mercredi 30 septembre 2020

Une nouvelle loi pour l'isolement et la contention ?

Une nouvelle loi pour l'isolement et la contention ?

Suite à une décision du Conseil constitutionnel, le législateur a jusqu’au 31 décembre pour repréciser le cadre juridique des mesures d’isolement et de contention, et en particulier fixer une durée maximale.

lien vers l'article:  https://www.santementale.fr/en-ligne/le-droit-en-pratique/une-nouvelle-loi-pour-l-isolement-et-la-contention.html

 

La surpopulation carcérale et la guerre des offices : le juge judiciaire comme nouveau gardien des conditions d’exécution de la détention provisoire

RDLF 2020 chron. n°63
 
 
 
 https://www.blogger.com/u/2/blog/post/edit/5369884764143052268/7537731893496030766 

 

samedi 20 juin 2020

Recommandations en urgence relatives à l’établissement public de santé Roger Prévot à Moisselles (Val-d’Oise)

Au Journal Officiel du 19 juin 2020 et en application de la procédure d’urgence, la Contrôleure générale a publié des recommandations relatives à l’établissement public de santé  Roger Prévot à Moisselles (Val-d’Oise).
L’article 9 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre.
Lire les recommandations du CGLPL dans leur intégralité
Le ministre des solidarités et de la santé a été destinataire de ces recommandations, un délai de deux semaines lui a été donné pour répondre. Le CGLPL n’a pas reçu de réponse à la date de publication des présentes recommandations. La direction générale de l’offre de soins (DGOS) a néanmoins informé le CGLPL de la publication le 5 juin 2020 d’une fiche relative à la liberté d’aller et venir des patients dans les services de psychiatrie en période de déconfinement. Cette fiche, destinée aux établissements de santé, présente des éléments de repères destinés à favoriser le respect de la liberté d’aller et venir en psychiatrie, durant la période de déconfinement et malgré la poursuite de la circulation du COVID-19, dans les cas suivants : admissions, visites, sorties et permissions.
La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, informée de pratiques portant gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées, a visité l’établissement public de santé Roger Prévot de Moisselles (Val-d’Oise) le lundi 18 mai 2020, accompagnée de trois collaborateurs.
Cette visite a donné lieu au constat d’atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées dans cet établissement, résultant d’une confusion entre le régime de l’isolement psychiatrique institué par le code de la santé publique et le confinement sanitaire décidé par les pouvoirs publics afin de lutter contre la propagation du Covid-19.
Bien que des mesures aient été prises localement à la suite de cette visite pour corriger les pratiques relevées, la gravité des violations constatées et le risque que cette ambiguïté provoque des atteintes de même nature aux droits de patients accueillis dans d’autres établissements de santé mentale justifient que des recommandations de principe soient formulées. L’ensemble de ces raisons ont conduit la Contrôleure générale à mettre en œuvre une procédure d’urgence.

L'isolement et la contention devant le Conseil constitutionnel

Décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020

M. Éric G. [Contrôle des mesures d'isolement ou de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement]
 
 
 
  Sur le fond :
3. Aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l'autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l'exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis.
4. Dans le cadre d'une prise en charge dans un établissement assurant des soins psychiatriques sans consentement, l'isolement consiste à placer la personne hospitalisée dans une chambre fermée et la contention à l'immobiliser. Ces mesures ne sont pas nécessairement mises en œuvre lors d'une hospitalisation sans consentement et n'en sont donc pas la conséquence directe. Elles peuvent être décidées sans le consentement de la personne. Par suite, l'isolement et la contention constituent une privation de liberté.
5. En application du premier alinéa de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, le placement à l'isolement ou sous contention d'une personne prise en charge en soins psychiatriques sans consentement ne peut être décidé que par un psychiatre pour une durée limitée lorsque de telles mesures constituent l'unique moyen de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour elle-même ou autrui. Leur mise en œuvre doit alors faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement d'accueil à des professionnels de santé désignés à cette fin. Il résulte, en outre, des deux autres alinéas de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique que tout établissement de santé chargé d'assurer des soins psychiatriques sans consentement doit, d'une part, veiller à la traçabilité des mesures d'isolement et de contention en tenant un registre mentionnant, pour chaque mesure, le nom du psychiatre qui a pris la décision, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée. Ce registre doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires. D'autre part, l'établissement de santé doit établir un rapport annuel rendant compte des pratiques d'admission en chambre d'isolement et de contention, de la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et de l'évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers et au conseil de surveillance de l'établissement.
6. En adoptant ces dispositions, le législateur a fixé des conditions de fond et des garanties de procédure propres à assurer que le placement à l'isolement ou sous contention, dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, n'intervienne que dans les cas où ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à l'état de la personne qui en fait l'objet.
7. Si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté. Dès lors, en ce qu'elles permettent le placement à l'isolement ou sous contention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 66 de la Constitution.
8. En revanche, la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Or, si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n'a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au-delà d'une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire. Il s'ensuit qu'aucune disposition législative ne soumet le maintien à l'isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l'article 66 de la Constitution.
9. Par conséquent et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, le premier alinéa de l'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique doit être déclaré contraire à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, des deux autres alinéas de cet article.
- Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :
10. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Ces mêmes dispositions réservent également au Conseil constitutionnel le pouvoir de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ou d'en déterminer les conditions ou limites particulières.
11. En l'espèce, l'abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, en ce qu'elle ferait obstacle à toute possibilité de placement à l'isolement ou sous contention des personnes admises en soins psychiatriques sous contrainte, entraînerait des conséquences manifestement excessives. Par suite, il y a lieu de reporter au 31 décembre 2020 la date de l'abrogation des dispositions contestées.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1er. - L'article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, est contraire à la Constitution.
Article 2. - La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 11 de cette décision.

