mercredi 24 décembre 2014

La Cour de cassation se prononce sur les obligations à la charge de l'établissement suite à une hospitalisation en péril imminent


Après une hospitalisation "en péril imminent", le directeur de l'établissement doit informer la famille ou un proche du patient afin de permettre à ce dernier d'agir dans l'intérêt du patient (en particulier saisir le JLD s'il estime que la mesure est illégale).
Il est important que ce " proche" le bon et que la diffusion de l'information ne puisse se retourner contre le patient.
Le directeur doit par conséquent apporter la preuve qu'il a fait son possible pour agir dans l'intérêt du patient.


la Cour d'appel de DOUAI (affaire mentionnée sur ce blog) avait relevé le défaut d'information auprès des parents de la patiente.
Il est intéressant de relever l'interprétation de la Cour qui considère ainsi, pour une admission en péril imminent, qu'il convient d'informer les personnes "aptes à agir dans l'intérêt" de la personne à soigner (en l'espèce les parents, et non le mari eu égard au différend qui l'opposait à son épouse) et tracer cette information en vue d'être à même d'attester de l'accomplissement des formalités.

L'établissement avait informé le mari, en application des dispositions de l'article L.3212-1-II-2° du CSP, et non les parents.

La loi exige une information de la famille pour une admission en péril imminent : "(...)  le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci."




Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 18 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-26816
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Balat, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu que l'établissement public de santé mentale de Lille-Métropole fait grief à l'ordonnance attaquée (Douai, 26 septembre 2013) de prononcer la mainlevée immédiate de l'hospitalisation sans consentement de Mme X..., alors, selon le moyen :

1°/ que, dans le cas d'une hospitalisation en soins psychiatriques pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil doit informer la famille de la personne qui fait l'objet de soins de cette mesure ; que l'époux de Mme Y..., dont l'ordonnance attaquée a constaté qu'il avait été averti de l'hospitalisation sous contrainte de sa femme, étant un membre de la famille de celle-ci au sens de l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2, du code de la santé publique, en subordonnant la régularité de l'avis à la famille prévu par ce texte à l'avertissement également donné aux parents de la patiente de l'hospitalisation de celle-ci, le premier président de la cour d'appel de Douai a ajouté aux dispositions de l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2, susvisé et ainsi violé ce texte, ensemble l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;

2°/ que l'acte portant délégation par le directeur d'établissement d'accueil de ses compétences en matière d'admission en soins psychiatriques pour péril imminent doit être notifié à l'agent auquel la délégation est donnée et publié par tous moyens le rendant consultable ; que les délégations de signature du chef d'établissement étant affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet dans les locaux de l'EPSM Lille-Métropole, en exigeant qu'elles accompagnent, en outre, les décisions d'hospitalisation prononcées par délégation, le premier président de la cour d'appel de Douai a ajouté aux dispositions des articles R. 6143-38, D. 6143-34 et D. 6143-35 du code de la santé publique et ainsi violé ces textes, ensemble l'article L. 3216-1 du même code ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'aucun élément du dossier de la patiente ne permettait de retenir que son mari avait été avisé de son hospitalisation en soins psychiatriques pour péril imminent, qu'en l'état du conflit ancien et profond existant entre les deux époux, un tel avis n'aurait pu satisfaire aux exigences de l'article L. 3212-1, II, alinéa 2, du code de la santé publique et que, dans ces circonstances, le directeur de l'établissement hospitalier aurait dû informer les parents de Mme X..., aptes à agir dans l'intérêt de celle-ci, c'est à bon droit qu'en l'absence de toute information de la famille de l'intéressée, le premier président a ordonné la mainlevée immédiate de la mesure ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé sur le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour l'Etablissement public de santé mentale Lille-Métropole

Il est reproché à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir ordonné la mainlevée immédiate de l'hospitalisation sans consentement de Mme Chantal Y... née X... ;

