mercredi 24 décembre 2014

La Cour de cassation se prononce sur les obligations à la charge de l'établissement suite à une hospitalisation en péril imminent


Après une hospitalisation "en péril imminent", le directeur de l'établissement doit informer la famille ou un proche du patient afin de permettre à ce dernier d'agir dans l'intérêt du patient (en particulier saisir le JLD s'il estime que la mesure est illégale).
Il est important que ce " proche" le bon et que la diffusion de l'information ne puisse se retourner contre le patient.
Le directeur doit par conséquent apporter la preuve qu'il a fait son possible pour agir dans l'intérêt du patient.


la Cour d'appel de DOUAI (affaire mentionnée sur ce blog) avait relevé le défaut d'information auprès des parents de la patiente.
Il est intéressant de relever l'interprétation de la Cour qui considère ainsi, pour une admission en péril imminent, qu'il convient d'informer les personnes "aptes à agir dans l'intérêt" de la personne à soigner (en l'espèce les parents, et non le mari eu égard au différend qui l'opposait à son épouse) et tracer cette information en vue d'être à même d'attester de l'accomplissement des formalités.

L'établissement avait informé le mari, en application des dispositions de l'article L.3212-1-II-2° du CSP, et non les parents.

La loi exige une information de la famille pour une admission en péril imminent : "(...)  le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci."




Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 18 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-26816
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
Me Balat, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu que l'établissement public de santé mentale de Lille-Métropole fait grief à l'ordonnance attaquée (Douai, 26 septembre 2013) de prononcer la mainlevée immédiate de l'hospitalisation sans consentement de Mme X..., alors, selon le moyen :

1°/ que, dans le cas d'une hospitalisation en soins psychiatriques pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil doit informer la famille de la personne qui fait l'objet de soins de cette mesure ; que l'époux de Mme Y..., dont l'ordonnance attaquée a constaté qu'il avait été averti de l'hospitalisation sous contrainte de sa femme, étant un membre de la famille de celle-ci au sens de l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2, du code de la santé publique, en subordonnant la régularité de l'avis à la famille prévu par ce texte à l'avertissement également donné aux parents de la patiente de l'hospitalisation de celle-ci, le premier président de la cour d'appel de Douai a ajouté aux dispositions de l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2, susvisé et ainsi violé ce texte, ensemble l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;

2°/ que l'acte portant délégation par le directeur d'établissement d'accueil de ses compétences en matière d'admission en soins psychiatriques pour péril imminent doit être notifié à l'agent auquel la délégation est donnée et publié par tous moyens le rendant consultable ; que les délégations de signature du chef d'établissement étant affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet dans les locaux de l'EPSM Lille-Métropole, en exigeant qu'elles accompagnent, en outre, les décisions d'hospitalisation prononcées par délégation, le premier président de la cour d'appel de Douai a ajouté aux dispositions des articles R. 6143-38, D. 6143-34 et D. 6143-35 du code de la santé publique et ainsi violé ces textes, ensemble l'article L. 3216-1 du même code ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'aucun élément du dossier de la patiente ne permettait de retenir que son mari avait été avisé de son hospitalisation en soins psychiatriques pour péril imminent, qu'en l'état du conflit ancien et profond existant entre les deux époux, un tel avis n'aurait pu satisfaire aux exigences de l'article L. 3212-1, II, alinéa 2, du code de la santé publique et que, dans ces circonstances, le directeur de l'établissement hospitalier aurait dû informer les parents de Mme X..., aptes à agir dans l'intérêt de celle-ci, c'est à bon droit qu'en l'absence de toute information de la famille de l'intéressée, le premier président a ordonné la mainlevée immédiate de la mesure ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé sur le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils pour l'Etablissement public de santé mentale Lille-Métropole

Il est reproché à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir ordonné la mainlevée immédiate de l'hospitalisation sans consentement de Mme Chantal Y... née X... ;