jeudi 4 juin 2020

« Recommandations minimales pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté ».

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a publié ce jour des « Recommandations minimales pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté ».

Résumé réalisé par  Valériane DUJARDIN - LASCAUX
Juriste, EPSM Lille Métropole
Chargée de mission Centre Collaborateur de l'OMS pour la
Recherche et la Formation en santé mentale (Lille, France)

Comme l'indique l'exposé de présentation du document, ces recommandations reprennent et organisent en un document unique l’essentiel de la doctrine élaborée par le CGLPL depuis sa création en 2008, dans un corpus de 257 recommandations s’appliquant à l’ensemble des lieux de privation de liberté. Elles constituent le socle minimal des mesures à prendre pour respecter la dignité et les droits fondamentaux des personnes privées de liberté.


Il est à relever, parmi les 257 recommandations concernant les lieux de privation de liberté, neuf commentaires spécifiques aux établissements de santé mentale se déclinant comme suit (présentation des neuf commentaires en reprenant la trame du document)  : 


1 - INTÉGRER LE RESPECT DE LA DIGNITÉ ET DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L’AMÉNAGEMENT ET L’ORGANISATION DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Principes généraux
1-1- Une structure adaptée

- Recommandation 3 : La structure ne peut se limiter à une fonction de surveillance. Elle doit permettre le bon exercice des autres fonctions dévolues au personnel et aux intervenants : informer, soigner, éduquer, réinsérer.
Commentaire : Les établissements de santé mentale ont pour mission celle de soigner et non de surveiller.

2 - ACCUEILLIR, INFORMER ET ORIENTER LES PERSONNES ENTRANT DANS UN LIEU DE PRIVATION DE LIBERTÉ

Principes généraux

Recommandation 25 : Nul ne peut être privé de liberté sans une décision de l’autorité publique compétente, soumise au contrôle d’un juge. Le personnel en charge de l’accueil doit s’assurer de l’existence de cette décision et de l'identité de la personne qui lui est présentée dès son arrivée.
Commentaire : Dans les établissements de santé mentale, aucun patient admis sous le régime des soins libres ne peut être privé de sa liberté d’aller et venir, ni empêché de quitter le service.

4 - SATISFAIRE LES BESOINS RÉGLEMENTAIRES DES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ ET RESPECTER LEUR DIGNITÉ DANS LES ACTES DE LA VIE QUOTIDIENNE
4-1- Les besoins élémentaires

- Recommandation 74 : Les personnes privées de liberté ont le droit de porter leurs vêtements personnels. Leurs proches doivent être autorisés à leur en apporter et l’administration doit fournir gratuitement des vêtements aux personnes qui en ont besoin. Une tenue de ville doit être mise à leur disposition pour des occasions particulières, notamment en cas de présentation à l’autorité judiciaire. En  dehors des vêtements de travail, l’imposition d’une tenue uniforme ou d’une vêture inappropriée doit être proscrite.
Commentaire : (Pour les ESM ) L'imposition systématique du port du pyjama doit être prohibée.

