jeudi 10 décembre 2015

Ordonnance de mainlevée de la Cour d'appel de VERSAILLES du 1er décembre 2015 ( absence de qualité de tiers )

CA de Versailles 1er décembre 2015, n°438:
Pour prétendre être tiers, il faut apporter la preuve que l'on a effectivement des "relations avec le patient antérieurement à la demande".
Intéressante ordonnance de mainlevée prise par la Cour d'appel de Versailles le 1er décembre dernier. Elle a été obtenue par Maitre David RIOU, avocat au Barreau de Versailles, qui la résume de la manière suivante (source: http://psychiatrie.crpa.asso.fr/ issue d'un mail circulaire)
"La personne tiers demandeur est en l'espèce la directrice du foyer médico-social hébergeant l'internée. Or, le dossier n'établit nullement cette qualité professionnelle, puisque n'est joint à la procédure d'admission en soins sur demande d'un tiers d'urgence que la copie de la carte d'identité nationale de la tiers demandeur, et par ailleurs, cette demande du tiers ne mentionne ni n'établit le type de relation antérieure que cette directrice de foyer aurait pu avoir avec la patiente. Si dans l'absolu la directrice d'un foyer de post cure ou d'hébergement social peut avoir qualité pour être tiers demandeur à une mesure d'hospitalisation sans consentement, encore faut-il que cette personne établisse conjointement avec sa demande du tiers la preuve de sa qualité professionnelle et qu'elle mentionne quel type de relation elle entretenait avec le ou la patiente.

Cette ordonnance précise au surplus que la condition de l'urgence de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique n'exonère nullement de satisfaire aux conditions relatives à la qualité du tiers demandeur précisées dans l'article L.3212-1 II 1°) du même code : le tiers demandeur doit être un membre de la famille, ou doit justifier de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins".



mercredi 2 décembre 2015

Formalisation de la décision d'admission en soins psychiatrique par le directeur suite à la demande d'un tiers

Formalisation de la décision d'admission en soins psychiatrique par le directeur suite à la demande d'un tiers

La Cour administrative d'appel de Bordeaux insiste sur la manière et le délai dans lequel doit être formalisé une admission en soins sous contrainte à la demande d'un Tiers.
Pour être placé en "période d'observation et de soins initiale", il convient que le directeur d'établissement prenne une décision individuelle d'admission.
Cette décision doit s'appuyer sur la demande du tiers et sur les certificats initiaux.



4. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 8 février 2012, le directeur du centre hospitalier Esquirol, après avoir recueilli une demande de soins d'un tiers et s'être fondé sur un certificat médical établi le même jour, a admis M. A...en soins psychiatriques à compter du 7 février 2012. La décision d'admission est ainsi intervenue le lendemain du jour où l'intéressé a été effectivement admis dans le service de soins psychiatriques. Or, le centre hospitalier Esquirol ne produit aucun élément propre à l'espèce de nature à justifier le laps de temps qui s'est ainsi écoulé entre la décision d'admission et sa formalisation. Dans ces conditions, la décision en litige a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L.3212-1 du code de la santé publique.



Le texte intégral de l'affaire:

CAA de BORDEAUX

N° 14BX01260   
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre (formation à 3)
M. DE MALAFOSSE, président
Mme Sabrina LADOIRE, rapporteur
M. de la TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur public
LE PRADO, avocat


lecture du mardi 10 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 8 février 2012 par laquelle le directeur du centre hospitalier Esquirol de Limoges l'a admis en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, la décision du 9 février 2012 par laquelle le directeur de ce centre hospitalier l'a maintenu en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète et les décisions des 13 février 2012, 6 mars 2012 et 5 avril 2012 par lesquelles il a prolongé son hospitalisation complète pour une durée d'un mois.

Par un jugement n° 1200894 du 26 février 2014, le tribunal administratif de Limoges a annulé les décisions du 13 février 2012, du 6 mars 2012 et du 5 avril 2012 du centre hospitalier Esquirol de Limoges et a rejeté le surplus des conclusions de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 avril 2014 et un mémoire présenté le 22 juin 2015, M. C... A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 26 février 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 8 et 9 février 2012 décidant son admission et son maintien en soins psychiatriques ;

2°) d'annuler ces deux décisions ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier de Limoges une somme de 2 500 euros au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 8 février 2012, le directeur du centre hospitalier Esquirol de Limoges a décidé l'admission de M. A...en soins psychiatriques en application des dispositions des articles L. 3212-1 et suivants du code de la santé publique. A la suite de deux certificats médicaux établis le 8 février et le 9 février 2012, le directeur du centre hospitalier Esquirol a maintenu la mesure d'hospitalisation complète le 9 février 2012. A la suite d'autres certificats médicaux, le directeur de ce centre hospitalier a, par des décisions des 13 février, 6 mars et 5 avril 2012, prolongé d'un mois l'hospitalisation complète de M.A.... Ce dernier relève appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 26 février 2014 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 8 et 9 février 2012 décidant son admission et son maintien en soins psychiatriques. Par la voie de l'appel incident, le directeur du centre hospitalier Esquirol de Limoges demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a annulé ses décisions des 13 février, 6 mars et 5 avril 2012 prolongeant d'un mois l'hospitalisation complète de M.A....


Sur la légalité :

En ce qui concerne la décision du 8 février 2012 :
2. Aux termes de l'article L.3212-1 du code de la santé publique : " I.-Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : 1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ; 2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° de l'article L. 3211-2-1. / II.-Le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission : 1° Soit lorsqu'il a été saisi d'une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion des personnels soignants exerçant dans l'établissement prenant en charge la personne malade. Lorsqu'il remplit les conditions prévues au présent alinéa, le tuteur ou le curateur d'un majeur protégé peut faire une demande de soins pour celui-ci. / La forme et le contenu de cette demande sont fixés par décret en Conseil d'Etat. / La décision d'admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies. / Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; il constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d'un second médecin qui peut exercer dans l'établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui prononce la décision d'admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l'objet de ces soins ; / 2° Soit lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade. / Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci. / Lorsque l'admission a été prononcée en application du présent 2°, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts. ".
3. Il résulte des dispositions précitées, dans leur version issue de la loi du 5 juillet 2011, que la décision par laquelle le directeur d'un centre hospitalier prononce l'admission en soins psychiatriques d'une personne à la demande d'un tiers doit être formalisée par écrit et motivée. Si la formalisation de la décision d'admission n'est enfermée dans aucun délai, elle ne peut être retardée au-delà du temps strictement nécessaire à la mise en oeuvre de la procédure préalable à son intervention.
4. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 8 février 2012, le directeur du centre hospitalier Esquirol, après avoir recueilli une demande de soins d'un tiers et s'être fondé sur un certificat médical établi le même jour, a admis M. A...en soins psychiatriques à compter du 7 février 2012. La décision d'admission est ainsi intervenue le lendemain du jour où l'intéressé a été effectivement admis dans le service de soins psychiatriques. Or, le centre hospitalier Esquirol ne produit aucun élément propre à l'espèce de nature à justifier le laps de temps qui s'est ainsi écoulé entre la décision d'admission et sa formalisation. Dans ces conditions, la décision en litige a été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L.3212-1 du code de la santé publique.
En ce qui concerne la décision du 9 février 2012 :


5. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à exciper de l'illégalité de la décision d'admission à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 février 2012 prononçant son maintien en soins psychiatriques.


6. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 8 et 9 février 2012.


En ce qui concerne les décisions des 13 février 2012, 6 mars 2012 et 5 avril 2012 :

7. L'annulation des décisions des 8 et 9 février 2012 portant admission de M. A...en soins psychiatriques entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des décisions des 13 février, 6 mars et 5 avril 2012 ayant prolongé d'un mois l'hospitalisation de l'intéressé. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions incidentes du centre hospitalier Esquirol, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé ces trois décisions.


Sur les conclusions tendant à l'application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision en date du 15 mai 2014. Ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier le versement de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Les décisions du directeur du centre hospitalier Esquirol de Limoges en date du 8 février et du 9 février 2012 sont annulées.
Article 2 : Le jugement n° 1200894 du 26 février 2014 du tribunal administratif de Limoges est annulé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier Esquirol de Limoges versera la somme de 1 500 euros à Me B..., en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

dimanche 29 novembre 2015

contrôle de refus de visite à un patient

À l'hôpital, peut-on refuser un droit de visite à un proche ?

Nbre de pages : 2
Pour être légal, un refus de visite à un patient hospitalisé doit être motivé et correspondre aux finalités de l’action poursuivie : raison médicale, intérêt du service ou ordre public. La décision doit également respecter des règles de forme et être strictement adaptée aux circonstances.

Commentaire de la décision

CE 26 juin 2015, n° 381648 : http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000030788016


accessible sous le lien suivant :  http://www.santementale.fr/boutique/acheter-article/a-l-hopital-peut-on-refuser-un-droit-de-visite-a-un-proche.html

dimanche 1 novembre 2015

Le secret médical: une lente agonie?

vient de paraître un numéro spécial de la revue information psychiatrique sur le secret:

http://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2015-8.htm


Éric Pechillon Page 645 à 649

L’accès ouvert aux données de santé : la loi peut-elle garantir tous les risques de dérives dans l’utilisation de l’information ?

Annick Perrin-Niquet Page 651 à 656

Le secret professionnel dans les soins infirmiers en psychiatrie

 
Yves Hemery Page 657 à 661

Polichinelle, ou le secret du tiers dans la loi du 5 juillet 2011


Michel David Page 662 à 670

Le secret médical en prison et ailleurs. Un concept dépassé et ringard ou un désordre des esprits ?

vendredi 2 octobre 2015

Le certificat médical, entre secret médical et informations utiles

Une décision du 28 mai 2015 de la Cour de cassation vient préciser les rôles spécifiques et les responsabilités du juge et du psychiatre en matière de soins sous contrainte.
L'article est en ligne à l'adresse suite:
http://www.santementale.fr/boutique/acheter-article/le-certificat-medical-entre-secret-medical-et-informations-utiles.html

mardi 29 septembre 2015

Article du journal Libération sur la psychiatrie

Contention : la dérive sécuritaire

Libération, 8 septembre 2015, Éric Favereau.

Source : http://www.liberation.fr/politiques…

Un collectif de psychiatres lance un appel contre cette pratique qui consiste à attacher les malades

Ce sont des mots terribles, à la hauteur des dérives qui traversent la psychiatrie. Et c’est un appel à y mettre fin.
«Des pratiques d’un autre temps, d’un autre âge se déroulent quotidiennement dans notre pays : celles de la contention physique», lâche le Dr Hervé Bokobza, un des fondateurs du Collectif des 39, longtemps directeur d’un établissement pour jeunes psychotiques. Cette figure du milieu poursuit : «En France, chaque jour, on enferme, on immobilise, on attache, on sangle des personnes malades. Ces pratiques inhumaines avaient quasiment disparu. Or, et les contrôleurs des lieux de privation de liberté l’ont constaté, elles sont désormais en nette augmentation et qui plus est banalisées, comme des actes ordinaires. Dans le projet de loi sur la santé, il est même écrit, non sans cynisme ou ignorance, que ces actes auraient des vertus thérapeutiques.»

Inefficacité
Pour lui, et pour quelques autres, cela ne peut plus durer. C’est pourquoi ils lancent un appel ce mercredi, lors d’un colloque au Sénat (1). «Dire non aux sangles qui font mal, qui font hurler, qui effraient plus que tout, c’est dire oui à un minimum de fraternité, c’est réaffirmer qu’il est possible de faire autrement. Dire non c’est remettre au travail une pensée affadie, devenue glacée, c’est poser un acte de régénérescence.»
Aux yeux de ces psychiatres, il y a urgence car nous ne sommes plus seulement face à quelques dérapages isolés. «La contention est un indicateur de la bonne ou de la mauvaise santé de la psychiatrie, souligne le Dr Jean-Claude Pénochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux. Plus elle va mal, plus la contention sera utilisée.» Et c’est le cas. Tous les acteurs notent une progression des mesures de contention, avec les chambres d’isolement, des moyens pour attacher les malades, certains relevant une culture du personnel soignant qui a été modifiée.
La docteure Christiane Santos, secrétaire générale de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique, a mené une enquête qui a fait ressortir que la pratique de la contention est utilisée presque partout. Et n’est même plus débattue. Le Dr Thierry Najman, qui dirige un pôle important de psychiatrie dans un hôpital de l’Ile-de-France, sort un livre, Lieu d’asile (2), qui pointe ces dérives. Et surtout, au-delà des questions éthiques, il démontre leur inefficacité et leur incohérence.
A l’hôpital d’Etampes (Essonne) par exemple, sur neuf unités d’hospitalisation, huit sont des structures fermées. Pourquoi ? «Parce que c’est plus pratique.» De même, à Gonesse, Pontoise, Argenteuil ou Eaubonne (Val-d’Oise), la plupart des services le sont aussi. «Alors que ces décisions de privations de liberté ressortent d’une décision médicale, cette fermeture n’est de fait justifiée que pour des raisons dites de sécurité», écrit Thierry Najman.
Autre exemple, plus inquiétant, celui des détenus en prison transférés à l’hôpital psychiatrique, où ils vont connaître un régime hors de toute légalité : «Or ils ne sont plus prisonniers, ils sont patients. Ils sont pourtant mis en chambre d’isolement pendant toute la durée de leur hospitalisation. Et ils sont attachés.» Il cite l’un d’entre eux, contenu depuis des semaines. «Il se comparait à un corps dans un cercueil»,raconte le Dr Najman.
 
