lundi 1 février 2016

Pésentation synthétique de la loi santé proposée par le CRPA

L'analyse de "la loi santé" proposée par André Bitton  sur le: CRPA : Cercle de Réflexion et de Propositions d’Actions sur la psychiatrie
Adresse abrégée : http://crpa.asso.fr

2016-01-26 (tjn-leg) Note sur le volet psychiatrie de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé

Publié le : 28 janvier 2016
Paris, le 28 janvier 2016.
La loi n°2016-41 de modernisation du système de santé a été publiée au Journal officiel d’hier, après une censure partielle du Conseil constitutionnel prise le 21 janvier passé et portant essentiellement sur l’application du tiers payant généralisé par les mutuelles.
PDF - 103 ko
2016-01-26 Articles de la loi Santé du 26 janvier 2016, concernant la psychiatrie.
Ci-joint, au format PDF, une sélection des articles de cette loi qui concernent directement ou moins directement la psychiatrie et la santé mentale.
Ces articles sont les suivants :

1. Organisation des associations d’usagers agréées au plan national

L’article 1 de cette loi vise l’organisation potentielle d’une Union nationale des associations d’usagers agréées au plan national pour la représentation des usagers du système de santé, chargée de l’interface entre les associations d’usagers, le public, et les pouvoirs publics. Cette union pourra agir en justice pour défendre les intérêts des usagers. Il s’agit ici de la traduction dans les textes d’une volonté continue des pouvoirs publics ainsi que des coalitions d’associations d’usagers qui détiennent actuellement le pouvoir de représentation des usagers notamment à travers le CISS (Collectif inter-associations en santé), de former un interlocuteur unique en matière de concertation entre les pouvoirs publics, les patients, leurs familles ou les aidants. La question se pose de savoir si une telle structuration, appliquée au champ psychiatrique, laissera une place officielle quelconque à une contestation plus radicale de l’enfermement et de la contrainte aux soins.

2. Les articles 69 à 73 de cette loi sur l’organisation de l’offre de soins et divers aspects des soins sans consentement

Sur l’organisation de l’offre de soins psychiatriques tout d’abord, on observe que si la sectorisation psychiatrique est légalement rétablie, elle recouvre les prestations de proximité de premier niveau. Ce premier niveau s’articule avec un second niveau intitulé « projet territorial de santé mentale ». Cette structuration de second niveau est régionale et est organisée par les Agences régionales de santé. Elle met en jeu l’ensemble des acteurs et des structures de la région ou du territoire concernés par le suivi de la population en soins ainsi que par l’organisation de ce suivi. Les Conseils locaux de santé mentale, qui sont municipaux, sont légalisés. Les autres acteurs étant les structures sociales, médico-sociales, et administratives du territoire.
Cet éclatement de l’ancienne sectorisation psychiatrique au plan régional avec l’intervention d’une pluralité d’acteurs étrangers à la prise en charge elle-même, pose la question de la disparition du secret médical en matière psychiatrique, ou tout au moins la question du secret partagé sur ce domaine. Ce secret partagé est à comprendre ici, s’agissant du dossier d’une personne dont le suivi psychiatrique et social va être durable et complexe, comme mettant en jeu plusieurs dizaines de professionnels, voire plusieurs centaines … Or précisément, rien ne vient dans cette loi Santé légaliser une telle violation du secret médical sur ce terrain spécifique de la psychiatrie.