7 - FAVORISER LE MAINTIEN DES LIENS FAMILIAUX DES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ ET LEURS RELATIONS AVEC L’EXTÉRIEUR
7-3- L'accès à la correspondance écrite et au téléphone

- Recommandation 158 : Lorsque leur téléphone ou terminal personnel leur est retiré, es personnes privées de liberté doivent pouvoir accéder aux données personnelles enregistrées ou conservées à l’intérieur.
Commentaire : (Pour les ESM ) Les téléphones et terminaux informatiques personnels des personnes hospitalisées sous le régime des soins psychiatriques sans consentement ne peuvent leur être retirés que sur la décision d’un médecin. Cette décision doit être individualisée et fondée sur l’état clinique du patient. Elle doit toujours être susceptible de contestation ou de recours.

8 - GARANTIR L’EXERCICE EFFECTIF DES DROITS DE LA DÉFENSE ET DES DROITS CIVILS, CIVIQUES ET SOCIAUX DES PERSONNES PRIVÉES DE LIBERTÉ
8-1- L'accès au droit

- Recommandation 171 : L’enfermement des personnes privées de liberté ne doit pas faire obstacle à leur droit de saisir un juge et de lui présenter, en personne, leurs arguments et moyens de défense. Le droit au juge doit s’exercer en sa présence, de manière directe et personnelle, ans écran
ni dispositif de séparation. L’usage d’un dispositif de visioconférence doit être réservé aux audiences de pure forme ou aux cas dans lesquels il constitue l’unique moyen de respecter le délai raisonnable dans lequel doit s'accomplir la procédure.  Soumis à l’accord exprès de la personne concernée, il ne doit avoir pour effet ni d’altérer le caractère public ou confidentiel des audiences, ni d’affecter la confidentialité des relations entre l’avocat et son client.
Commentaire : (Pour les ESM)  Les audiences relatives aux mesures d’hospitalisation psychiatrique sans consentement doivent se dérouler dans un lieu dédié au sein des établissements de santé mentale. Le recours à un dispositif de visioconférence doit être prohibé.

8-2-  Le droit à la vie privée

- Recommandation 180 : Les personnes privées de liberté disposent de leur droit à l’image dans les conditions du droit commun. Toute prise de vue photographique ou tout enregistrement audiovisuel d’un mineur privé de liberté doit avoir préalablement été autorisée par les titulaires de l'autorité parentale.
Commentaire : (Pour les ESM) Une attention particulière doit être portée au caractère éclairé du consentement du patient concerné dans les conditions de mise en œuvre du droit commun. En cas de doute sur sa capacité à consentir, il doit être fait appel à la personne de confiance.

8-5- La protection des données

- Recommandation 191 :  Les personnes privées de liberté ont droit à la protection de leurs données personnelles, dans le respect des principes posés par le règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. A ce titre, elles doivent être informées des collectes de données dont elles font l'objet, de leur destination, et de leur durée de conservation. Elles doivent également être informées de l’existence et des modalités de leur droit d’accès.
Commentaire : (Pour les ESM) Les patients placés en soins sans consentement ou susceptibles de l’être par décision du directeur d’établissement doivent être informés de l’inscription de la mesure au fichier de traitement de données à caractère personnel relatif au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement, et des conséquences que cette inscription peut avoir.

9 - LIMITER LES CONTRÔLES ET LES CONTRAINTES ADDITIONNELLES A LA PRIVATION DE LIBERTÉ
Principes généraux

- Recommandation 215 : Seuls des membres du personnel spécialement formés et entraînés à cet effet doivent être autorisés à faire usage de la force ou à mettre en œuvre des moyens de contrôle, de contrainte ou de mise à l’écart. Des notes ou guides de pratiques professionnelles adaptées doivent en définir les modalités.
Commentaire : (Pour les ESM) : Seul le personnel soignant d'un établissement de santé mentale peut intervenir dans la maîtrise physique des patients.