Violence
Même si la loi l’exige, il n’y a bien souvent aucune prescription médicale, ni pour la contention ni pour l’isolement. Le Dr Najman parle «de grande régression» et dénonce des «raisons invoquées […] tronquées». En effet, on justifie les services fermés par la crainte des fugues alors qu’il n’y en a pas plus dans les services ouverts :«Les notions de précaution et de sécurité pèsent de plus en plus dans l’organisation du système sanitaire, en violation de la dimension clinique qui insiste pour que les patients soient et doivent demeurer libres.» Un rapport récent de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) tempère par ailleurs la dangerosité de ces fugues : «Dans la grande majorité des cas, les malades fuguent à pied, en plein jour, par le portail central de l’établissement et, dans la quasi-totalité des cas, le retour est rapide et les fugues sans conséquence.»
«Le principal risque est de toujours vouloir se protéger»,note le Dr Najman qui montre dans son ouvrage combien les services fermés et la contention engendrent de la tension et de la violence. «La liberté de circuler est bafouée alors que c’est un droit, y compris pour les patients hospitalisés sans consentement», déclarait encore le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
On en est là : des pratiques illégales et leur banalisation encore plus déroutante. Le Dr Bokobza lance, comme un défi : «C’est notre responsabilité de soignants, c’est celle de tout citoyen éclairé de s’opposer fermement à ces actes de contention qui déshumanisent les malades mentaux… Qui d’entre nous supporterait de voir son enfant ou son parent proche, ou un ami, en grande souffrance psychique, attaché, ligoté, sanglé, isolé ? Qui accepterait de s’entendre dire que c’est pour le bien de cette personne chère, alors qu’il est possible d’agir autrement ?» Et il déclarera, ce mercredi au colloque : «Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes là. Ne pas céder à cette peur nous revient, vous revient à vous, les élus du peuple. Il nous revient d’affirmer haut et fort qu’une psychiatrie sécuritaire va à l’encontre des intérêts des patients et de la société dans son ensemble. Nous sommes persuadés que dire non à la contention, que proscrire cet acte redonnera confiance et dignité à tous les acteurs du système de soins et permettra que la citoyenneté retrouve sa raison d’être.»
Sera-t-il entendu ? Aujourd’hui, cette question tétanise tout le milieu de la psychiatrie.
(1) Colloque «39 alerte», organisé par le Collectif des 39 en collaboration avec l’association Humapsy et le collectif Le fil conducteur, sous le parrainage de la sénatrice (EE-LV) Aline Archimbaud. Rens. : www.collectifpsychiatrie.fr
(2) Lieu d’asile, manifeste pour une autre psychiatrie,de Thierry Najman, éd. Odile Jacob. Postface de Pierre Joxe.
Lire aussi le blog «Sur la diagonale du fou…» sur Libération

Interview • Denys Robiliard : “J’ai hésité, mais il fallait donner un signal d’alerte”


Source Libération 8 septembre 2015 : http://www.liberation.fr/societe/20…

Le député socialiste du Loir-et-Cher a déposé un amendement pour encadrer les pratiques de contention en dernier recours dans les établissements psychiatriques. Il revient également sur la forte réduction du nombre de praticiens.

Denys Robiliard, député socialiste de Blois, avocat de formation, est un des meilleurs spécialistes de la psychiatrie en France. En 2013, il avait rédigé un rapport sur l’état des lieux de soins. Depuis, il se passionne pour ce sujet, continuant son tour de France des établissements psychiatriques.
Faut-il s’inquiéter de la montée en puissance des mesures d’isolement et de contention qui se multiplient ?
C’est un vrai souci, et de nombreux professionnels de santé soulignent que c’est un symptôme. Le problème est que cela reste mal documenté, et nous n’avons pas de données fiables et globales. Nous remarquons surtout des pratiques hétérogènes. Dans un même établissement, un service va pratiquer régulièrement des mesures de contention, et juste à côté, dans un autre service, très peu, voire pas du tout.
Pourquoi cet arbitraire ? Comment l’expliquer ?
Un défaut d’encadrement, disent certains. Une perte de culture, disent d’autres. La disparition de la formation des infirmiers psychiatriques n’a sûrement pas été positive.
Vous avez déposé un amendement pour encadrer ces pratiques
J’ai hésité, car il y avait un risque du même coup de légitimer ces pratiques. Mais il fallait donner un signal d’alerte. Dans l’amendement, on parle de pratiques de dernier recours, et on encadre sévèrement. Cela étant, on ne parle pas de la contention chimique, mais là encore nous n’avons pas d’indicateur, ni de données. La situation de ces patients qui paraissent totalement endormis par les médicaments m’inquiète aussi.
La psychiatrie en France serait-elle en lambeaux ?
Non. Mais elle est confrontée à une situation totalement inédite. On parle de la contention, mais on assiste à un départ massif de psychiatres à la retraite. Cela va profondément changer la donne. Les plus de 60 ans sont très nombreux, se pose donc une question centrale de renouvellement.
Certains ne veulent pas voir ce bouleversement, en notant qu’il y a de toute façon deux fois plus de psychiatres en France qu’en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Mais quoi qu’ils en disent, il va falloir réfléchir à une réarticulation des activités professionnelles dans le champ de la santé mentale.
Vous avez des chiffres sur ce désert médical ?
Il y a déjà plus de 800 postes vacants. C’est près de 20 % de tous les postes. Il y a dans le Nord un hôpital qui fonctionne sans psychiatre titulaire. En plus, ces chiffres cachent des variations régionales très fortes. Ne rien faire serait suicidaire. Bientôt, ce sera un poste sur deux qui risque de ne pas être occupé.
Vous parlez de réarticuler les exercices professionnels…
L’équation n’est pas simple. Comment mettre tous les acteurs - psychiatres, infirmières, psychologues - autour d’une même table, et discuter des fonctions et des tâches de chacun ? C’est la seule façon de faire. Si on ne le fait pas maintenant, on se met dans une situation où l’on ne sera plus en état de gérer la baisse programmée et continue du nombre de psychiatres.
Que pensez-vous du discours sur le manque de moyens ?
Sur le budget, restons concrets. Il n’y a pas de régression dans le financement, celui-ci est stable. Pour autant, les besoins augmentent, et ils vont continuer d’augmenter. Non seulement il y a de plus en plus de patients, mais avec l’allongement de l’espérance de vie, les pathologies deviennent plus lourdes, les malades mentaux vivent plus longtemps. On voit par exemple que les maisons de retraite sont de plus en plus confrontées à de la psychogériatrie.
Sur le terrain, les équipes se plaignent de plus en plus. En psychiatrie, ils sont en budget global. Quand les secteurs sont implantés en hôpital général, les autres disciplines médicales passent souvent avant. Enfin, la tarification par activité favorise les actes médicaux techniques, et non les actes relationnels. Ce qui fait qu’indéniablement, les équipes rencontrent des difficultés réelles.
Et le milieu de la psychiatrie, comment le trouvez-vous ?
Il n’est pas si déprimé qu’on le dit. Il y a des travaux de recherche intéressants même si, c’est vrai, il y a des problèmes de pluralisme à respecter. On peut d’ailleurs faire le parallèle avec la recherche en économie, où une seule théorie s’impose et domine. C’est un peu le cas, aujourd’hui, avec la psychiatrie biologique. Je n’aime pas les sciences officielles. Le rôle de l’État est de maintenir le pluralisme. Pour le reste, c’est un milieu ouvert, qui demande un regard extérieur.

Récit • De Blois à Paris, la psychiatrie au quotidien


Source (Libération 8 septembre 2015) : http://www.liberation.fr/societe/20…

Praticiens sur le départ, moyens limités, précarisation accrue des patients… Le milieu fait face à un difficile changement de génération. Reportage dans cinq lieux de soins
«On est à un moment historique», tranche sans hésitation Nicolas Henckes, sociologue et spécialiste de l’histoire de la psychiatrie en France. Changement de génération, baisse très forte de la démographie médicale, mais aussi des nouvelles prises en charge : aujourd’hui, la psychiatrie publique française est à un tournant. Et les perspectives sont floues. Tour d’horizon en six lieux : Blois, Paris, Strasbourg et Seine-Saint-Denis.