AUX MOTIFS QUE, sur le respect de l'obligation d'information de la famille prévue par l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2 du code de la santé publique, l'article L. 3216-1 du même code issu de la loi du 5 juillet 2011 ¿ article entré en vigueur le 1er janvier 2013 ¿ s'agissant notamment des décisions administratives d'admission en hospitalisation en soins psychiatriques sous contrainte, prévoit que leur régularité ne peut être contestée que devant le juge judiciaire ; que cette disposition précise également qu'une irrégularité affectant une telle décision administrative n'entraîne la mainlevée de cette mesure que s'il en en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ; que l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2 du code de la santé publique s'agissant de l'hospitalisation en soins psychiatriques sur décision du directeur d'établissement dans l'hypothèse d'un péril imminent, dispose : « Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci » ; qu'il convient en premier lieu de souligner qu'à supposer même que le mari ait été informé de cette hospitalisation ¿ ce qui ne résulte d'aucun élément objectif du dossier (aucune mention ne figurant à ce sujet sur la décision d'hospitalisation) ¿ cet avis ne satisfait pas aux exigences du texte précité au regard de ce qu'existe entre les époux un conflit ancien et profond, élément que connaissait parfaitement le directeur de l'établissement hospitalier en cause ; qu'au cas particulier le chef d'établissement hospitalier aurait dû en conséquence avertir les parents de Mme Chantal Y... qui auraient été à même, ainsi informés, de tout faire pour que puissent être mises en place d'autres modalités de soins qu'une hospitalisation complète ; que le non-respect de cette exigence légale afférente à l'avis à la famille porte nécessairement atteinte aux droits de la patiente car elle n'a pu, faute d'avoir par devers elle un téléphone portable, avertir ses parents que quelques jours plus tard ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur la régularité de la délégation de signature, en application des dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, la décision d'admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent doit en principe être prononcée par le directeur de l'établissement ; que, toutefois, il lui est possible en application des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique de déléguer ses compétences en cette matière ; que, de plus, l'article D. 6143-34 du même code, s'agissant des exigences conditionnant la régularité de cette délégation, dispose : « Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation » ; que, par ailleurs, l'article D. 6143-35 du même code prévoit que ces délégations doivent être notifiées aux intéressés et publiées par tous moyens les rendant consultables ; que force est de constater qu'aucune des décisions d'hospitalisation concernant Mme Chantal Y..., qui toutes ont été prononcées par délégation, n'étaient accompagnées des délégations de signatures y afférentes ; que, par ailleurs, ces délégations de signatures n'étaient pas consultables notamment par voie d'affichage dans les locaux de l'hôpital par la patiente ; que le non-respect de ces exigences formelles cause nécessairement un grief à la patiente car elle n'a pas été mise en mesure de vérifier immédiatement que l'auteur de l'acte administratif d'hospitalisation sous contrainte avait juridiquement compétence et qualité pour prendre cette décision par essence attentatoire à la liberté individuelle ; qu'il convient donc à raison de ces irrégularités afférentes tant à l'avis à famille qu'à la délégation de signature, après infirmation de l'ordonnance querellée, d'ordonner la mainlevée immédiate de l'hospitalisation sans consentement imposé à Mme Chantal Y... née X... ;

ALORS, D'UNE PART, QUE, dans le cas d'une hospitalisation en soins psychiatriques pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil doit informer la famille de la personne qui fait l'objet de soins de cette mesure ; que l'époux de Mme Y..., dont l'ordonnance attaquée a constaté qu'il avait été averti de l'hospitalisation sous contrainte de sa femme, étant un membre de la famille de celle-ci au sens de l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2 du code de la santé publique, en subordonnant la régularité de l'avis à la famille prévu par ce texte à l'avertissement également donné aux parents de la patiente de l'hospitalisation de celle-ci, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Douai a ajouté aux dispositions de l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2 susvisé et ainsi violé ce texte, ensemble l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'acte portant délégation par le directeur d'établissement d'accueil de ses compétences en matière d'admission en soins psychiatriques pour péril imminent doit être notifié à l'agent auquel la délégation est donnée et publié par tous moyens le rendant consultable ; que les délégations de signature du chef d'établissement étant affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet dans les locaux de l'EPSM Lille-Métropole, en exigeant qu'elles accompagnent, en outre, les décisions d'hospitalisation prononcées par délégation, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Douai a ajouté aux dispositions des articles R. 6143-38, D. 6143-34 et D. 6143-35 du code de la santé publique et ainsi violé ces textes, ensemble l'article L. 3216-1 du même code.



