lundi 5 décembre 2016

Contrôle judiciaire des mesures de soins psychiatriques sans consentement : attention à l'autorité de la chose jugée



Article de  Mathias Couturier, Maître de conférences à l'université de Caen
A paraître  dans la prochaine livraison du Bulletin permanent Santé, bioéthique et biotechnologies des éditions législatives.



L’autorité de la chose jugée en matière de contrôle judiciaire des mesures de soins psychiatriques sans consentement
La Cour de cassation considère que lorsqu’une irrégularité d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement a déjà été soumise à l’examen du juge des libertés et de la détention (JLD), elle ne peut, à peine d’irrecevabilité, être soulevée à nouveau dans le cadre d’une nouvelle demande de mainlevée présentée au JLD.
La Cour de cassation, dans une décision du 19 octobre 2016, vient de donner application de la notion d’autorité de la chose jugée en matière de soins psychiatriques sans consentement. Une personne avait fait l’objet d’une admission par décision du directeur d’établissement d’accueil sur demande d’un tiers, dans le cadre de la procédure d’urgence prévue à l’article L 3212-3 du CSP, mise en œuvre sous forme d’hospitalisation complète. Lors du contrôle de plein droit à 12 jours de la mesure de soins, le JLD relevait une erreur matérielle contenue dans le document de notification de la décision d’admission, relativement à la date du certificat initial nécessaire à l’admission. Il validait néanmoins la mesure et ordonnait donc le maintien de celle-ci. Cette décision ne faisait l’objet de l’exercice d’aucune voie de recours.
15 jours après cette décision d’un premier JLD, le malade, soulevant à nouveau cette irrégularité, présentait au JLD une nouvelle demande de mainlevée de la mesure de soins. Ce second JLD faisait droit à la demande en se fondant sur cette irrégularité. Le premier président de la cour d’appel, saisi en cause d’appel, infirmait alors la décision du JLD en considérant que l’irrégularité en question n’était pas de nature à vicier la procédure, et ce d’autant plus que la mesure avait été validée par le premier JLD intervenant à 12 jours qui avait ainsi couvert cette irrégularité.
Un second JLD ne peut défaire ce qu’un premier JLD a décidé
La décision d’appel faisait alors l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation qui, confrontée à la question de savoir si le second JLD pouvait fonder la mainlevée de la mesure sur une irrégularité couverte par la décision du premier JLD, prononçait ainsi : « à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d’une instance ultérieure devant ce même juge ». Dès lors, la Cour de cassation considérait que, ayant constaté que la décision initiale d’hospitalisation complète avait déjà été soumise au contrôle de plein droit du JLD, le premier président avait, par ces seuls motifs, exactement décidé que la procédure avait été validée par l’ordonnance de ce juge prescrivant la poursuite de la mesure. En somme, il n’était même pas été nécessaire au premier président, pour justifier sa propre décision, d’affirmer que l’irrégularité en question n’était pas de nature à vicier la procédure : il lui suffisait de relever qu’elle avait été couverte par le premier JLD.
Une cause d’irrecevabilité de la demande qui doit être soulevée d’office
La Cour de cassation offre ainsi une bonne illustration de l’autorité de la chose jugée déclinée au cas des soins psychiatriques sans consentement. Celle-ci interdit aux parties de recommencer un nouveau procès qui porterait sur un différend qui aurait été déjà jugé, sous la condition, prévue à l’article 1355 du Code civil (anciennement 1351), d'une identité entre les deux procédures, identité résultant de trois éléments tous réunis dans cette affaire :
- identité de parties : en l’espèce, le malade et l’établissement d’accueil ;
- identité de chose demandée : en l’espèce, la mainlevée de la mesure ;
- identité de cause sur laquelle la demande est fondée : en l’espèce, l’irrégularité matérielle contenue dans le document de notification de la décision d’admission.
Lorsque ces trois éléments sont réunis, l’autorité de la chose jugée impose de prononcer  l’irrecevabilité de la demande, celle-ci devant être soulevée d’office par le juge comme l’a rappelé la Cour de cassation dans cette décision.
Quid des irrégularités non examinées par le premier JLD ?
Un point demeure cependant problématique à la lecture de l’arrêt de la Cour de cassation. Qu’en sera-t-il d’une irrégularité préexistant au premier contrôle du JLD mais qui ne serait pas venue à sa connaissance ? Lors du contrôle suivant, le JLD pourrait-il quand même, considérant que l’irrégularité en question n’a pas déjà fait l’objet d’un examen, se fonder sur elle pour prononcer la mainlevée ? L’arrêt de la Cour de cassation semble le proscrire en affirmant qu’aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d’une instance ultérieure devant ce même juge, et non qu’aucune irrégularité déjà examinée par le juge ne peut être soulevée lors d’une instance ultérieure. Il existerait alors une forme d’exigence d’unicité de l’instance dans la procédure de contrôle des soins psychiatriques sans consentement : lorsqu’un contrôle du JLD intervient, il faut impérativement soulever toutes les irrégularités envisageables pour la période sur laquelle porte le contrôle car il ne sera plus possible de le faire dans une instance ultérieure.
Cass. 1ère civ., 19 octobre 2016, n° 16-18849
 