Dans un grand hôpital d’Île-de-France
C’est une machine qui tourne. Un hôpital d’Ile-de-France un rien impersonnel. On entre, on sort rapidement. Pavillon ouvert, pavillon surtout fermé, mais tout se mélange. Le lieu se veut pro. C’est la psychiatrie au travail, vaille que vaille.
Là, on s’est habitué à la présence du juge, qui dans les dix jours doit statuer sur les hospitalisations sous contrainte. Une histoire de patient parmi d’autres. C’est un homme qui, en ce début d’été, a jeté ses affaires par la fenêtre, la police a été appelée. «Dieu lui parle, il a un grand délire, a noté la psychiatre qui l’a accueilli. Il est arrivé ici dans l’après-midi, il est aussi polytoxico, sous méthadone, un peu de cannabis. La famille ne peut pas se déplacer, mais elle était d’accord pour qu’il soit hospitalisé.» Quand il arrive, l’homme est apaisé, mais avec un tableau agité. Au bout de quelques jours, il est devenu menaçant, parlant de colère divine. «Imprévisible, au début, il a été mis dans une chambre fermée» , poursuit la psychiatre. En chambre d’isolement, il va y rester près de deux semaines. Il est mis, aussi, en contention, avec un traitement injectable. Il a 42 ans, deux frères. «Ici, on n’aime pas trop la contention», dit le psychiatre qui en prescrit pourtant régulièrement.
Brigitte, l’infirmière, raconte : «Dans un premier temps, il était dans une chambre fermée, on tenait à peu près, puis il est devenu agressif, mais surtout imprévisible. Cela montait en puissance, puis une fois il a forcé la porte, on l’a mis en contention. Cela ne me pose pas de questions, c’est pour son bien, on attend que cela se tasse, pour pouvoir travailler avec lui.» Un patient, puis un autre. Il y a trois chambres d’isolement, qui sont toujours occupées. Ce type de fonctionnement est finalement accepté par tous. La mère du patient dira juste : «On m’a dit qu’il était dans une chambre fermée, que voulez-vous que je fasse ?»
Dans quatre semaines, le patient sortira de l’hôpital, avec un traitement. Et un rendez-vous au centre médico-psychologique (CMP).

A la clinique de La Borde (Loir-et-Cher)
«Heureusement, il y a les malades», lâche le Dr Michel Lecarpentier, psychiatre à La Borde. Ces mots, qu’il jette comme ça, sont comme un rayon de soleil.
Car aujourd’hui, dans le monde de la folie, on a parfois le sentiment que les malades dérangent, qu’ils sont de trop, qu’il vaut mieux les mettre dans des chambres d’isolement, voire les attacher, «pour leur bien» évidemment. Bref, le sentiment que ce serait tellement mieux si les malades rentraient dans les cases et répondaient parfaitement aux traitements médicamenteux.
Mais voilà, ce n’est pas le cas partout. Le château de La Borde, près de Blois, transformé depuis 1953 en clinique psychiatrique, est le lieu repère de ce que l’on a appelé la psychothérapie institutionnelle qui allait façonner jusqu’à récemment toute l’organisation de la psychiatre française. En cet été 2015, cela va plutôt bien. Jean Oury, psychiatre emblématique de l’après-guerre, est mort il y a plus d’un an, et nombreux étaient ceux qui redoutaient le pire pour le devenir de ce lieu, porté de tous côtés par son fondateur. D’autant qu’avec lui, c’est toute une génération d’aventuriers de la folie qui disparaissait. «Mon père, note sa fille, Yannick Oury, ne parlait jamais de sa mort, mais il avait tout préparé.» Tout continue, presque comme avant. Une centaine de patients - pour la plupart atteints de psychoses - déambulent dans le grand parc. Un hôpital de jour a été créé. Et comme le veut la psychothérapie institutionnelle, les résidents sont partie prenante de la vie, avec le club, mais aussi les assemblées générales qui jalonnent le déroulent de la semaine.
Il y a quelques années, le Dr Oury était en guerre contre l’administration qui lui imposait d’en finir «pour des questions d’hygiène» avec cette cuisine qui tournait avec les malades. «On me demande de fermer la cuisine de La Borde, parce qu’elle n’était pas aux normes, nous disait-il. Mais que savent-ils, ces messieurs, de ce qui se passe quand des malades font la cuisine, et servent, et mangent avec les soignants.» Avec force, il ajoutait : «C’est la mode des séjours courts, et c’est criminel. La schizophrénie, c’est une maladie chronique. La vie, c’est chronique.»
Aujourd’hui, les choses se sont apaisées. Marino Pulliero, le directeur de La Borde, gendre d’Oury, a joué avec habileté. Un modus vivendi a été trouvé entre les exigences administratives et la vie si particulière de ce lieu. La Borde ne perd pas d’argent. «Jusqu’à quand ? Je ne sais pas, se demande le directeur, car si l’on continue à baisser chaque année notre prix de journée, cela deviendra problématique.»
Dans le grand parc, il n’y a toujours aucune barrière, juste des arbres.

A l’hôpital psychiatrique de Brumath
«Donner du pouvoir aux malades.» C’est le dernier courant, venu des pays anglo-saxons dans les années 80 : il a démarré avec les associations de malades en opposition avec la psychiatrie classique. Et repose sur la notion de «rétablissement» en psychiatrie. Souvent critiqué en France, ce concept est centré sur la vie sociale du malade. «Cette nouvelle approche réintroduit de manière militante, la notion d’espoir dans le monde de la psychiatrie», explique Tim Greacen, australien d’origine, chercheur en santé mentale à l’hôpital Maison-Blanche près de Paris, et surtout militant de longue date de «la voix des patients».
Avec Emmanuelle Jouet, chercheuse en psychologie, ils font des formations sur le «rétablissement» à travers toute la France. «On voit beaucoup de services de psychiatrie, complètement noyés par les problèmes de leurs patients. Petit à petit, ils ne voient plus les malades que comme des malades. L’idée du rétablissement est de casser cette fatalité et de s’appuyer sur ce qui va bien chez le malade. On lui donne les moyens de se défendre, de vivre avec l’empowerment, et de se construire sur sa force.»
Bref, leur donner les moyens de vivre. «Mais il faut aussi essayer de remettre les malades dans la ville, s’occuper de leur logement, du travail. Il faut en finir avec ce monde de douleurs et sans espoir», insiste Tim Greacen. Des formations entre trois et cinq jours. «Et toujours, on fait nos formations avec des usagers formateurs.» Près de Strasbourg, ils étaient ainsi une cinquantaine : infirmiers, assistantes sociales, éducateurs, mais comme souvent peu de psychiatres. L’Europe a financé un projet de formation sur 16 sites. «Ce mouvement a conduit à une véritable transformation de l’offre de soins, aux États-Unis, au Canada, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande», insiste Tim Greacen. En France, cela débute. Et des équipes, comme à Lille, à Marseille ou à Strasbourg, s’en inspirent fortement.

