face à une question sociale. Il va donc falloir en dresser la liste (de l’infra-droit au droit en creux)
• la violence en terme de santé publique (hospitalisation d’office)
L’interventionnisme sanitaire en matière de police administrative (Art. D. 398 CPP)
La violence envers les institutions, envers autrui et envers soi-même
- il décide de l’incarcération et de sa durée
A l’origine de l’incarcération il y a toujours un comportement antisocial (puni ou présumé). Ce comportement n’est pas obligatoirement violent.
- il organise l’institution et fixe les limites de ses pouvoirs
1) Le lien en droit et violences en prison
- l’origine des détenus (prévenus, malades mentaux, durcissement de l’échelle des sanctions pénales, les longues peines)
- la surpopulation en maison d’arrêt (fin prochain avec le décret annoncé par la Garde des Sceaux)
- définition juridique des comportements violents : la violence suppose une réaction institutionnelle
2) Le droit en réaction à la violence
L’intervention du législateur pour fixer un cadre conforme à la hiérarchie des normes
Code de procédure pénale : Article 726 « Si quelque détenu use de menaces, injures ou violences ou commet une infraction à la discipline, il peut être enfermé seul dans une cellule aménagée à cet effet ou même être soumis à des moyens de coercition en cas de fureur ou de violence grave [*sanctions*], sans préjudice des poursuites auxquelles il peut y avoir lieu ».
L’intervention du pouvoir réglementaire pour définir une procédure générale et impersonnelle
Code de procédure pénale :
Définir les fautes
Article D249-1 Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour un détenu :
1° D'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement ou d'une personne en mission ou en visite dans l'établissement pénitentiaire ;
Article D249-4 A moins qu'il n'en soit disposé autrement dans les articles D. 249-1 à D. 249-3, les faits énumérés par ces articles constituent des fautes disciplinaires même lorsqu'ils sont commis à l'extérieur de l'établissement pénitentiaire. En ce cas, les violences, dégradations, menaces mentionnées aux 1° et 7° de l'article D. 249-1 et 1° et 4° de l'article D. 249-2 peuvent être retenues comme fautes disciplinaires, quelle que soit la qualité de la personne visée ou du propriétaire des biens en cause.
Limiter le recours à la force en lui fixant un cadre (définir un cadre à la « violence légitime »)
Opposer la force à la violence
Article D283-5 Le personnel de l'administration pénitentiaire ne doit utiliser la force envers les détenus qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés.
Lorsqu'il y recourt, il ne peut le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire.
Article D220 Indépendamment des défenses résultant de la loi pénale, il est interdit aux agents des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire et aux personnes ayant accès aux établissements pénitentiaires :
- de se livrer à des actes de violence sur les détenus ;
- le droit disciplinaire (une réaction juridique encadrée et contraignante)
• définition des fautes disciplinaires
• échelle des sanctions disciplinaires
• la dissociation entre faute disciplinaire de l’usagers d’un service et les autres poursuites possibles (pénales ou civiles)
- l’organisation de la sécurité interne aux établissements (l’usage de la force et de la contrainte, isolement et transferts)
• les fouilles
• l’usage de la contrainte physique (analyse comparé des formule de l’art. D. 172 CPP)
• les ERIS
• les qualifications administratives (DPS et la tentation de « rotation de sécurité »)
- la recherche d’intervenants extérieurs (l’exemple de la psychiatrie durant la détention)
• intérêt de limite de la psychiatrie en détention
• entre médecin traitant et médecin expert (avis médicaux et secret médical)
• l’hospitalisation d’office (art. D. 398 CPP)
• la création des UHSA
3) Le droit comme moyen de prévention de la violence- accessibilité et intelligibilité de la règle de droit
- la rédaction d’un règlement intérieur (un point essentiel qui suppose de s’interroger sur le rôle et le contenu de ce document). Le document doit être clair, prévisible.
- Idée d’un règlement par catégorie d’établissement (éviter le sentiment d’arbitraire suite aux transferts (cf. la cantine) mais aussi un document présentant de manière claire et pédagogique les règles spécifiques à l’établissement (horaires mais aussi interdictions particulières compte tenu des circonstances locales voire du projet d’établissement)
- le droit peut-il tout prévoir ?