mercredi 20 janvier 2016

Hospitalisation d’un patient en état de péril imminent : Comment trouver l’équilibre entre protection des droits du justiciable et respect de la vie privée de la personne hospitalisée ?



Hospitalisation d’un patient en état de péril imminent : Comment trouver l’équilibre entre protection des droits du justiciable et respect de la vie privée de la personne hospitalisée ?

TGI de Rennes, 05 janvier 2016, n°+16/00011, Madame X contre CH Guillaume Régnier


Le juge rennais ordonne la mainlevée d'une hospitalisation sous contrainte au motif que le directeur n'a pas prévenu la famille d'une patiente hospitalisée en péril imminent.
Dans cette affaire, la patient avait clairement indiqué à l'établissement qu'elle ne souhaitait pas que l'on avertisse sa famille de son hospitalisation.
Le juge rennais considère que le directeur aurait du passer outre le refus de la patiente et donc porter atteinte à sa vie privée.
Son argumentation repose sur une lecture "rigide" de la loi qui conduit à affaiblir la parole du patient et le respect de sa vie privée en privilégiant les droits du justiciable.

L'équilibre est délicat à trouver dans ce type d'affaire.
La solution semble être pour le directeur d'aviser la patiente que, si elle s'oppose à ce que le directeur prévienne sa famille, elle devra lui communiquer les coordonnées d'une autre personne susceptible d'agir dans son intérêt.

Sachant que la question sera toujours de savoir qu'elle est la valeur juridique de la parole d'une personne "incapable de consentir en raison de ses troubles mentaux"? 

Voici le contenu de l'ordonnance du 5 janvier 2016 


« L’article L. 3216-1 du code de la santé publique prévoit que la régularité des décisions administratives prises pour le placement et le maintien de personne en hospitalisation sans consentement ne peut être contestée que devant le juge judiciaire et que la régularité affectant une telle décision administrative n’entraîne la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet.

Dans le cadre d’une hospitalisation pour péril imminent, l’article L. 3212-1 II 2° prévoit que « le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci ».


Ainsi, le directeur doit aviser les personnes aptes à agir dans l’intérêt de la personne hospitalisée et justifier des démarches accomplies à ce titre (en ce sens Civ. 1 ère 18 décembre 2014, pourvoi n° 13-26816 ).


En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur a tenté d’aviser les personnes aptes à agir dans l’intérêt de la personne hospitalisée.

Il résulte en effet des pièces produites que madame X a demandé que sa famille ne soit pas informée de son hospitalisation et qu’en conséquence, cette dernière n’en a pas été avisée.

Cependant les dispositions sus citées ne prévoient pas d’exception à cette obligation d’information.

La finalité d’une telle information est de permettre à la personne avisée de pouvoir saisir le juge des libertés et de la détention s’il estime la contrainte injustifiée.

Il en résulte ainsi une irrégularité des décisions du directeur qui ont de fait porté atteinte aux droit de la personne hospitalisée de sorte que la mainlevée de la mesure doit être prononcée.

Cependant, eu égard aux certificats médicaux et au dernier avis médical motivé, il convient de dire que de mainlevée pourra prendre effet dans un délai de 24 h afin qu’un programme de soins puisse le cas échéant, être élaboré. Il résulte en effet de ces documents que madame *x a été hospitalisée pour un délite de persécution et une réticence au traitement. »

vendredi 15 janvier 2016

Le contrôle de l'usage des chambres d'isolement

Si pendant longtemps le placement en chambre d’isolement suscitait peu de recours judiciaires, ceux-ci devraient croître dans les années à venir, compte tenu d’un nouvel article de loi encadrant plus strictement les conditions de la mesure.

Article en ligne :
http://www.santementale.fr/boutique/acheter-article/chambre-d-isolement-quelle-protection-juridique-du-patient.html

 L'article voté (la loi est actuellement soumise au contrôle du C.Constitutionnel : 2015-727 DC)

Article 72
Après l’article L. 3222-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3222-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3222-5-1. – L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin.
« Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, qui peut être établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.
« L’établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l’article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l’article L. 6143-1. »