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 19 octobre 2016
N° de pourvoi: 16-18849
Publié au bulletin Rejet

Mme Batut (président), président
SCP Lesourd, SCP de Nervo et Poupet, avocat(s)



Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par un premier président (Paris, 14 avril 2016), et les pièces de la procédure, que Mme X... a été admise en soins psychiatriques sans consentement, le 25 février 2016, sous le régime de l'hospitalisation complète, en application d'une décision du directeur d'établissement prise sur le fondement de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique ; que, le 7 mars, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de cette hospitalisation ; que, le 22 mars, la patiente a formé une demande de mainlevée de la mesure ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'ordonnance d'autoriser le maintien de son hospitalisation complète, alors, selon le moyen :

1°/ que nul ne peut être privé de sa liberté ; qu'une personne ne peut faire l'objet d'un internement en hôpital psychiatrique, sous le régime de l'hospitalisation complète sous contrainte, sur décision du directeur d'un établissement de soins, que si ses troubles mentaux rendent son consentement impossible et si son état mental impose une surveillance médicale permanente justifiant un tel internement ; que la décision d'admission du directeur de l'établissement de soins doit être accompagnée de deux certificats médicaux, dont le premier doit émaner d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement accueillant le malade ; qu'en l'espèce, le premier certificat médical a été établi par le docteur Y..., médecin psychiatre au sein du centre hospitalier Ballanger, le second certificat étant établi par un autre médecin du même centre ; que Mme X... a donc été internée contre sa volonté, sans que soient respectées les dispositions légales ; qu'en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a violé, ensemble, l'article L. 3212-1 du code de la santé publique et l'article 5, 1° de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que l'acte de notification de la décision d'internement psychiatrique mentionne que la notification n'a pu avoir lieu, la patiente étant « sédatée » ; qu'aucun élément du dossier ne permet de s'assurer que Mme X... a pu avoir connaissance des voies et délais de recours ; que, de ce fait, en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a, de plus fort, violé les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, 1° de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que les irrégularités initiales de la mise en détention de Mme X... n'ont pu être « couvertes » par la décision de prolongation prononcée par le juge de la liberté et de la détention en date du 7 mars 2016, obtenue par le directeur du centre hospitalier, sans aucun certificat d'un médecin extérieur à l'établissement et sans que la personne internée ait eu la possibilité de contester la décision initiale de mise en détention ; que le conseiller délégué a, pour cette troisième raison, violé les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, 1° et 6, 1° de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que le certificat initial du docteur Y... n'indiquait pas que les troubles mentaux de l'intéressée rendaient le consentement impossible ; que dès lors, en statuant comme il l'a fait, le conseiller délégué a violé, de plus fort, les articles L. 3212-1 du code de la santé publique et 5, 1° de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'à peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité de la procédure de soins psychiatriques sans consentement, antérieure à une audience à l'issue de laquelle le juge des libertés et de la détention se prononce sur la mesure, ne peut être soulevée lors d'une instance ultérieure devant ce même juge ; qu'ayant constaté que la décision initiale d'hospitalisation complète avait été soumise au contrôle de plein droit du juge des libertés et de la détention, le premier président a, par ces seuls motifs, exactement décidé que la procédure avait été validée par l'ordonnance de ce juge prescrivant la poursuite de la mesure ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Compte des détenus : feu vert pour les retenues d'office

Compte des détenus : feu vert pour les retenues d'office


Les retenues d'office sur le compte nominatif des détenus, encadrées par un décret publié le 3 novembre, sont de nouveau possibles.