9-1- Les fouilles et autres moyens de contrôle

- Recommandation 219 : Aucune fouille à nu ne peut être réalisé dans un fondement légal explicite qui doit être interprété de manière restrictive.
Commentaire : (Pour les ESM) : Les fouilles à nu sont interdites au sein des établissements de santé mentale.

vendredi 29 mai 2020

« La prison au travers de l’espace architectural »

Publication en ligne du dernier numéro de Champ pénal/Penal field  dont vous trouverez le sommaire ci-dessous.
Le numéro est disponible à l’adresse suivante : https://journals.openedition.org/champpenal/11599

20 | 2020 « La prison au travers de l’espace architectural »
Sous la direction de Olivier Milhaud et David Scheer


Introduction
Olivier Milhaud et David Scheer
Plaidoyer pour une lecture critique de l’architecture carcérale
Entretien
Lucie Bony, Olivier Milhaud et David Scheer
Retours sur le Livre blanc sur l’immobilier pénitentiaire : repenser l’architecture pénitentiaire ? Entretien avec Lucie Bony, conduit par Olivier Milhaud et David Scheer
Articles
Elsa Besson
Valérie Icard
« Ce n’est pas une prison, ici ! » Normalisation de l’espace carcéral et maintien de l’ordre au sein des nouvelles prisons en Espagne
Manon Veaudor
Jennifer Yeghicheyan
Anaïs Tschanz
Rita Carlos


Vous en souhaitant bonne lecture !

mercredi 27 mai 2020

Fugue d’un  patient  et  responsabilité infirmière

Une décision récente de la Cour administrative d’appel (CAA) vient préciser la responsabilité infirmière dans la surveillance d’un groupe de patients au cours d’une sortie thérapeutique.

 https://www.santementale.fr/en-ligne/le-droit-en-pratique/fugue-d-un-patient-et-responsabilite.html

Hopsyweb, circulez, il n’y a rien à voir!

Le Conseil d’État valide la légalité du croisement de données entre le fichier Hopsyweb des personnes suivies en soins psychiatriques sous contrainte et celui de la prévention de la radicalisation terroriste.
 https://www.santementale.fr/en-ligne/le-droit-en-pratique/hopsyweb-circulez-il-n-y-a-rien-a-voir.html

mercredi 8 avril 2020

Peut-on contraindre un patient non respectueux des règles de confinement ?

https://www.santementale.fr/exclusivites/mon-cmp-a-l-heure-du-convid-19/peut-on-contraindre-un-patient-non-respectueux-des-regles-de-confinement.html

Peut-on contraindre un patient non respectueux des règles de confinement ? (Texte de synthèse rédigée par Stéphanie Renard, Maître de conférences à l'Université Bretagne Sud)

La prolongation des mesures de confinement oblige les établissements de santé mentale à trouver de nouvelles formes d’organisation soucieuse de la sécurité sanitaire du personnel et des patients et respectueuse des droits de ces derniers. Malgré ce travail, la pénurie de matériel de protection et les difficultés à faire respecter les consignes au sein de l’établissement, ou en dehors, soulèvent des questions quant à la légitimité du recours à la coercition pour les patients en soins libres.
Deux questions se posent en particulier : celle du non-respect des règles de confinement et du recours à des mesures d’enfermement ou de contention et celle de la sortie d’un patient infecté. Dans les deux cas, la direction de l’établissement pourrait être tentée d’utiliser la contrainte. Ses possibilités sont pourtant extrêmement limitées en droit.

mercredi 25 mars 2020

Arrêt n° 176 du 4 mars 2020 (19-14.269)

Arrêt n° 176 du 4 mars 2020 (19-14.269) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100176

Irrecevabilité partielle et cassation sans renvoi

Demandeur(s) : Mme P... B...
Défendeur(s) : procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fontainebleau ; et autres

Faits et procédure
1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Paris, 25 janvier 2019), et les pièces de la procédure, Mme B... a été admise en soins psychiatriques sans consentement, à la demande de sa fille, par décision du 18 mai 2018 du directeur de l’établissement, prise sur le fondement de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique. Elle en a fugué le 20 juillet 2018.
2. Par requête du 2 janvier 2019, le directeur de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention, sur le fondement de l’article L. 3211-12-1 du même code, aux fins de poursuite de la mesure.
Recevabilité du pourvoi, en ce qu’il est dirigé contre Mme R..., examinée d’office
3. Conformément aux dispositions de l’article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.
4. Le pourvoi formé contre Mme R..., avisée de l’audience conformément aux articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique, mais qui n’était pas partie à l’instance, n’est pas recevable.
Examen du moyen
Sur le moyen relevé d’office
5. Après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l’article 620, alinéa 2, du code de procédure civile.
Vu les articles L. 3211-12-4 et L. 3216-1 du code de la santé publique, ensemble les articles 72 et 74 du code de procédure civile :
6. Aux termes du premier de ces textes, en cas d’appel d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention prise en application de l’alinéa 1er de l’article L. 3211-12-1, un avis rendu par un psychiatre de l’établissement d’accueil de la personne admise en soins psychiatriques sans consentement se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète est adressé au greffe de la cour d’appel au plus tard quarante-huit heures avant l’audience.
7. Il résulte du deuxième que, lorsque le juge des libertés et de la détention contrôle la régularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, le moyen tenant à l’absence de transmission au greffe de la cour d’appel de cet avis médical ne constitue pas une exception de procédure, au sens du quatrième, mais une défense au fond, au sens du troisième.
8. Pour déclarer irrecevable le moyen tiré du non-respect des dispositions de l’article L. 3211-12-4 du code de la santé publique, l’ordonnance retient qu’il n’a pas été soulevé avant toute défense au fond.
9. En statuant ainsi, alors que la contestation constituait une défense au fond pouvant être invoquée en tout état de cause, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :
DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Mme R... ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 25 janvier 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d’appel de Paris ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire

Avocat général : Mme Marilly
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

Arrêt n°270 du 05 mars 2020 (19-23.287) - Cour de cassation

Arrêt n°270 du 05 mars 2020 (19-23.287) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100270

Demandeur(s) : Mme R...  M... et autres ;
Défendeur(s) : au centre hospitalier Marcel Rivière et autres ;

Faits et procédure

1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Versailles, 26 juillet 2019), et les pièces de la procédure, le 3 juillet 2019, Mme M...  a été admise en hospitalisation psychiatrique sans consentement en urgence, à la demande de sa curatrice, par décision du directeur d’établissement prise sur le fondement de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique.

2. Le 8 juillet 2019, en application de l’article L. 3211-12-1 du même code, le directeur a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.

Examen du moyen

Énoncé du moyen

3. Mme M...  fait grief à l’ordonnance de prolonger la mesure de soins sans consentement, alors :

«  1°/ que le directeur de l’établissement peut, à titre exceptionnel, en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, les conditions étant cumulatives, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant d’un médecin, qui peut être un médecin exerçant dans l’établissement ; qu’en l’espèce, la requérante a été admise en soins psychiatriques, suivant la procédure d’urgence prévue par l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, sans que soit caractérisée la situation d’urgence évoquée ; qu’ainsi, le premier président de la cour d’appel a violé l’article L. 3212-3 du code de la santé publique et l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le directeur de l’établissement peut, à titre exceptionnel, en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, les conditions étant cumulatives, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant d’un médecin, qui peut être un médecin exerçant dans l’établissement ; qu’en l’espèce, la requérante a été admise en soins psychiatriques, sur la foi d’un seul certificat médical qui n’explique pas en quoi les constatations de son auteur qui n’évoquent aucun risque de passage à l’acte auto agressif ou même de danger quelconque pour la personne du malade, seraient de nature à engendrer un risque grave d’atteinte à son intégrité, que la décision d’hospitalisation du directeur de l’établissement hospitalier ne fait pas davantage état d’un tel risque ; qu’ainsi, le premier président de la cour d’appel a violé l’article L. 3212-3 du code de la santé publique et l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu’en toute hypothèse, l’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de trouble mental doit être rendue nécessaire par l’intensité du trouble dont elle souffre, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante ; qu’en se bornant à relever que la requérante présentait un envahissement délirant et hallucinatoire et tenait des propos incohérents, le médecin soulignant le déni de celle-ci à l’égard de ces troubles, dans un contexte de rupture de soins et de suivi, et que "cet envahissement délirant et hallucinatoire avec les troubles de comportement qui en résultent et la méconnaissance de leur caractère pathologique, l’expose à une dangerosité pour elle et pour les autres autour d’elle", sans préciser toutefois la nature du danger qu’elle présenterait, et l’urgence de la situation, et ainsi la nécessité de son hospitalisation complète plutôt qu’une surveillance médicale régulière, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique et l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que conformément à l’article L. 3212-5 du code de la santé publique, le directeur de l’établissement d’accueil doit transmettre sans délai au représentant de l’État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, ainsi qu’à la Commission départementale des soins psychiatriques, toute décision d’admission d’une personne en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent, qu’il doit également transmettre, sans délai, à cette commission une copie du certificat médical d’admission, du bulletin d’entrée et de chacun des certificats médicaux élaborés lors de la période d’observation du patient ; que le dossier transmis au juge ne comporte pas la preuve de l’exécution de ces obligations ; qu’en se prononçant sans avoir lui-même vérifié l’exécution de ces obligations constitutives d’une garantie essentielle de la personne faisant l’objet d’une admission suivant la procédure d’urgence prévue par l’article L. 3212-3 du code de la santé publique le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3212-3 et L. 3212-5 du code de la santé publique et 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »


Réponse de la Cour

4. D’une part, si l’article L. 3216-1 du code de la santé publique donne compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître des contestations relatives à la régularité des décisions administratives prises en matière de soins psychiatriques sans consentement, celui-ci n’est jamais tenu de relever d’office le moyen pris de l’irrégularité de la procédure au regard des dispositions de ce code.