Le plus grand établissement de France
C’est un seul hôpital psychiatrique. Enorme, comme jamais dans l’histoire. L’agence régionale de santé d’Ile-de-France a validé la création de la communauté hospitalière de territoire (CHT) parisien pour la psychiatrie. Elle comprend trois hôpitaux (Sainte-Anne, Maison Blanche et Perray-Vaucluse) et deux établissements associés (hôpitaux de Saint-Maurice et ASM 13). Et à ces structures de soins sont rattachés l’ensemble des secteurs de psychiatrie générale parisiens et plusieurs services universitaires. Au final, l’air de rien, c’est la naissance du plus gros hôpital psychiatrique ayant jamais existé en France. Il regroupe tous ces gros asiles créés à la fin du XIXe siècle.
De quoi s’inquiéter ? «Il ne faut pas se leurrer, l’objectif est un objectif de protection économique, pour éviter que les hôpitaux psychiatriques ne disparaissent», analyse le Dr Alain Mercuel, qui préside la communauté médicale de Saint-Anne à Paris. Et il défend ce nouveau mastodonte : «Les choses peuvent être améliorées quand on est ensemble. […] A quoi bon avoir quatre DRH ? En mutualisant la logistique, on a tous à y gagner». Il avoue : «Mais nous n’avons pas le choix, avec une augmentation du budget de zéro, si on veut conserver les postes de soignants, il faut économiser ailleurs.»

La pédopsychiatrie à l’agonie
L’homme est fatigué, lassé. Le Dr Hervé Bentata dirige le vaste secteur de pédopsychiatrie de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), rattaché à l’hôpital Delafontaine. «On n’en peut plus, raconte-t-il, déjà que nous sommes très limités, on nous demande désormais d’assumer le déficit global de l’hôpital. Résultat, je ne vois pas comment certaines de nos structures pourront continuer, avec la fin des vacataires. Les professionnels se découragent, craquent, partent et sont rarement remplacés». Perspectives sombres.
Cela fait près de dix ans qu’Hervé Bentata dirige ce secteur, dans un des départements les plus précaires de France. C’est plus de six mois d’attente pour une consultation dans un centre médico psychologique. «Ce qui est inquiétant, c’est aussi le faible nombre de places pour les enfants en grandes difficultés, notamment les enfants souffrant d’autisme très sévère. On met des années à en trouver.» L’équipe a fait le calcul : 400 familles renvoyées en détresse avant que les structures de soins ne puissent les accueillir et les écouter. Dans ce département, le taux de natalité a augmenté de 30 % en trois ans, alimentant une demande croissante, dans une précarité extrême. «La prise en charge tardive va à l’encontre des dépistages précoces recommandés», insiste une pédopsychiatre. «On est coincés, poursuit le Dr Hervé Bentata. On est pris dans une logique administrative qui nous étouffe. Les petites économies traquées partout par l’hôpital vont occasionner de grands drames chez nous. On nous dit de mutualiser les psychologues, mais c’est déjà le cas. On fait face à une méconnaissance profonde de notre travail.»
A l’Agence régionale de santé (ARS) de l’Ile-de-France, l’équipe a été reçue. «Ce sont des gestionnaires, or on ne peut pas être géré comme on le fait actuellement, qui amène à tout homogénéiser. Ce n’est pas possible, il faut prendre en compte l’environnement social», analyse une psychologue qui va démissionner.
En Seine-Saint-Denis, il n’y a aucune structure privée, aucun psychiatre en libéral, encore moins de pédopsychiatres. «Il n’y a que nous, insiste le Dr Bentata, comment vont faire les enfants, les parents ?»

mardi 7 juillet 2015

les actes du colloque: l'institution psychiatrique au prisme du droit: la folie entre administration et justice


Vient de paraître:  http://www.u-paris2.fr/1425392063332/0/fiche___document/&RH=1164386910062

Au cœur des entrelacements entre les discours du droit instrumentalisant la psychiatrie et le désajustement des règles de droit opéré par l'institution psychiatrique se situe la folie, paradigme dont les déclinaisons ont de longue date attiré tant l'attention des pouvoirs publics, que celle des philosophes, dont Foucault, des sociologues, dont Castel, des juristes, des psychiatres et des historiens.

L'institution psychiatrique n'a en effet cessé d'être repensée et le législateur, notamment depuis 1838, s'est efforcé d'encadrer les conditions de rétablissement des personnes affectées de troubles psychiques, qu'elles soient détenues, hospitalisées ou simplement soignées sous contrainte. En dépit des droits de l'homme et des principes de dignité et de liberté, la protection légale des fous, que l'on écarte de la société civile en les accompagnant, en les surveillant et en les contrôlant, n'est pas toujours suffisante ni satisfaisante alors qu'il revient justement à l'institution psychiatrique de les « débarrasser de leur folie », de les guérir et de les réintégrer...

C'est en analysant, au travers de regards pluridisciplinaires, la place qu'occupe la folie « entre administration et justice » que différents contributeurs ont tenté, en s'appuyant sur les textes et leurs contextes, de cerner et de résoudre la question de « l'institution psychiatrique au prisme du droit ».

Avec les contributions de Vida Azimi, Pierre Chenivesse, Jacques Chevallier, Laurent Friouret, Laurence Guignard, Patricia Hennion-Jacquet, Geneviève Koubi, Pierre-Louis Laget, Alexandre Litzler, Katia Lucas, Cyril Manzanera, Jeanne Mesmin d'Estienne, Éric Péchillon, Jean Pradel, Pauline Roche, Jean-Louis Senon et du collectif Contrast.


Type :
EPA - Editions Panthéon Assas
Dates :
Créé le 1 février 2015
Complément d'informations :
Parution  juillet 2015.

Version papier
Disponible en librairie et au Comptoir des presses d'universités.
252 pages, 27 €
ISBN : 979-10-90429-57-4

Version numérique
Disponible sur iBooks, Google Play et le Comptoir des presses d'universités.
18,99 €
ISBN : 979-10-90429-58-1

mercredi 17 juin 2015

la cour de cassation précise le contenu des certificats mensuels en matière de soins sous contrainte

Cour de cassation chambre civile 1 Audience publique du jeudi 28 mai 2015 N° de pourvoi: 14-15686

la Cour de cassation vient préciser qu'un psychiatre n'est pas dans l'obligation de qualifier si l'état de la personne est susceptible de troubler l'ordre public. Cette qualification revient au préfet (autorité de police) qui, sur la base des informations inscrites dans les différents certificats et avis médicaux mais également en fonction des informations dont il dispose, devra motiver sa décision "nécessaire" à la préservation de l'ordre public.
Dans cette affaire, monsieur Benoît X..., âgé de 48 ans, était en hospitalisation d'office depuis 2006, à la demande du représentant de l'État à la suite du meurtre de sa mère et d'une décision d'irresponsabilité pénale prononcée en application de l'article 706-135 du Code de procédure pénale. Cette décision privative de liberté a été régulièrement reconduite par l'autorité de police. La dernière décision individuelle privative de liberté (maintien en hospitalisation complète sous contrainte, était datée du 2 janvier 2014, prolongeant pour une nouvelle durée de six mois la mesure de soins psychiatriques.
Cet arrêté, pris en application de l'article L 3213-4 du Code de la santé publique impose au Préfet de se prononcer au vu d'un certificat médical mentionné à l'article L 3213-3.

Ce certificat est une pièce essentielle de la procédure car il va permettre au préfet de décider si la contrainte doit être levée (le patient bascule alors en soins libres), si elle doit être assouplie (mise en place d'un programme de soins) ou si l'hospitalisation complète doit être maintenue compte tenu du fait que l'état du patient ne s'est pas suffisamment amélioré pour pouvoir garantir la protection de l'ordre public.