Le Conseil d’État avait, le 10 février 2016, annulé une décision implicite de rejet de l’ancienne garde des Sceaux, suite à un recours en excès de pouvoir demandant l’abrogation de  l'article D. 332 du code de procédure pénale qui réglementait la possibilité, pour l’administration pénitentiaire, d’opérer des retenues d’office sur le compte nominatif des détenus. Une telle retenue était considérée comme une privation du droit de propriété, ne pouvant résulter du seul pouvoir réglementaire sans habilitation par une disposition législative (CE, 10 févr. 2016, n° 375426). Depuis, ces retenues sur la part disponible du pécule du détenu, qu'elles concernent des réparations de dommages matériels ou des sommes irrégulièrement détenues, étaient donc devenues impossibles.  Ce défaut de base législative a été corrigé par une modification de l'article 728-1 du CPP, issue de la loi n° 2016–731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé́, le terrorisme et leur financement, et amé́liorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Cet article précise désormais que "l’administration pénitentiaire a la faculté d’opérer d’office sur la part disponible des détenus des retenues en réparation de dommages matériels causés, sans préjudice de poursuites disciplinaires et pénales, s’il y a lieu. Sont, de même, versées au Trésor les sommes trouvées en possession irrégulière des détenus, à moins qu’elles ne soient saisies par ordre de l’autorité judiciaire". Les modalités de ces retenues devant être précisées par décret.
C'est désormais chose faite : le décret n° 2016-1472 du 28 octobre 2016, entré en vigueur le 4 novembre, modifie l'article D. 332 du code de procédure pénale et insère un nouvel article D. 332-1cadrant la procédure de décision de ces retenues et leurs notifications aux détenus, qui sont donc de nouveau possibles.




Article D332
Les retenues de valeurs pécuniaires en réparation de dommages matériels causés en détention, mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 728-1, sont prononcées par décision du chef d'établissement.
Cette décision mentionne le montant de la retenue et en précise les bases de liquidation. Le montant de la retenue est strictement nécessaire à la réparation du dommage constaté.
La décision est notifiée à la personne détenue et au régisseur des comptes nominatifs. Ce dernier procède à la retenue sur la part disponible du compte nominatif de la somme mentionnée dans la décision du chef d'établissement. Il verse au Trésor public les sommes retenues.

Article D332-1
Les sommes d'argent trouvées en possession irrégulière des personnes détenues, mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 728-1, acquises ou introduites irrégulièrement, sont transmises, sur décision du chef d'établissement, au régisseur des comptes nominatifs qui procède au versement des sommes au Trésor public. La décision est notifiée à la personne détenue.

jeudi 10 novembre 2016

évolution du nombre de patients en soins sous contrainte depuis la réforme de 2011

 https://www.senat.fr/questions/base/2016/qSEQ160521746.html

 

Question écrite n° 21746 de M. Jean-Pierre Masseret (Moselle - Socialiste et républicain)

publiée dans le JO Sénat du 12/05/2016 - page 1961

M. Jean-Pierre Masseret attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur l'augmentation inquiétante des mesures d'hospitalisations psychiatriques réalisées sous contrainte.
En effet, la commission des citoyens pour les droits de l'homme (CCDH) fait chaque année - ainsi en février 2016 - ce même constat, à partir des éléments statistiques fournis par le ministère de la justice : le constat de la multiplication des procédures d'internements sans consentement.
Il lui demande quelle mesure elle compte prendre pour renforcer les contrôles de ces hospitalisations sous contrainte et limiter l'utilisation de cette procédure.