5. Mme M...  n’ayant pas soutenu, dans ses conclusions d’appel, que le directeur de l’établissement aurait manqué à l’obligation de transmission, au préfet et à la commission départementale des soins psychiatriques, des pièces visées à l’article L. 3212-5 du code de la santé publique, le premier président n’avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

6. D’autre part, le premier président ayant constaté que le certificat médical initial décrivait un envahissement délirant et hallucinatoire de Mme M...  accompagné de troubles du comportement et d’une méconnaissance de leur caractère pathologique qui exposaient la patiente à une dangerosité pour elle et pour les autres, il a pu en déduire qu’étaient caractérisés l’urgence, le risque grave d’atteinte à l’intégrité de la personne et la nécessité d’une surveillance médicale constante.

7. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Duval-Arnould

Avocat général : M. Lavigne
Avocats : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Arrêt n°271 du 04mars 2020 (19-24.080) - Cour de cassation

Arrêt n°271 du 04mars 2020 (19-24.080) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2020:C100271

Rejet

Demandeur(s) : M. D...  R...
Défendeur(s) : préfet du Val-d’Oise et autres ;

Faits et procédure

1.Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Versailles, 29 août 2019), et les pièces de la procédure, le 6 août 2019, M. R...  a été admis en urgence au centre hospitalier d’Argenteuil en exécution d’une mesure provisoire décidée par le maire de la commune d’Herblay, sur le fondement de l’article L. 3213-2 du code de la santé publique. Le 7 août, le préfet a pris une décision de soins sans consentement sur le fondement de l’article L. 3213-1 du même code et, le 9 août, un arrêté fixant la prise en charge de l’intéressé sous la forme d’une hospitalisation complète.

2. Le 8 août, en application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, il a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

4. M. R...  fait grief à l’ordonnance de décider le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète, alors :

«  1°/ que le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public, les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’admission en soins nécessaire, ils désignent l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade ; qu’en l’espèce, les arrêtés préfectoraux du 7 et du 9 août 2019 n’indiquent en rien dans quelles circonstances le requérant a été conduit à être examiné par le Docteur Q...  le 6 août 2019 ; qu’ainsi le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-1, L. 3211-12-1 et L. 3213-1 du code de la santé publique, ensemble l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que le maintien en hospitalisation sans consentement doit être justifié par le constat concret, par le juge, au jour de sa décision, que les troubles mentaux de la personne qui en fait l’objet compromettent la sûreté des personnes ou portent gravement atteinte à l’ordre public ; que ni le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance, ni le premier président de la cour d’appel n’ont caractérisé concrètement et précisément en quoi les troubles mentaux dont serait atteint le requérant compromettaient la sûreté des personnes ou porteraient gravement atteinte à l’ordre public ; qu’en ne caractérisant pas concrètement et précisément, par motifs propres ou adoptés, en quoi les conditions de fond d’une poursuite de l’hospitalisation complète étaient remplies, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3211-1, L. 3211-12-1 et L. 3213-1 du code de la santé publique, ensemble l’article 5, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. D’une part, si l’article L. 3216-1 du code de la santé publique donne compétence au juge des libertés et de la détention pour connaître des contestations relatives à la régularité des décisions administratives prises en matière de soins psychiatriques sans consentement, celui-ci n’est jamais tenu de relever d’office le moyen pris de l’irrégularité de la procédure au regard des dispositions de ce code.

6. M. R...  n’ayant pas soutenu, dans ses conclusions d’appel, que l’arrêté du préfet serait irrégulier en ce qu’il ne mentionne pas les circonstances de l’examen psychiatrique réalisé avant son admission, le premier président n’avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée.

7. D’autre part, il résulte de la combinaison des articles L. 3213-1, L. 3211-2-1, et L. 3211-11 du code de la santé publique qu’une personne ne peut être admise ou maintenue en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat dans le département, sous la forme d’une hospitalisation complète ou sous une autre forme, qu’à la condition qu’il soit constaté qu’elle souffre de troubles mentaux compromettant la sécurité des personnes ou portant gravement atteinte à l’ordre public.