ECLI:FR:CCASS:2014:C101495

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai , du 26 septembre 2013

mardi 23 décembre 2014

demande d'accès au dossier médical par le biais d'un référé liberté

Pour pouvoir pleinement défendre ses droits devant un juge, il faut pouvoir accéder à son dossier médical dans les plus brefs délais. Le juge des référés du TA de Nantes accepte le recours au référé liberté afin d’accélérer l’accès aux informations contenues dans le dossier du patient. Il est effet primordial pour pouvoir contester le bienfondé d’une hospitalisation de pouvoir disposer de son dossier avant de passer devant un juge. Le juge administratif dispose de moyens efficace de protéger les libertés fondamentales. Serait-il finalement plus protecteur que le juge judiciaire ?
6. Considérant que la possibilité de bénéficier d’un droit effectif au recours au juge a le caractère d’une liberté fondamentale au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que cette possibilité implique nécessairement que l’intéressé puisse obtenir la communication de l’intégralité des pièces figurant dans son dossier et au vu desquelles le juge va statuer, dans les limites prévues par la loi, tant sur la recevabilité que, le cas échéant, sur le fond de l’instance introduite, et ce dans un délai permettant à l’intéressé de constituer utilement sa requête; qu’il résulte de ce qui précède qu’en refusant sans motif légalement établi la communication à Mme B des informations médicales dont elle soutient sans être contredite qu’elles constituent un élément essentiel à l’appui des moyens qu’elle entend développer au soutien de son pourvoi en cassation, Le CHU de Nantes a porté en l’espèce une atteinte grave et manifestement illégale au droit au recours effectif ;



 TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE NANTES
N°1408210
Mme M-D B
Ordonnance du 3 octobre 2014
Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2014 sous le n° 1408210, présentée pour Mme M-D B, demeurant à Nantes (44100), par Me C ;