Réponse du Ministère des affaires sociales et de la santé

publiée dans le JO Sénat du 27/10/2016 - page 4719

Depuis l'adoption de la loi du 5 juillet 2011, l'hospitalisation complète d'un patient en soins sans consentement fait l'objet d'un contrôle obligatoire exercé par le juge des libertés et de la détention. Les statistiques de la direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la justice rendent compte de l'effectivité de ce contrôle sur les mesures privatives de liberté et sont à mettre en perspective avec les travaux réalisés à partir du recueil d'informations médicalisées en psychiatrie (RIM-P) sur le nombre de mesures de soins sans consentement publiés pour les années 2007 à 2010 par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des affaires sociales et de la santé (DREES). De nouveaux travaux ont été publiés par l'institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) en janvier 2015 et ont permis d'étudier l'évolution du nombre de patients en soins sans consentement après l'adoption de la loi du 5 juillet 2011. D'après cette étude, financée par la direction générale de la santé, la part du recours aux soins sans consentement parmi le recours aux soins en psychiatrie n'a pas augmenté en 2012. En 2012, plus de 77 000 patients (contre 74 000 en 2010) ont été pris en charge au moins une fois sans leur consentement en psychiatrie, soit une augmentation de 4,5 % par rapport à 2010. Mais cette hausse est conforme à l'augmentation de la file active totale suivie en psychiatrie en établissement de santé : les patients ayant reçu des soins non consentis représentent toujours près de 5 % de la file active en 2012. Une nouvelle étude, associant professionnels de santé, directeurs d'établissements, représentants des usagers et des proches, juges des libertés et de la détention, élus et décideurs a démarré en février 2016 et porte sur le nombre de mesures prises entre 2012 et 2014. Un rapport final, contenant des données détaillées par département, fera l'objet d'une publication dans la revue « Questions d'économie de la Santé » comme le bilan réalisé sur les données 2012. Enfin, la loi n°  2016-41 de modernisation de notre système de santé, dans son article 72, a précisément indiqué que l'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Elle a rendu obligatoire la tenue d'un registre dans les établissements de santé accueillant des personnes en soins psychiatriques sans consentement, consignant toutes les mesures de contention et de mise en chambre d'isolement. Cette mesure, destinée à assurer la transparence du recours à ces pratiques, s'accompagne de la remise, par ces établissements de santé, d'un rapport annuel. Une instruction visant à ce que cette mesure s'applique de manière homogène sur tout le territoire est en cours de concertation.

mardi 1 novembre 2016

Comment contrôler les effets personnels des patients?



Tenus de garantir la sécurité des patients, les services de psychiatrie doivent organiser une surveillance de leurs effets personnels, avec une obligation de moyens, dans le respect de leurs droits fondamentaux.

Auteur(s) : Eric Péchillon, juriste, Professeur des Universités; Valériane Dujardin, juriste
Nbre de pages : 2


http://www.santementale.fr/boutique/acheter-article/comment-controler-les-effets-personnels-des-patients.html

mardi 18 octobre 2016

mise en ligne du rapport Laforcade sur la santé mentale

http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_rapport_laforcade_mission_sante_mentale_011016.pdf

 "Le présent rapport a pour objet d’élaborer des réponses concrètes permettant d’accompagner la mise en œuvre de la loi de modernisation de notre système de santé sur la question de la santé mentale. La question n’est pas tant de redire dans quel sens doit évoluer le système de santé que de proposer comment y parvenir, avec quels leviers, quelles alliances, quelles coopérations entre acteurs, quelles méthodes et quels moyens."

mardi 11 octobre 2016

Assistance juridique des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques : tout le monde n'y aurait pas droit !

Sur le site du sénat : https://www.senat.fr/questions/base/2015/qSEQ150215012.html
information transmise par André Bitton :  http://goo.gl/DyTaCH ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/584


Quelle curieuse réponse du ministère à une question pourtant centrale en matière de soins psychiatrique sous contrainte.
Le patient ne demande pas de le procès, il ne demande pas l'avocat mais il devra en supporter le coût, s'il ne relève pas de l'aide juridictionnelle.