8. L’ordonnance retient que l’arrêté du maire établit un danger imminent en se référant expressément au certificat médical du 6 août 2019 constatant l’agressivité de M. R...  envers l’équipe médicale, les sapeurs pompiers et la police et le fait qu’il aurait été vu dans la rue avec un sabre, peu important l’emploi du conditionnel pour décrire ce comportement et que l’arrêté du préfet du 7 août satisfait également aux exigences de motivation en rappelant ces mêmes faits d’agressivité. Elle ajoute que l’arrêté du 9 août met encore en évidence le trouble résultant du comportement de l’intéressé qui tient des propos délirants et valorise son chef suprême Hitler et que le certificat produit à l’audience du 29 août constate à nouveau des propos délirants de thème persécutif, une banalisation et une rationalisation de son comportement.

9. En l’état de ces énonciations, le premier président a caractérisé la nécessité, du fait de troubles du comportement compromettant, en raison de l’agressivité constatée, la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l’ordre public, de faire suivre à M. R...  un traitement sous la forme d’une hospitalisation complète et, par conséquent, légalement justifié sa décision au regard des conditions fixées à l’article L. 3213-1 du code de la santé publique.

10. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Gargoullaud

Avocat général : Mme Caron-Deglise
Avocats : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

jeudi 30 janvier 2020

CEDH 30 janvier 2020 condamnation de la France

https://oip.org/communique/surpopulation-carcerale-la-cedh-condamne-la-france-a-y-mettre-un-terme/?fbclid=IwAR2ZGUpBrStRbJ26xPZ16kjgzXjz2cI9-Q3yian9dY7CLDXmVufS1scgAlY

Communiqué de l'OIP
Dans un arrêt historique rendu le 30 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour conditions de détention inhumaines et dégradantes, mais elle l’invite aussi à prendre des mesures générales pour mettre fin à la surpopulation qui gangrène les prisons françaises. En outre, constatant l’ineffectivité des voies de recours offertes aux personnes détenues, la Cour recommande de mettre en place un mécanisme leur permettant « de redresser la situation dont ils sont victimes ». Cette décision intervient à l’issue de cinq années d’une campagne contentieuse orchestrée par l’OIP.
Par son arrêt rendu le 30 janvier[1], la CEDH, saisie de 32 requêtes individuelles, condamne la France pour traitements inhumains et dégradants (violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme) en raison des conditions de détention imposées au requérants et pour le non-respect du droit à un recours effectif (violation de l’article 13). Surtout, la Cour constate que « les taux d’occupation des prisons concernées révèlent l’existence d’un problème structurel » et recommande à la France « l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention », ainsi que de mettre en place « un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, en combinaison avec le recours indemnitaire, de redresser la situation dont ils sont victimes ». Il s’agit là d’un arrêt historique qui, selon la juge européenne O’Leary « jouera un rôle important de catalyseur des changements qui doivent être opérés par l’État. »

Des conditions de détention indignes

Six établissements pénitentiaires sont concernés par cette décision : ceux de Fresnes, Nîmes, Nice, Ducos (Martinique), Baie-Mahault (Guadeloupe) et Faa’a Nuutania (Polynésie). Contraints d’y cohabiter à deux, trois ou quatre dans des cellules prévues pour une ou deux personnes, les requérants dénonçaient notamment la promiscuité, à laquelle s’ajoute le manque d’intimité jusqu’aux toilettes, pas toujours cloisonnés : à Nice, une femme explique ainsi que « pour couvrir les bruits, [elle] ouvre le robinet du bidet à fond et tire la chasse en même temps, ce qui permet aussi d’éviter les odeurs au maximum ». À Ducos, « ceux qui dorment à terre cohabitent avec des cafards, des souris, des scolopendres, avec les risques de piqûres mortelles que cela peut entraîner ». Idem à Fresnes, où les plaignants évoquent les cris des rats et les traces laissées sur leur corps par les piqûres des punaises.  À Nuutania, « les jours chauds, même la respiration est difficile parce que le toit se réchauffe et la cellule devient un sauna », alors qu’à Fresnes, les détenus précisent que faute de chauffage dans les cellules, « en hiver on ferme et on met le plus de vêtement possible ». Dans le centre pénitentiaire polynésien, les détenus évoquent des cellules aux murs sales, au sol qui s’effrite, des canalisations qui fuient… Un constat accablant pointé unanimement par de nombreuses institutions (CGLPL, DDD, CNCDH, CNB, barreaux et organisations d’avocats), qui se sont associées à la plupart des requêtes déposées devant la Cour. Et qui reste d’actualité, dans les établissements visés[2] mais aussi dans la plupart des prisons françaises : au total, 119 établissements (dont 111 maisons d’arrêt ou quartiers maisons d’arrêt) sont suroccupés. Et parmi les 70 818 personnes détenues, 39 241 sont hébergées dans un établissement occupé à plus de 120%, et 20 267 à plus de 150%.
Au-delà des six établissements directement concernés, la Cour vient justement condamner le caractère structurel des mauvaises conditions de détention en France, et demande à la France de prendre des mesures permettant « la résorption définitive de la surpopulation carcérale ».