Un psychiatre de l'établissement doit donc rédigé un certificat circonstancié et précis dans lequel il se prononcer sur l'état de santé du patient. Chaque certificat fait en quelque sorte le point sur la période écoulée et  doit préciser si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l'article L 3211-2-1 du Code de la santé publique demeure adaptée ou non.

La Cour de cassation précise ici que le psychiatre peut certes émettre une "opinion sur la réalité du trouble à l'ordre public" mais que cela n'est pas vraiment sa fonction. Ce qu'il lui est demandé est d'apporter des éléments au préfet suffisamment précis et explicite afin que ce dernier (qui n'est pas psychiatre) puisse décider des suites à donner.
Il est donc particulièrement important que le certificat emploie un vocabulaire compréhensible par tous, à savoir le préfet, le patient et le juge des libertés et de la détention (JLD).





LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président (Reims, 14 février 2014), et les pièces de la procédure, que M. X... a demandé au juge des libertés et de la détention la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement décidée, en dernier lieu, par un arrêté du représentant de l'Etat dans le département du 2 janvier 2014 ;

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de maintenir son hospitalisation complète alors, selon le moyen :

1°/ qu'il ressort de l'ordonnance du premier président que l'UDAF des Ardennes a comparu en la personne de M. Y..., mandataire judiciaire délégué à la protection des majeurs ; qu'il ne résulte d'aucune mention de l'ordonnance de ce qu'il en a été de la posture procédurale prise par M. Y... et du ou des moyens qu'il a avancés ; qu'ainsi sont méconnues les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'appelant insistait sur la circonstance que le certificat médical ne précisait pas que M. X... présentait un risque d'atteinte à la sûreté des personnes ou de façon grave à l'ordre public, étant observé que tout certificat sur les procédures de soins contraints doit constater l'état mental de la personne, confirmer ou non de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission à la demande du préfet, être circonstancié, le médecin devant préciser en quoi les troubles du patient rendent impossible son consentement et les attitudes susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ; que l'ordonnance du premier président relève que le certificat du docteur Z... du 2 janvier 2014 répond aux obligations posées par l'article L. 3213-3 du code de la santé publique et il ne saurait lui être fait grief de ne pas faire une mention explicite à l'ordre public, cette dernière notion étant, d'une part, présumée en raison de la décision d'irresponsabilité pénale et, d'autre part, n'étant exigée aux termes de l'article L. 3213-1 que lors de l'arrêté initial ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président méconnaît les règles et principes applicables à la cause, la condition de l'existence d'attitudes susceptibles de porter atteinte à l'ordre public s'imposant également lors du renouvellement d'un arrêté préfectoral d'hospitalisation complète sous contrainte, la possible atteinte à l'ordre public devant ici être appréciée à la date du 2 janvier 2014, date du certificat médical et de l'arrêté pris sur sa base ; qu'ainsi sont méconnues les exigences de l'article 12 du code de procédure civile, ensemble les exigences des articles L. 3213-1 et L. 3213-3 du code de la santé publique ;

Mais attendu, d'une part, qu'en sa première branche, le moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Attendu, d'autre part, que les articles L. 3213-1, L. 3213-3 et R. 3213-3 du code de la santé publique n'exigent pas la mention, dans le certificat médical circonstancié qu'ils prévoient, que les troubles nécessitant des soins "compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public", une telle qualification relevant, sous le contrôle du juge, des seuls pouvoirs du préfet, sauf à prévoir, lorsqu'un certificat conclut à la nécessité de lever une mesure d'hospitalisation complète, les incidences éventuelles de ces troubles sur la sûreté des personnes ; qu'après avoir relevé que le certificat du médecin précisait que M. X... présentait des processus délirants sur un mode persécutif projectif centré sur les soignants et contestait l'efficacité de son traitement, de sorte que la mesure de soins psychiatriques sans consentement à la demande du représentant de l'État demeurait justifiée et devait être maintenue, le premier président a retenu, à bon droit, que ce certificat répondait aux exigences des textes précités ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze

mots-clés: psychiatrie * soins sous contrainte * certificat mensuel * motivation * ordre public * préfet * juge judiciaire * santé mentale * liberté * individu

jeudi 4 juin 2015

Programme de soins: quel statut juridique pour le patient?

Un article sur le statut juridique du patient sous programme de soins vient de paraître et est disponible à l'adresse suivante:
http://www.santementale.fr/boutique/acheter-article/programme-de-soins-quel-statut-juridique-pour-le-patient.html


En 2011, le législateur a prévu un dispositif de prise en charge intermédiaire entre l’hospitalisation complète sous contrainte et le soin libre, le programme de soins. L’expérience montre que le statut de « l’usager sous programme de soins » est ambigu en particulier lorsque le patient séjourne à l’hôpital ou ne se présente pas à un rendez-vous.

mercredi 13 mai 2015

Recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 13 avril 2015 relatives à la maison d'arrêt de Strasbourg


RECOMMANDATION (JORF n°0110 du 13 mai 2015 page texte n° 58)


RECOMMANDATION
Recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 13 avril 2015 relatives à la maison d'arrêt de Strasbourg

NOR: CPLX1511173X
ELI: Non disponible


L'article 9, alinéa 2, de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu'il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir sans délai les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d'y répondre. Postérieurement à la réponse obtenue, il constate s'il a été mis fin à la violation signalée ; il peut rendre publiques ses observations et les réponses obtenues.
Lors de la visite de la maison d'arrêt de Strasbourg du 9 au 13 mars 2015, les contrôleurs ont fait le constat de situations individuelles et de conditions de détention mettant en exergue des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes détenues dans cet établissement. Dès la fin de la mission, le chef d'établissement a été informé oralement des principaux constats auxquels la visite a donné lieu. Outre l'urgence intrinsèque à certaines situations, certains constats effectués lors de la première visite de l'établissement en 2009 demeurent d'actualité et les conditions de détention ont connu une certaine détérioration. La gravité de cette situation conduit la Contrôleure générale à mettre en œuvre, pour la première fois depuis le début de son mandat, cette procédure d'urgence.
Ces recommandations ont été adressées à la garde des sceaux, ministre de la justice, et à la ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes. Un délai de quinze jours leur a été imparti pour faire connaître leurs observations. A l'issue de ce délai, leurs réponses lui sont parvenues.
A la suite de cette procédure, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a décidé de rendre publiques les constatations et recommandations suivantes.