Assistance juridique des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques

14e législature

Question écrite n° 15012 de Mme Marie-Françoise Perol-Dumont (Haute-Vienne - SOC)

publiée dans le JO Sénat du 26/02/2015 - page 416

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur l'assistance juridique des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques.
L'article 6 de la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge prévoit en effet « qu'à l'audience, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est entendue, assistée et représentée par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office ».
Si cette présence obligatoire d'un avocat s'inscrit pleinement dans le respect des droits des citoyens, il semblerait néanmoins qu'elle génère un coût conséquent, à la charge des patients ne pouvant bénéficier de l'aide juridictionnelle, constituant par là même un obstacle aux soins.
Elle lui demande donc sa position sur ce sujet et ce qu'elle envisage d'entreprendre en la matière.
Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice

publiée dans le JO Sénat du 06/10/2016 - page 4331

La loi n°  2013-869 du 27 septembre 2013, modifiant certaines dispositions issues de la loi n°  2011-803 du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,  a rendu obligatoire l'assistance par un avocat des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement au cours des audiences devant le juge des libertés et de la détention. Le deuxième alinéa du I de l'article L. 3211-12-2 du code de la santé publique prévoit ainsi désormais que la personne qui fait l'objet de soins est assistée ou représentée par un avocat. Cet avocat est choisi par la personne concernée, ou, à défaut désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office. Le principe de cette assistance obligatoire - ou représentation obligatoire lorsque la personne refuse de comparaître ou lorsque le juge décide de ne pas l'entendre au vu d'un avis médical circonstancié - vise à ce que la défense des intérêts de la personne faisant l'objet de soins psychiatriques soit assurée de façon effective. Il est vrai qu'en principe, lorsque l'avocat est désigné ou commis d'office, les frais d'avocat restent à la charge de la personne faisant l'objet de soins si les ressources de cette dernière dépassent le plafond ouvrant droit à l'aide juridictionnelle. Néanmoins, depuis l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions (1er septembre 2014), les dépenses engagées par l'État au titre de l'aide juridictionnelle (totale et partielle) pour les audiences devant le juge des libertés et de la détention statuant en matière de soins sans consentement ont considérablement augmenté, passant de 3 052 962 € en 2014 à 5 670 498 € en 2015. La plupart des personnes qui comparaissent devant le juge des libertés et de la détention en cette matière bénéficient ainsi de l'aide juridictionnelle. Quand bien même les frais d'avocat resteraient à la charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement lorsqu'elles ne peuvent pas bénéficier de l'aide juridictionnelle, un tel coût ne constitue en aucun cas un obstacle aux soins qui sont assurés et poursuivis dans le cadre de la mission de service public des établissements de santé.


mardi 4 octobre 2016

Isolement et contention « en dernier recours »

Isolement et contention « en dernier recours »

« L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. » Cette injonction du législateur reste une notion floue pour des soignants qui parfois « n’ont pas le choix ». Le dernier recours, c’est n’utiliser ces mesures que quand une relation d’apaisement empathique a échoué, quand un traitement médicamenteux per os adapté n’a pas été accepté ou n’a pas apaisé le patient, quand les techniques de désescalade n’ont pas eu de résultat et quand une analyse clinique laisse penser que ces pratiques sont proportionnées à la gravité des troubles et aux risques encourus.


La notion de « dernier recours », éclairage juridique

Auteur(s) : Eric PECHILLON, Professeur des universités
Nbre de pages : 5
La loi de modernisation de notre système de santé encadre les mesures d’isolement et de contention, désormais obligatoirement « de dernier recours ». Un puissant levier de contentieux pour les patients et leurs familles.