Pour des voies de recours effectives

Mais la Cour condamne aussi la France pour violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, sanctionnant l’absence de voies de recours internes effectives permettant de remédier à des conditions de détention contraires à la dignité humaine. En particulier, elle souligne l’inefficacité actuelle des procédures de référé susceptibles d’être  engagées devant le juge administratif, et notamment du référé-liberté. D’une part, le pouvoir d’injonction conféré au juge des référés par la jurisprudence « a une portée limitée ». Ce dernier estime en effet qu’il n’est pas dans son office de prononcer des mesures structurelles telles que la rénovation de bâtiment ou le renforcement des moyens des services d’insertion et de probation dans un établissement par exemple. Seules des mesures ponctuelles et limitées, n’ayant généralement que peu d’effets sur les conditions de détention peuvent être obtenues. D’autre part, la Cour relève que le juge des référés fait dépendre son intervention « des moyens dont dispose l’administration ». Ainsi, cette dernière peut invoquer « l’ampleur des travaux à réaliser ou leur coûts pour faire obstacle au pouvoir d’injonction du juge des référés ». Enfin, la Cour souligne que l’exécution des injonctions prononcée connaît « des délais qui ne sont pas conformes avec l’exigence d’un redressement diligent » et que ces prescriptions « ne produisent pas toujours les résultats escomptés ».

Cinq années de campagne contentieuse

Face à l’indignité des conditions de détention et à l’ineffectivité des recours internes pour y mettre un terme, l’OIP décidait en 2015 d’engager une campagne devant la Cour européenne des droits de l’homme. En février 2015, l’OIP accompagnait ainsi le dépôt des premières requêtes individuelles émanant de détenus du centre pénitentiaire de Ducos. Ont suivi Nîmes (mars 2015), Nuutania (juin 2016), Nice (2017) et enfin Fresnes (novembre 2017). Au total, une quarantaine de requêtes ont été déposées visant sept établissements. Les objectifs qui présidaient à cette campagne sont aujourd’hui remplis. D’une part la Cour constate le caractère structurel des mauvaises conditions de détention en France, alimenté par une surpopulation chronique, et demande aux pouvoirs publics d’agir pour y mettre un terme. Mais elle dénonce aussi les carences des voies de recours internes.  L’arrêt de la CEDH implique donc de la juridiction administrative qu’elle fasse évoluer sa jurisprudence dans un sens plus protecteur des droits fondamentaux des personnes détenues.

Et après ?

Par son appel à la mise en œuvre de mesures structurelles visant la résorption définitive de la surpopulation carcérale, cet arrêt vient rappeler que les politiques pénales et pénitentiaires menées ces vingt dernières années ont échoué. La population carcérale n’a cessé d’augmenter (passant de 47 837 au 1er janvier 2001 à 70 818 au 1er octobre 2019), et les établissements, faute de budget suffisant alloué à l’entretien, n’ont cessé de se dégrader. S’entêtant dans une course à la construction de nouvelles prisons, les gouvernements successifs ont totalement délaissé les mesures permettant de développer des alternatives à l’incarcération et de mettre en place une véritable politique réductionniste, seuls remparts effectifs et pérennes à la surpopulation carcérale et à l’indignité des conditions de détention. La réforme de la Justice votée en mars 2019, dont le volet « Sens et efficacité des peines » n’est pas encore pleinement effectif (l’un de ses principaux axes doit entrer en vigueur le 25 mars prochain), ne s’attaque pas au cœur des mécanismes qui concourent à l’inflation carcérale continue de ces quinze dernières années. Sans une politique déflationniste volontariste, la France persiste à foncer droit dans le mur.