AUX MOTIFS QUE, sur le respect de l'obligation d'information de la famille prévue par l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2 du code de la santé publique, l'article L. 3216-1 du même code issu de la loi du 5 juillet 2011 ¿ article entré en vigueur le 1er janvier 2013 ¿ s'agissant notamment des décisions administratives d'admission en hospitalisation en soins psychiatriques sous contrainte, prévoit que leur régularité ne peut être contestée que devant le juge judiciaire ; que cette disposition précise également qu'une irrégularité affectant une telle décision administrative n'entraîne la mainlevée de cette mesure que s'il en en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ; que l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2 du code de la santé publique s'agissant de l'hospitalisation en soins psychiatriques sur décision du directeur d'établissement dans l'hypothèse d'un péril imminent, dispose : « Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci » ; qu'il convient en premier lieu de souligner qu'à supposer même que le mari ait été informé de cette hospitalisation ¿ ce qui ne résulte d'aucun élément objectif du dossier (aucune mention ne figurant à ce sujet sur la décision d'hospitalisation) ¿ cet avis ne satisfait pas aux exigences du texte précité au regard de ce qu'existe entre les époux un conflit ancien et profond, élément que connaissait parfaitement le directeur de l'établissement hospitalier en cause ; qu'au cas particulier le chef d'établissement hospitalier aurait dû en conséquence avertir les parents de Mme Chantal Y... qui auraient été à même, ainsi informés, de tout faire pour que puissent être mises en place d'autres modalités de soins qu'une hospitalisation complète ; que le non-respect de cette exigence légale afférente à l'avis à la famille porte nécessairement atteinte aux droits de la patiente car elle n'a pu, faute d'avoir par devers elle un téléphone portable, avertir ses parents que quelques jours plus tard ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur la régularité de la délégation de signature, en application des dispositions de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, la décision d'admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent doit en principe être prononcée par le directeur de l'établissement ; que, toutefois, il lui est possible en application des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique de déléguer ses compétences en cette matière ; que, de plus, l'article D. 6143-34 du même code, s'agissant des exigences conditionnant la régularité de cette délégation, dispose : « Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation » ; que, par ailleurs, l'article D. 6143-35 du même code prévoit que ces délégations doivent être notifiées aux intéressés et publiées par tous moyens les rendant consultables ; que force est de constater qu'aucune des décisions d'hospitalisation concernant Mme Chantal Y..., qui toutes ont été prononcées par délégation, n'étaient accompagnées des délégations de signatures y afférentes ; que, par ailleurs, ces délégations de signatures n'étaient pas consultables notamment par voie d'affichage dans les locaux de l'hôpital par la patiente ; que le non-respect de ces exigences formelles cause nécessairement un grief à la patiente car elle n'a pas été mise en mesure de vérifier immédiatement que l'auteur de l'acte administratif d'hospitalisation sous contrainte avait juridiquement compétence et qualité pour prendre cette décision par essence attentatoire à la liberté individuelle ; qu'il convient donc à raison de ces irrégularités afférentes tant à l'avis à famille qu'à la délégation de signature, après infirmation de l'ordonnance querellée, d'ordonner la mainlevée immédiate de l'hospitalisation sans consentement imposé à Mme Chantal Y... née X... ;

ALORS, D'UNE PART, QUE, dans le cas d'une hospitalisation en soins psychiatriques pour péril imminent, le directeur de l'établissement d'accueil doit informer la famille de la personne qui fait l'objet de soins de cette mesure ; que l'époux de Mme Y..., dont l'ordonnance attaquée a constaté qu'il avait été averti de l'hospitalisation sous contrainte de sa femme, étant un membre de la famille de celle-ci au sens de l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2 du code de la santé publique, en subordonnant la régularité de l'avis à la famille prévu par ce texte à l'avertissement également donné aux parents de la patiente de l'hospitalisation de celle-ci, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Douai a ajouté aux dispositions de l'article L. 3212-1, II°, alinéa 2 susvisé et ainsi violé ce texte, ensemble l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'acte portant délégation par le directeur d'établissement d'accueil de ses compétences en matière d'admission en soins psychiatriques pour péril imminent doit être notifié à l'agent auquel la délégation est donnée et publié par tous moyens le rendant consultable ; que les délégations de signature du chef d'établissement étant affichées sur des panneaux spécialement aménagés à cet effet dans les locaux de l'EPSM Lille-Métropole, en exigeant qu'elles accompagnent, en outre, les décisions d'hospitalisation prononcées par délégation, le conseiller délégué par le premier président de la cour d'appel de Douai a ajouté aux dispositions des articles R. 6143-38, D. 6143-34 et D. 6143-35 du code de la santé publique et ainsi violé ces textes, ensemble l'article L. 3216-1 du même code.



ECLI:FR:CCASS:2014:C101495

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai , du 26 septembre 2013