1. En premier lieu, les contrôleurs ont eu connaissance de la situation d'une personne détenue au sein de cet établissement déclarant avoir été frappée et violée pendant la nuit par son codétenu (1). Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg est d'ores et déjà saisi de la plainte formée par cette personne à l'encontre de son codétenu. Toutefois, la Contrôleure générale a effectué un signalement auprès de cette même autorité en application de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 30 octobre 2007 modifiée, afin de l'informer des circonstances dans lesquelles les faits allégués seraient survenus.
Ceux-ci pourraient révéler l'absence de mesures efficaces prises par le personnel pénitentiaire pour préserver l'intégrité physique de l'intéressé. En effet, les éléments recueillis lors de la visite permettent d'établir que cette personne a déclaré au personnel du service médico-psychiatrique régional (SMPR) être impliquée malgré elle dans un trafic de produits stupéfiants et de téléphones mobiles, subir des violences de la part de son codétenu et craindre pour son intégrité physique. Un médecin a effectué un signalement auprès d'un gradé de l'établissement en précisant qu'il y avait urgence à procéder à un changement de cellule. Ce gradé se serait immédiatement rendu au sein de la cellule de l'intéressé pour solliciter, en présence du codétenu mis en cause, des précisions sur les motifs de son inquiétude. Il ne l'a toutefois pas changé de cellule. Le lendemain, la personne concernée indiquait avoir été victime de viol durant la nuit.
S'il appartient au procureur de la République de caractériser l'existence d'une infraction pénale, la Contrôleure générale considère que les éléments recueillis permettent d'établir que l'absence de suites données au signalement circonstancié du SMPR constitue une atteinte grave à la préservation de l'intégrité physique de l'intéressé, d'autant plus grave que le lien de dépendance vis-à-vis de l'administration pénitentiaire découlant de sa qualité de personne détenue ne lui permettait pas d'assurer seul sa protection. Il en découle qu'une vigilance particulière doit être de mise lorsqu'une personne détenue fait état de risques pour sa sécurité. Il est impératif qu'elle puisse être rapidement reçue par un personnel gradé dans des conditions garantissant la confidentialité de leurs échanges. Toute mesure de protection doit être prise dans les meilleurs délais sans que la circonstance de la sur-occupation des cellules ne puisse y faire obstacle, au besoin en procédant à une affectation provisoire (2) au quartier d'isolement ou au quartier arrivants.

2. A l'issue de la visite de l'établissement effectuée du 23 au 26 mars 2009, le Contrôleur général avait formulé des observations relatives à l'état de saleté des cours de promenade et de l'absence de sanitaires, de points d'eau en état de fonctionnement et de bancs dans celles-ci, à la nécessité de procéder à la rénovation des douches et à rendre le réseau de distribution d'eau chaude opérationnel dans les cellules.
Force est de constater que, près de cinq ans après cette première visite, la situation n'a guère évolué sur ces points, voire que les conditions de détention se sont dégradées. Ainsi, les contrôleurs ont constaté que :

- les points d'eau et les sanitaires des cours de promenade sont toujours dans un état de saleté déplorable et pour beaucoup d'entre eux hors d'usage. Une cour intérieure est remplie de détritus de toutes natures. L'état de cette cour, bien que non accessible aux personnes détenues, génère des nuisances indirectes dans la mesure où elle attire de nombreux rongeurs et des pigeons dont la présence a été largement constatée ;
- si certaines salles de douche ont été rénovées, l'une d'entre elles est dégradée et ne comprend aucune paroi de séparation permettant de préserver un minimum d'intimité. Malgré les travaux effectués, il n'en demeure pas moins que l'eau des douches est glaciale tant au quartier des hommes qu'au quartier des femmes. L'eau chaude n'est toujours pas installée dans les cellules ;
- de nombreux matelas, notamment au quartier d'isolement, sont dévorés par les moisissures témoignant du haut degré d'humidité qui règne dans les cellules. Cette humidité est à l'origine de nombreuses dégradations du revêtement des murs et des plafonds. Elle est susceptible d'entraîner différentes pathologies respiratoires et dermatologiques ;
- il fait froid dans les cellules. A titre d'exemple, la température mesurée par les contrôleurs dans une cellule du quartier des mineurs était de 17 °C le jour, sans doute plus basse la nuit. Afin d'élever la température à un niveau convenable, beaucoup de personnes maintiennent allumée leur plaque chauffante en permanence, risquant ainsi de provoquer des accidents domestiques tels des brûlures ou incendies ;
- au quartier disciplinaire, alors que la température extérieure était de 10 °C environ, la température relevée dans les cellules s'élevait à 14,6 °C. Dans l'une d'elles, une personne punie, transie de froid, était équipée d'une « dotation-protection d'urgence » (DPU) appelée également « kit anti-suicide » et constituée d'un pyjama déchirable et d'une couverture indéchirable. Une seconde couverture faisait office de drap. Le recours à cette dotation nécessite que la personne se mette entièrement nue, de gré ou de force, avant de la revêtir ;
- par ailleurs, le CGLPL rappelle que le recours à la DPU est indiqué dans le seul cas où une crise suicidaire a été diagnostiquée. La crise suicidaire est une crise psychique mettant la personne en situation de souffrance et de rupture. Son risque majeur est le suicide (3). Il rappelle également que la majorité des suicides en détention a lieu au quartier disciplinaire. En conséquence, le CGLPL conteste le bien-fondé d'y maintenir une personne dont l'état de crise suicidaire a été constaté par l'administration pénitentiaire elle-même (recours à la DPU).

Ces conditions de détention portent gravement atteinte à la dignité des personnes et représentent un traitement inhumain et dégradant. En conséquence, toute mesure doit être prise pour y remédier immédiatement.

3. Des caméras de vidéosurveillance ont été installées dans des locaux où se déroulent les activités médicales du service de psychiatrie. Le personnel infirmier qui a obstrué ces caméras pour en contester la présence s'est vu retirer l'habilitation à exercer en milieu pénitentiaire. L'usage de moyens de vidéosurveillance dans un espace de soins constitue une atteinte grave au secret médical et à l'indépendance des soignants en milieu pénitentiaire. Si le juste équilibre entre l'accès aux soins et les impératifs de sécurité, notamment de protection de la sécurité des personnels soignants, justifie que certains dispositifs puissent être mis en œuvre (comme l'apposition de dispositifs d'alerte), la confidentialité des activités thérapeutiques doit conduire à proscrire toute installation de vidéosurveillance dans un lieu de soin. Le CGLPL recommande par conséquent que ce dispositif soit retiré.

4. Enfin, il y a également lieu à faire état du climat général dans lequel cette mission de contrôle s'est déroulée en ce qu'il fait écho aux difficultés évoquées par les personnes détenues, dont certaines ont été expressément constatées par les contrôleurs, mais aussi à la violation manifeste de la confidentialité des correspondances entre les personnes détenues et le CGLPL.
Très peu de demandes d'entretiens ont été remises aux contrôleurs durant leur visite dans l'établissement. Alors que 758 personnes étaient écrouées le jour de leur arrivée, seule une vingtaine de demandes leur est parvenue, ce qui est très largement inférieur à la moyenne des sollicitations lors de la visite d'un établissement pénitentiaire. De plus, les contrôleurs ont constaté qu'un grand nombre d'enveloppes contenant ces demandes, initialement fermées, ont manifestement été ouvertes. Cette pratique a été confirmée par les dires de nombreuses personnes détenues ayant spontanément déclaré voir leurs courriers régulièrement ouverts et non acheminés par des personnels de surveillance. Certes, conformément aux recommandations formulées par le CGLPL à la suite de la visite de 2009, des boîtes à lettres ont été installées dans les coursives, mais celles-ci sont en nombre insuffisant et ne portent pas la mention du destinataire auquel elles sont dédiées, ce qui rend nécessaire le maintien d'échanges de courriers de la main à la main.
La Contrôleure générale rappelle que l'article 4 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 garantit la confidentialité des correspondances adressées au et par le CGLPL et que cette disposition s'applique aux demandes d'entretien adressées à l'occasion des visites d'établissement.
Par ailleurs, si les correspondances non protégées peuvent faire l'objet d'un contrôle, celui-ci ne peut être effectué que par une personne expressément désignée pour exercer les fonctions de vaguemestre.