Mme B demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner au directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes de lui communiquer son dossier médical à compter de la notification de la présente ordonnance ;
Elle soutient que :
- il est porté une atteinte grave et manifestement immédiate à la liberté fondamentale constituée par la liberté d’accès du citoyen aux documents administratifs et aux données médicales le concernant ; le centre hospitalier universitaire de Nantes, qui n’a pas accusé réception de la demande de communication de son dossier médical notifiée le 28 août 2014, a méconnu les dispositions du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 et celles de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique qui organisent l’accès du patient au dossier médical le concernant mais ne permettent pas à l’administration de refuser cet accès ; il est également porté une atteinte grave et manifestement immédiate à la liberté fondamentale constituée par le principe d’égalité devant la loi à raison du caractère discriminatoire du refus de communiquer le dossier médical ; il est enfin porté une atteinte grave et manifestement immédiate à la liberté fondamentale constituée par le droit au procès équitable dès lors que le refus opposé par l’administration compromet le pourvoi en cassation formé par Mme B le 10 juillet 2013 contre l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Rennes du 18 juillet 2012 confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nantes du 28 juin 2012 ordonnant la poursuite des soins sous contrainte alors dispensés à Mme B;
 - la condition d’urgence doit être regardée comme remplie, d’une part à raison de la gravité de l’atteinte aux libertés fondamentales précitées, et d’autre part du fait de l’imminence de l’audience d’admissibilité du pourvoi en cassation de Mme B, qui se tiendra le 7 octobre 2014 ;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du 3 octobre 2014 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) » ; qu’enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (...) justifier de l’urgence de l’affaire » ;
 2. Considérant que Mme Marie-Dominique B, née le XX XX 19XX, a fait l’objet, à compter du 20 mai 2010 d’une mesure d’hospitalisation sous contrainte au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes sur le fondement des dispositions du III  du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, dans leur rédaction alors en vigueur ; qu’elle a demandé la mainlevée de cette mesure auprès du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nantes qui a rejeté cette demande par ordonnance du 28 juin 2012, confirmée en appel par ordonnance du premier président de la cour d’appel de Rennes du 18 juillet 2012 ; que Mme B a déposé contre cette dernière ordonnance un pourvoi en cassation le 10 juillet 2013, lequel pourvoi sera examiné en audience d’admissibilité par la formation compétente de la Cour de cassation le 7 octobre 2014 ; que, dans le cadre de la constitution de ce pourvoi, Mme B a présenté le 28 août 2014 auprès du directeur du CHU de Nantes  une demande de communication des documents constituant son dossier médical émis au cours de la période courant du 1er août 2012 au 25 août 2014 ; qu’en l’absence de réponse du directeur du CHU de Nantes à cette demande, Mme B demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au directeur de procéder sans délai à la communication des documents en cause ;
 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique : « Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. / Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie en application du quatrième alinéa. / (…) /  A titre exceptionnel, la consultation des informations recueillies, dans le cadre d'une admission en soins psychiatriques décidée en application des chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie du présent code ou ordonnée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, peut être subordonnée à la présence d'un médecin désigné par le demandeur en cas de risques d'une gravité particulière. En cas de refus du demandeur, la commission départementale des soins psychiatriques est saisie. Son avis s'impose au détenteur des informations comme au demandeur. » ; qu’aux termes de l’article 20 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée : « La commission d'accès aux documents administratifs est une autorité administrative indépendante (…) La saisine pour avis de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux. » ; qu’enfin, aux termes de l’article 21 de la même loi : « La commission est également compétente pour connaître des questions relatives : A.-A l'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques relevant des dispositions suivantes (…) « 14° Les articles L. 1111-7 et L. 1131-1 du code de la santé publique… » ;
 4. Considérant qu’il n’est pas contesté que le CHU de Nantes a été rendu destinataire de la demande de communication de son dossier médical par Mme B le 28 août 2014 ; que cette demande comportait la mention du médecin à la présence duquel Mme B acceptait que soit subordonnée la consultation dudit dossier dans le cas où le CHU entendrait lui opposer les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique précité  ; que dès lors que les informations sollicitées par la requérantes dataient de moins de cinq ans et que la commission départementale des soins psychiatriques n’a pas été saisie dans les conditions prévue de ce quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique susmentionné, le CHU de Nantes, en ne permettant pas à Mme B d’accéder aux informations en cause dans le délai de huit jours indiqué au deuxième alinéa du même article, doit être regardé comme ayant opposé une décision implicite de rejet à la demande de la requérante ;
 5. Considérant que si la recevabilité d’un recours contentieux devant les juridictions administratives relatif à la communication du dossier médical est, en principe, subordonnée à l’exercice préalable d’un recours devant la commission d’accès aux documents administratifs en vertu des dispositions combinées du quatrième alinéa de l’article 20 et du 14° du A de l’article 21 de la loi du 17 juillet 1978 susrappelée, ces dispositions ne font toutefois  pas obstacle, eu égard à l’objet même de cette voie de recours, à ce que le juge des référés soit directement saisi, sur le fondement de l’article L. 521-2 du même code, d’une demande tendant au prononcé d’une des mesures de sauvegarde que cette disposition l’habilite à prendre, sous réserve que l'ensemble des conditions qu’elle pose soient remplies, notamment celle tenant à l’existence d’une situation d’urgence particulière ;
 6. Considérant que la possibilité de bénéficier d’un droit effectif au recours au juge a le caractère d’une liberté fondamentale au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que cette possibilité implique nécessairement que l’intéressé puisse obtenir la communication de l’intégralité des pièces figurant dans son dossier et au vu desquelles le juge va statuer, dans les limites prévues par la loi, tant sur la recevabilité que, le cas échéant, sur le fond de l’instance introduite, et ce dans un délai permettant à l’intéressé de constituer utilement sa requête; qu’il résulte de ce qui précède qu’en refusant sans motif légalement établi la communication à Mme B des informations médicales dont elle soutient sans être contredite qu’elles constituent un élément essentiel à l’appui des moyens qu’elle entend développer au soutien de son pourvoi en cassation, Le CHU de Nantes a porté en l’espèce une atteinte grave et manifestement illégale au droit au recours effectif ;
 7. Considérant en outre qu’ainsi qu’il a été dit, la formation compétente de la Cour de cassation statuera le 7 octobre 2014 sur l’admissibilité du pourvoi de Mme B; qu’il n’est ni soutenu et ni même allégué que la communication des informations demandées par Mme B ne serait pas nécessaire ou même utile à la justification de l’admission de ce pourvoi, ni que le conseil de Mme B pourrait obtenir de la Cour un renvoi de l’examen de l’admissibilité dudit pourvoi ; que dans ces conditions, Mme B établit l’existence d’une situation d’urgence particulière ;
 8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre au directeur du CHU de Nantes de communiquer sans délai à Mme B les informations contenues dans son dossier médicales et visées dans sa demande du 28 août 2014, sous réserve, le cas échéant, de la mise en œuvre des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique ;
 O R D O N N E
Article 1er : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier universitaire de Nantes de communiquer sans délai à Mme B les informations contenues dans son dossier médicales et visées dans sa demande du 28 août 2014, sous réserve, le cas échéant, de la mise en œuvre des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, à compter de la notification de la présent ordonnance.