3. A dater du 27 janvier 2016, l’Infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris n’a plus d’existence légale

jusqu’à ce qu’intervienne une éventuelle autorisation prise par le directeur général de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France, pour ce service de la Préfecture de police de Paris, d’exercice des soins psychiatriques sans consentement, au sens du chapitre III de la loi du 5 juillet 2011 modifiée, c’est-à-dire des mesures de soins sur décision du représentant de l’État…
Ce point, extrêmement important pour les avocats qui interviennent dans le contrôle judiciaire obligatoire ou facultatif des mesures de soins sans consentement prises à partir d’un transfert dans cette Infirmerie, ressort de la combinaison des articles L 3222-1 I et II de l’article 69 de cette loi ainsi que de son article 73.
L’article 3222-1 I dont il est ici question dit : « Le directeur général de l’agence régionale de santé désigne, après avis du représentant de l’État dans le département concerné, un ou plusieurs établissements autorisés en psychiatrie chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement, en application des chapitres II à IV du titre premier du présent livre ou de l’article 706-135 du code de procédure pénale. » . Il s’agit ici des chapitres couvrant les mesures d’hospitalisation et de soins sans consentement à la demande d’un tiers, en cas de péril imminent, sur décision du représentant de l’État, sur décision judiciaire, ou concernant les détenus carcéraux.
Quant à l’article 73 de la loi Santé, il énonce ce qui suit : « Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur l’évolution de l’organisation de l’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris pour sa mise en conformité avec le régime de protection des personnes présentant des troubles psychiques et relevant de soins psychiatriques sans consentement. »
Cela revient à dire qu’actuellement, et tant que l’agence régionale de santé d’Île-de-France n’a pas rendu publique une autorisation d’exercer des soins psychiatriques sans consentement à l’infirmerie psychiatrique, celle-ci fonctionne de façon non conforme au droit actuellement en vigueur. Cet état de fait entraîne que l’ensemble des actes privatifs de liberté, ou portant grief, pouvant être pris à partir du transfert d’une personne en soins sans consentement dans cette Infirmerie peuvent être considérés comme irréguliers. Une telle illégalité peut servir à conclure et plaider en faveur de la mainlevée des mesures de soins sans consentement en jeu, essentiellement des mesures de soins sur décision du représentant de l’État, ou dans le cas des contentieux a posteriori, en faveur d’une réparation indemnitaire.

4. Le contrôle étatique des mesures de SDT et de SPI incombe aux Commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP)

C’est ce qui ressort des modifications introduites par la loi Santé des articles L 3212-5, L 3212-7 et L 3212-8 du code de la santé publique, sur l’obligation pour les établissements pratiquant des mesures de soins sur demande d’un tiers et de soins en cas de péril imminent, de répercuter aux autorités de contrôle étatiques la décision d’admission ainsi que les certificats et avis médicaux de ces mêmes mesures. Désormais ces documents sont transmis aux Commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP), sauf la décision d’admission qui est également transmise au Préfet. Cela entraîne que, dans le contentieux indemnitaire, il sera opportun que le requérant se fasse communiquer les pièces détenues par la commission départementale des soins psychiatriques couvrant géographiquement l’établissement psychiatrique où il a été interné, pour pouvoir mettre en cause l’Agent judiciaire de l’État représentant les services étatiques. En effet, les CDSP ont, s’agissant des mesures de soins sans consentement, des prérogatives étendues qui sont codifiées dans le chapitre III des modalités de soins psychiatriques aux articles L 3223-1 à L 3223-3 du code de la santé publique. Précisons que les CDSP sont des autorités administratives indépendantes dont les membres sont désignés par le Préfet du département, à Paris par le Préfet de police. Elles n’ont pas l’autonomie juridique et dépendent juridiquement des services étatiques qui désignent leurs membres.
Précisons également que cette réforme précise a été introduite sur la base d’un jugement indemnitaire du Tribunal de grande instance de Paris, du 21 mai 2014, dont nous nous sommes faits l’écho sur notre site internet (lien pointant sur ce jugement).

5. Sur l’isolement et la contention

Un article 72 de la loi santé encadre désormais les pratiques de mise à l’isolement et sous contention. Les établissements, en cas de contentieux, devront prouver que de telles pratiques auront été mises en œuvre en dernier recours et non comme une solution de facilité. Une traçabilité est introduite, avec la création d’un registre administratif où les actes de telles pratiques seront inscrits. La question de l’accès à un tel registre lors d’un contrôle judiciaire d’une mesure de soins sans consentement est d’ailleurs une question qui se pose. Ce registre étant administratif peut être communiqué au patient ainsi qu’à son avocat sur demande. Il est aussi possible de demander au juge des libertés et de la détention, au titre d’une mesure d’instruction, d’ordonner à l’hôpital la production de ce registre pour s’assurer de la légalité d’une mesure d’isolement avec (ou sans) contention concernant une personne dont la mesure d’hospitalisation sans consentement est contrôlée.
Nous précisons qu’en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, l’encadrement ici prévu des pratiques de mise à l’isolement et sous contention ne satisfait pas aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et à la jurisprudence de la Cour, puisque aucune voie de recours n’est ouverte, immédiatement, aux personnes faisant l’objet de telles mesures.

6. Sur l’action de groupe sur les produits de santé

Enfin l’action de groupe sur les produits de santé est légalisée et entre en vigueur au 1er juillet 2016, mais ces actions judiciaires seront d’un accès malaisé. D’une part elles ne pourront être déclenchées que par des associations d’usagers agréées pour la représentation des usagers du système de santé. D’autre part l’établissement des préjudices n’a rien d’évident.
A.B.