5. L'encadrement du personnel de détention est manifestement défaillant. Le chef de détention n'est secondé que par trois officiers pénitentiaires. La détention est apparue livrée à elle-même.
Ainsi, les contrôleurs ont constaté que les sièges dans les miradors de surveillance des cours de promenade étaient en position de sieste et que les cellules pour personnes à mobilité réduite étaient manifestement utilisées à des fins de repos du personnel, des cartes de jeux y ont été retrouvées.
Le tutoiement des personnes captives, déjà relevé en 2009, a été constaté à plusieurs reprises. Il a été fait état de façon récurrente et concordante d'humiliations et de provocations de la part des surveillants pénitentiaires à l'encontre de la population pénale. Beaucoup de personnes détenues ont hésité à s'exprimer par crainte de représailles. Certaines ont évoqué la passivité des surveillants face aux violences entre détenus et une participation active de certains agents à des trafics illicites, sans que cette allégation qui semble récurrente n'ait donné lieu à des mesures de contrôle propres à l'infirmer ou à la confirmer.
La Contrôleure générale s'inquiète que de tels comportements puissent avoir lieu sans entraîner de réponse forte de la direction de l'établissement dans la mesure où ils caractérisent d'une part, un défaut de surveillance qui, outre la sécurité de l'établissement, est de nature à engendrer la violation des droits fondamentaux des personnes détenues, tout particulièrement la préservation de leur intégrité physique et d'autre part, le non-respect des obligations déontologiques s'imposant aux personnels pénitentiaires.
Enfin, la Contrôleure générale recommande que la direction soit particulièrement vigilante au respect des dispositions de l'article 8-2 de la loi du 30 octobre 2007 modifié qui prévoit qu'« aucune sanction ne peut être prononcée et aucun préjudice ne peut résulter du seul fait des liens établis avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou des informations ou des pièces qui lui ont été données se rapportant à l'exercice de sa fonction ».

mercredi 6 mai 2015

mise en ligne du rapport 2014 de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté publie son rapport d’activité pour 2014, le premier depuis sa nomination en juillet dernier. Il s’agit du septième rapport annuel depuis la création de l’institution en 2008.


"J’ai également conscience du travail important entrepris dans le champ du respect des droits des personnes atteintes de troubles mentaux. Le législateur, en 2011 et 2013, avait réalisé une avancée en introduisant dans la procédure un contrôle par le juge judiciaire, garant de ce respect. Mais notre tâche est de vérifier qu’au quotidien, il n’est pas porté d’atteintes aux droits de ces personnes que leur état de santé rend particulièrement vulnérables. Je l’ai dit, je souhaite faire de ce champ un axe prioritaire de mon mandat. Il existe environ 360 institutions qui dans ce pays reçoivent des personnes hospitalisées sans leur consentement. Nous en avons contrôlé environ un tiers. Il nous appartiendra d’ici 2020 d’avoir visité l’ensemble de ces établissements, quels que soient leurs statuts juridiques dès lors que le consentement des personnes qui y sont reçues est absent. D’ores et déjà, au cours de l’année 2014, en contrôlant quinze établissements de santé, des aspects notoires ont été mis en évidence.


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Les suites données à l’avis du 17 janvier 2013 relatif aux séjours injustifiés en unités pour malades difficiles
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié au Journal officiel du 5 février 2013 un avis relatif aux séjours injustifiés en unités pour malades difficiles (UMD).
Les personnes qui «présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique » peuvent être admises en UMD, établissements psychiatriques spécialisés.
L’admission en UMD s’effectue sur décision du représentant de l’État, c’est-à-dire sur décision du préfet.
La sortie est aussi décidée par arrêté préfectoral après avis de la commission du suivi médical de l’UMD estimant que le patient ne présente plus un danger tel qu’il nécessite son maintien en UMD. Le plus souvent, il est décidé que le patient retourne dans un service de psychiatrie classique de son établissement d’origine ; la réglementation pose un délai de vingt jours à cette fin.
Or le CGLPL a constaté que des patients restent en UMD alors même que la commission de suivi médical et le préfet se sont prononcés en faveur de leur sortie. Outre le fait que souvent l’établissement d’origine n’est pas très enclin, par appréhension spontanée, à réadmettre un patient qui a représenté pour le personnel un danger, c’est surtout le flou des textes qui ne permet pas de déterminer l’autorité en mesure d’imposer l’établissement devant accueillir un patient sorti d’une UMD et laisse place à des tractations aux résultats aléatoires. Durant ce temps, le patient est obligé de patienter et de rester dans l’UMD.
Le Contrôleur général a recommandé aux pouvoirs publics de prendre des dispositions par voie de circulaire :
         d’une part, en rappelant que l’arrêté du préfet mettant fin au séjour en UMD doit être suivi simultanément de l’arrêté du préfet du département de l’établissement d’origine réadmettant le malade dans ce dernier ; ces arrêtés s’imposant naturellement à l’établissement, dont l’inaction engage sa responsabilité vis-à-vis du patient et des siens ;
-          d’autre part, en définissant une procédure permettant à l’agence régionale de santé compétente (ou, en cas de pluralité d’agences, à l’administration centrale), dûment saisie en temps utile par la direction de l’UMD, le soin de déterminer sans délai, en cas de doute, l’établissement de retour, le critère essentiel à suivre en la matière étant la faculté de réadaptation du patient, notamment au regard de ses liens familiaux, le préfet de département ainsi déterminé devant ensuite prendre sans délai l’arrêté nécessaire.
Cet avis, transmis à la ministre des affaires sociales et de la santé le 17janvier 2013 n’a reçu de réponse ni au 5
février 2013, jour de la publication, ni dans le courant de l’année 2014

Indépendamment du fait que l’article L.3222-3 du code de la santé publique qui fonde la création des UMD a été abrogé par la loi du 27 septembre 2013, les UMD demeurent et sont désormais régies par les dispositions de droit commun relatives aux soins sans consentement. L’instruction interministérielle du 15 septembre 2014 ne répond que très partiellement aux demandes exprimées par le CGLPL.
En effet, cette instruction dispose : «s’agissant des dispositions réglementaires relatives aux UMD (articles R. 3222-3 à R. 3222-8 du CSP), elles restent pour l’essentiel applicables mais sont susceptibles d’évoluer à très court terme. Cependant, il faut d’ores et déjà prendre en considération la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 13 mars 2013, SCP PEIGNOT, n° 354976) selon laquelle « Le représentant de l’État du département dans lequel une personne est hospitalisée d’office est compétent pour décider seul, en vertu de ses pouvoirs de police spéciale, du transfert de cette personne vers un autre établissement, même si ce dernier est situé dans un autre département. Le représentant de l’État de cet autre département n’a à prendre, au titre de la procédure de transfert, aucune mesure d’hospitalisation d’office ». Cette décision invalide l’article R. 3222-2. »
Les deux recommandations exprimées précédemment par le Contrôleur général aux pouvoirs publics n’ayant pas reçu de réponse précise, la situation des patients concernés ne s’est guère améliorée. Certains malades continuent à attendre leur transfert dans un site plus respectueux du maintien de leurs liens familiaux et de l’évolution favorable de leur état de santé