Fait à Nantes, le 3 octobre 2014.

vendredi 28 novembre 2014

Instruction interministérielle DGS/MC4/DGOS/DLPAJ no 2014-262 du 15 septembre 2014 relative à l’application de la loi no 2013-869 du 27 septembre 2013



Instruction interministérielle DGS/MC4/DGOS/DLPAJ no 2014-262 du 15 septembre 2014 relative à l’application de la loi no 2013-869 du 27 septembre 2013 visant à modifier certaines dispositions issues de la loi no 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge


Résumé : la loi du 27  septembre  2013 a apporté des modifications importantes au dispositif des soins psychiatriques sans consentement : elle a notamment supprimé les dispositions relatives aux unités pour malades difficiles, restreint le champ de celles concernant les patients pénalement irresponsables, raccourci les délais de contrôle des hospitalisations complètes par le juge d’application des peines ainsi que les délais de saisine de ce juge, modifié le lieu de l’audience (désormais au sein des établissement de santé), rendu obligatoire la présence d’un avocat et supprimé le recours à la visioconférence.
Mots clés : soins psychiatriques sans consentement, patients pénalement irresponsables, unités pour malades difficiles, contrôle par le juge, nouveaux délais de saisine du juge.
Textes de référence : loi no 2013-869 du 27  septembre  2013 visant à modifier certaines dispositions issues de la loi no 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (JO du 29 septembre); Décret n o 2014-897 du 15 août 2014 modifiant la procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle.


jeudi 27 novembre 2014

Responsabilité d’un établissement de santé mentale du fait des actes commis par un patient après la levée de la mesure de contrainte



Responsabilité d’un établissement de santé mentale du fait des actes commis par un patient après la levée de la mesure de contrainte



Reste-ton responsable des actes commis par une personne dont on a plus juridiquement la garde? Pour le dire autrement, un établissement de santé mentale peut-il être responsable des faits commis par un patient après la levée d’une mesure d’hospitalisation complète sous contrainte ? La question mérite d’être posée depuis les réformes législatives de 2011 et 2013 qui instaurent le programme de soins (art. L. 3211-2-1° du CSP).

Les faits de cette affaire sont certes antérieurs à cette réforme mais la réponse apportée par la Cour administrative d’appel demeure d’une actualité brûlante et pose toute une série de questions sur les conséquences possibles des préconisations des psychiatres intervenant dans ces établissements. En l’espèce, un patient avait été hospitalisé sous contrainte une première fois à la demande du préfet entre octobre 2000 et juillet 2001, puis ré-hospitalisé en août 2002, toujours en raison de son comportement, compromettant « la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l'ordre public ». Le 30 septembre 2002, un psychiatre de l’établissement estimait que l’état du patient permettait de lever la mesure de contrainte car il « ne présentait plus d'idées délirantes ni de trouble thymique et que son comportement dans le service était adapté ». Il recommandait que ce dernier, souffrant de « schizophrénie délirante paranoïde », soit suivi par l’établissement en soins libres et qu’il se rende une fois par mois dans les services afin de poursuivre son traitement par injection. Cette préconisation prendrait aujourd’hui, selon toute vraisemblance, la forme d’un programme de soins qui permettrait de maintenir un suivi sous contrainte sans pour autant maintenir la mesure d’hospitalisation complète. Un an plus tard, ce patient a commis un assassinat pour lequel il a été reconnu pénalement irresponsable (abolition du discernement au sens de l’article L. 122-1 du code pénal). Les proches de la victime ont alors engagé un recours en responsabilité contre le préfet qui avait levé la mesure, mais aussi contre l’établissement de santé qui n’aurait pas correctement suivi le patient et informé l’autorité de police. Rappelons en effet que seule l’autorité administrative à l’origine de la mesure est compétente pour ordonner sa levée mais que cette décision est prise suite à un certificat médical « d’un psychiatre participant à la prise en charge » du patient (actuellement article L. 3213-9-1° du CSP).
 
