jeudi 31 janvier 2013

la sexualité des patients dans les hôpitaux psychiatriques sous le regard du juge



La sexualité peut elle être interdite dans un règlement intérieur de manière générale et impersonnelle indépendamment de toute considération concernant la pathologie et le traitement propres à chaque patient ? Pour le juge administratif une telle interdiction porte une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée, garanti par la CEDH (art. 8) et du code civil (art.9).


 8. Considérant, toutefois, que l'interdiction en cause, qui s'impose à tous les patients de l'unité, quelle que soit la pathologie dont ils souffrent, son degré de gravité et pendant toute la durée de leur hospitalisation, présente un caractère général et absolu ; que le centre hospitalier n'invoque aucun élément précis relatif à l'état de santé des patients de cette unité et à la mise en oeuvre de traitements médicaux qui justifierait une interdiction d'une telle portée ; que, telle que formulée dans le règlement de fonctionnement de l'unité Verneuil, l'interdiction en cause impose à l'ensemble des patients de cette unité une sujétion excessive au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ; que la décision du 27 octobre 2008 par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac a refusé d'abroger la disposition litigieuse du règlement de fonctionnement de l'unité Verneuil est donc entachée d'illégalité ;
 
Voici l'ensemble de l'arrêt rendu par Cour administrative d'appel de Bordeaux le 6 novembre 2012
(n° 11BX01790)



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1. Considérant que M. B. et l'UDAF 33 relèvent appel du jugement en date du 11 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. B. tendant à l'annulation de la décision du 27 octobre 2008 par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac a refusé d'abroger une disposition du règlement intérieur de l'unité Verneuil ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier spécialisé de Cadillac :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 468 du code civil, issu de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 : « La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur [...] introduire une action en justice ou y défendre » ; que si une requête formée par une personne qui n'a pas la capacité pour agir en justice en raison d'une mise sous curatelle est, de ce fait irrecevable, une telle irrecevabilité peut être couverte en cours d'instance par une personne habilitée à représenter le majeur placé sous curatelle, si elle s'en approprie les conclusions ;

3. Considérant qu'il est constant que M. B., qui a été placé sous curatelle par une décision du juge des tutelles en date du 15 juin 1999, ne dispose pas de la capacité d'ester en justice ; que, toutefois, l'irrecevabilité de sa requête a été couverte en cours d'instance par la présentation par l'Union départementale des associations familiales de la Gironde, en qualité de curateur du requérant, d'un mémoire par lequel elle s'approprie les conclusions de l'intéressé; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier spécialisé de Cadillac tirée de l'incapacité de M. B. d'ester en justice doit être écartée ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale [...]. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire [...] à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article 9 du code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée » ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 326-3, devenu L. 3211-3 du code de la santé publique : « Lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement [...] les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée [...] / En tout état de cause, elle dispose du droit : 1° De communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4 ; / 2° De saisir la commission prévue à l'article L. 3222-5 ; / 3° De prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ; / 4° D'émettre ou de recevoir des courriers ; / 5° De consulter le règlement intérieur de l'établissement tel que défini à l'article L. 3222-3 et de recevoir les explications qui s'y rapportent ; / 6° D'exercer son droit de vote ; / 7° De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix » ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'ingérence dans l'exercice du droit d'une personne atteinte de troubles mentaux, hospitalisée sans son consentement, au respect de sa vie privée qui constitue une liberté individuelle et dont le respect de la vie sexuelle est une composante, par une autorité publique, ne peut être légale que si elle répond à des finalités légitimes et qu'elle est adéquate et proportionnée au regard de ses finalités ;

7. Considérant que le règlement de fonctionnement de l'unité Verneuil du centre hospitalier spécialisé de Cadillac dispose, en ce qui concerne l'utilisation des chambres, que : « L'unité Verneuil est un lieu de soins où l'intimité, la sécurité et la tranquillité du patient hospitalisé doivent être assurées. [...] / Le respect de sa propre intimité et de celle d'autrui est nécessaire. / A ce titre, les relations de nature sexuelle ne sont pas autorisées. Cette interdiction s'impose dans la mesure où les patients d'un établissement psychiatrique sont vulnérables et nécessitent d'être protégés [...] » ; que M. B., alors qu'il se trouvait hospitalisé dans cette unité, sans son consentement, a demandé au directeur du centre hospitalier d'abroger les dispositions de ce règlement interdisant les relations sexuelles ; que, par une décision du 27 octobre 2008, le directeur du centre hospitalier a rejeté sa demande arguant de ce que le droit à de libres relations sexuelles ne figure pas dans la liste des droits énumérés à l'article L. 3211-3 du code de la santé publique, de ce que l'interdiction ne concernait que les pratiques sexuelles entre patients et de ce que les malades d'un hôpital sont vulnérables et doivent être protégés de tous abus ;

8. Considérant, toutefois, que l'interdiction en cause, qui s'impose à tous les patients de l'unité, quelle que soit la pathologie dont ils souffrent, son degré de gravité et pendant toute la durée de leur hospitalisation, présente un caractère général et absolu ; que le centre hospitalier n'invoque aucun élément précis relatif à l'état de santé des patients de cette unité et à la mise en oeuvre de traitements médicaux qui justifierait une interdiction d'une telle portée ; que, telle que formulée dans le règlement de fonctionnement de l'unité Verneuil, l'interdiction en cause impose à l'ensemble des patients de cette unité une sujétion excessive au regard des stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique ; que la décision du 27 octobre 2008 par laquelle le directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac a refusé d'abroger la disposition litigieuse du règlement de fonctionnement de l'unité Verneuil est donc entachée d'illégalité ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B. et l'UDAF 33 sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. B. tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac du 27 octobre 2008 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que l'aide juridictionnelle n'ayant pas été accordée à M. B., son avocat ne peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de Cadillac une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par M. B. et l'UDAF 33 et non compris dans les dépens ;

Décide :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 11 mai 2011 et la décision du directeur du centre hospitalier spécialisé de Cadillac en date du 27 octobre 2008 sont annulés.