La Cour administrative d’appel de Paris va d’abord refuser de retenir la responsabilité du préfet, autorité de police spéciale, en estimant que le représentant de l’Etat n’a commis aucune faute en prononçant la levée de la mesure de contrainte ou en ré-hospitalisant le patient dans les mois qui ont suivi. Selon elle, l’autorité de police est certes tenue de prendre des mesures efficaces pour prévenir un trouble à l’ordre public mais elle ne peut être tenue pour responsable de la survenance d’un risque qu’elle ignore. Si le préfet a levé la mesure c’est parce qu’il « a été induit en erreur par les conclusions médicales de l'établissement public de santé Maison Blanche ». Le préfet avait d’ailleurs tenté de vérifier la situation en sollicitant le médecin conseil de la préfecture de police (une particularité parisienne). La Cour note que le « médecin conseil n'a pu davantage diagnostiquer la dangerosité de M. F... dans la mesure où les informations qui lui ont été délivrées l'ont été par l'établissement public de santé Maison Blanche et qu'il n'a pas vu le patient ». Le préfet n’a en effet pas la possibilité d’accéder au dossier médical du patient. Pour se faire une opinion, il peut soit solliciter les services des ARS pour une étude des pièces fournies, soit demander un second avis psychiatrique en sollicitant le directeur de l’établissement de soins (art. L. 3213-9-1°-II du CSP). En l’espèce, le préfet ne pouvait maintenir l’hospitalisation contrainte en septembre 2002. Faute d’avoir été alerté sur la rupture du traitement après la levée de la mesure, il n’est pas non plus fautif de n’avoir pas pris un nouvel arrêté d’hospitalisation. Sur ce point, la Cour administrative suit le même raisonnement que celui tenu pour examiner l’inaction d’un maire face à un malade dangereux (CAA de Marseille, 6 décembre 2013, n° 11MA04604, Commune de Roquebrune-Cap-Martin, JCP adm, 2014, n°2234, note Péchillon).

Par contre, la Cour va estimer que la responsabilité de l’établissement de santé pouvait être retenue pour deux motifs. Le premier tient à la faute de service commise par le psychiatre à l’origine de la levée de la mesure de contrainte. Selon les juges, « l'établissement public de santé Maison Blanche, qui avait reconnu la nécessité d'hospitaliser M. F... eu égard à son état d'extrême d'agitation mais aussi à ses antécédents graves avec passages à l'acte, ne pouvait conclure que l'état de santé de ce dernier justifiait que l'hospitalisation soit levée dès lors que ce dernier se trouvait encore dans un état d'échappement thérapeutique avec un déni persistant de sa maladie ». En agissant de la sorte, l’établissement, à qui le préfet avait confié la surveillance du patient, « a sous-estimé la dangerosité de M. F. et son inconscience de l’entière nécessité de suivre un traitement ». Cette faute dans l’exercice de sa mission de service public est à l’origine exclusive de la décision du préfet. Elle engage donc la responsabilité de l’établissement. Le second motif justifiant l’engagement de sa responsabilité tient au fait que personne n’a cru bon de saisir le préfet après avoir constaté que le patient avait interrompu son traitement. Certes, ce dernier était juridiquement en soins libres, mais les juges considèrent que, compte tenu de ses antécédents, le service devait assurer un suivi vigilant du comportement du patient et signaler au préfet la rupture inquiétante de la prise du traitement.

C’est, en définitive, la parfaite connaissance du « risque psychiatrique » et la mauvaise transmission de l’information à l’autorité de police spéciale qui expliquent que l’établissement soit reconnu responsable. Ce type de responsabilité ne manquera pas d’être recherché lorsque des dommages seront causés par des patients suivis en programme de soins ou ayant rompu ledit programme. Comme le souligne le rapport d’expertise ayant conduit à la déclaration d’irresponsabilité pénale du patient, « le comportement très ambivalent de M. F... qui n'a accepté de se soumettre aux soins qu'en vue de sa sortie de l'hôpital sans réelle acceptation de la gravité de sa pathologie et de l'entière nécessité d'un suivi » aurait dû être pris en compte. Durant son séjour à l’hôpital, les soignants avaient d’ailleurs inscrit à plusieurs reprises son caractère à la fois « très revendicatif » et « très ambivalent aux soins ». Ce type de comportement ne peut être ignoré lors de l’élaboration d’un programme de soins ou d’une demande de levée de la mesure. La prise en charge des patients en psychiatrie n’est décidément pas une activité facile.


E. Péchillon