Article 2 : Le centre hospitalier spécialisé de Cadillac versera à M. B. et à l'UDAF 33, ensemble, une somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier spécialisé de Cadillac tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

jeudi 24 janvier 2013

rapport sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, présenté par M. Dominique Raimbourg

Le mercredi 23 janvier 2013, la commission des Lois a autorisé la publication du rapport d’information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale, présenté par M. Dominique Raimbourg, président et rapporteur.
Après avoir brièvement décrit la situation actuelle de surpopulation carcérale, ses causes et ses conséquences, le rapport préconise, à titre liminaire, de favoriser l’évolution du regard de la société sur la justice pénale. Il formule ensuite une série de propositions visant à :
– éviter autant que possible les incarcérations ;
– faire de l’emprisonnement une sanction utile pour le condamné dans la perspective de sa réinsertion ;
– garantir aux personnes condamnées à des peines ou mesures en milieu ouvert un véritable accompagnement.
Le rapport se conclut par la présentation d’un dispositif de résorption puis de prévention de la surpopulation carcérale, destiné à limiter le nombre de personnes détenues à la capacité opérationnelle des prisons, auquel il pourrait être recouru si les autres propositions ne permettaient pas de mettre un terme au surpeuplement des établissements pénitentiaires d’ici 2017.

Source http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/moyens_lutte_surpopulation_carcerale.asp

samedi 5 janvier 2013

Conseil d'Etat ordonnance des Baumettes

Voici l'annonce rendue par le Conseil d'Etat à propos des Baumettes 
 lien vers l'ordonnance


Nos 364584,364620,364621,364647

 (sur légifrance)
L’essentiel :
La Section française de l’observatoire des prisons avait saisi le juge des référés liberté du tribunal administratif de Marseille de la question de l’état du centre pénitentiaire des Baumettes, en lui demandant de prescrire la mise en œuvre de plusieurs mesures urgentes.
Le juge des référés du Conseil d’État était saisi en appel de deux demandes auxquelles il n’avait pas été fait droit : la réalisation d’une inspection de l’ensemble des cellules individuelles et la mise en œuvre de mesures de dératisation et de désinsectisation de la prison.
Après avoir constaté que l’inspection des cellules avait déjà été réalisée, le juge des référés du Conseil d’État a enjoint à l’administration pénitentiaire de procéder sous dix jours à la détermination des mesures nécessaires à l’éradication des animaux nuisibles présents dans les locaux du centre pénitentiaire.

1.  Les faits à l’origine de l’affaire et la procédure
A la suite de l’inspection de la prison des Baumettes au cours du moins d’octobre 2012, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié, le 6 décembre 2012, des recommandations relatives à l’état préoccupant de ce centre pénitentiaire. La Section française de l’observatoire international des prisons avait alors demandé au juge des référés liberté du tribunal administratif de Marseille de prendre toutes mesures utiles pour faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des détenus du fait de leurs conditions de détention.
Le juge des référés du tribunal administratif de Marseille avait, par une ordonnance du 13 décembre 2012, fait droit à certaines demandes. Il avait ordonné à l’administration de veiller à ce que chaque cellule soit dotée d’un éclairage artificiel et d’une fenêtre en état de fonctionnement, de faire procéder à l’enlèvement des détritus dans les parties collectives et les cellules et de modifier la méthode de distribution des plateaux repas, jusqu’ici posés à même le sol en dépit de la présence de nombreux insectes (moucherons, cafards, cloportes) et de rats. Il avait, en revanche, rejeté les demandes tendant à l’inspection de l’ensemble des cellules et à la mise en œuvre de mesures d’éradication des espèces nuisibles présentes dans le centre pénitentiaire.
Le juge des référés du Conseil d’État était saisi en appel de cette ordonnance par la Section française de l’observatoire international des prisons, soutenue par plusieurs organisations d’avocats et de magistrats. 
2.  L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État
Le juge des référés du Conseil d’État a commencé par rappeler que l’administration pénitentiaire est tenue de protéger la vie des détenus et leur dignité, qui constituent des libertés fondamentales protégées au titre de la procédure de référé liberté. Il a relevé que la carence de l’administration dans l’entretien de la prison avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés.
Le juge des référés a estimé qu’il n’y avait pas lieu de prescrire une inspection de l’ensemble des cellules individuelles. Les mesures entreprises ou initiées par l’administration pénitentiaire à la suite des recommandations du contrôleur général des prisons – vérification des installations électriques et de plomberie, fermeture de cellules impropres à l’hébergement des détenus, engagement de travaux de réfection d’autres cellules – rendaient en effet cette mesure inutile.
Il a en revanche estimé que les mesures prises par l’administration pour mettre fin à la prolifération de rats et d’insectes (renforcement des effectifs du service d’entretien, augmentation de la fréquence des opérations de dératisation) étaient insuffisantes pour remédier à la situation. Il a alors prescrit à l’administration la réalisation dans un délai de dix jours :
- d’un diagnostic des prestations de lutte contre les animaux nuisibles à intégrer dans le prochain contrat de dératisation et de désinsectisation, qui devra prévoir des interventions préventives et curatives adéquates à la situation du centre pénitentiaire ;
- dans l’intervalle, d’une opération d’envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l’ensemble des locaux de ce centre.