Numéro 210 septembre 2016
 http://www.santementale.fr/la-revue/numero-du-mois/

Bliographie
http://www.santementale.fr/boutique/acheter-article/isolement-et-contention-elements-de-bibliographie.html

jeudi 8 septembre 2016

La cour de cassation rappelle les limites de la rétroactivité des décisions individuelles en matière de psychiatrie

https://www.courdecassation.fr/IMG///20160711_note-explicative_avis_1670006_2.pdf

 L

Les dispositions des articles L. 3211-3, a), et L. 3213-1 du code de la santé publique ne permettent pas au préfet de différer la décision administrative imposant des soins psychiatriques sans consentement au-delà du temps strictement nécessaire à l’élaboration de l’acte.

vendredi 26 août 2016

L'usage du téléphone portable en psychiatrie

À l’hôpital, l’usage du téléphone portable pour les patients reste une question sensible car il n’est pas possible d’interdire une liberté ou un objet autorisé à l’extérieur de l’établissement. Le cadre juridique permet d'en réglementer l'usage:

Article consultable :
 http://www.santementale.fr/boutique/acheter-article/l-usage-du-telephone-portable-en-psychiatrie.html

mercredi 24 août 2016

La Cour de cassation précise le rôle du JLD mais ne simplifie pas les questions posées par la réforme de la psychiatrie

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000032530421


Le juge judiciaire ordonne la mainlévée d'une décision administrative illégale, il n'en prononce pas l'annulation!
Cette affaire pose de nombreuses questions sur les missions du juge et sur le dualisme juridictionnel

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 11 mai 2016
N° de pourvoi: 15-16233



LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que, si le juge judiciaire connaît des contestations portant sur la régularité des décisions administratives de soins sans consentement, il ne peut que prononcer la mainlevée de la mesure, s'il est résulté, de l'irrégularité qu'il constate, une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que M. X..., qui a fait l'objet de plusieurs mesures de soins sans consentement, notamment en hospitalisation complète, avant d'être pris en charge sous la forme d'un programme de soins, a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de cette mesure ;

Attendu que l'ordonnance annule la décision administrative d'admission en soins sans consentement sous la forme d'un programme de soins ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le juge judiciaire ne peut annuler une décision administrative, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 février 2015, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour l'Hôpital Sainte-Anne

Le moyen reproche à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir annulé la décision d'admission de M. Tristan X... en programme de soins en date du 22 août 2014, ainsi que les décisions ultérieures l'ayant maintenu en programme de soins,

AUX MOTIFS QUE
« Sur la validité de la mesure de programme de soins Il résulte des dispositions de l'article L.3211-2-1 du code de la santé publique qu'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement est prise en charge soit sous la forme d'une hospitalisation complète, soit sous toute autre forme pouvant notamment comporter des soins ambulatoires, un programme de soins devant alors être établi.

En l'espèce, il est établi que M. X... a été admis en soins psychiatriques sans son consentement sous la forme d'une hospitalisation complète par décision du 23 octobre 2012, puis maintenu en hospitalisation complète par décisions des 26 et 29 octobre 2012, et que ces trois décisions ont été annulées par le tribunal administratif de Paris le 18 mars 2014.

Si l'état de santé de M X... lui a permis de bénéficier à plusieurs reprises de programmes de soins (entrecoupés par quatre réintégrations en hospitalisation complète), et notamment à compter du 22 août 2014, cette décision relève d'un simple aménagement de la forme de prise en charge de M. X... dans le cadre de la mesure d'admission en soins psychiatriques sans consentement. Il convient de relever à cet égard que toutes les décisions prises à compter de cette admission (ou les certificats médicaux accompagnant celles-ci), visent comme date d'entrée le 23 octobre 2012. C'est notamment le cas du certificat médical de réintégration en date du 5 août 2014 et du programme de soins en date du 22 août 2014.

Il y a donc lieu de considérer que la décision d'admission de M. X... en soins psychiatriques sans son consentement, en date du 23 octobre 2012, constitue le fondement des décisions ultérieures de programmes de soins, et notamment de celle du 22 août 2014, faute pour le directeur d'établissement d'avoir pris une nouvelle décision d'admission purgeant la première du vice qui l'affectait, celui-ci ayant simplement prononcé la réintégration de M. X... en hospitalisation complète les 9 mai et 5 août 2014.

En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'affaire au fond, ni d'examiner le second moyen de nullité soulevé, la décision d'admission de M. X... en programme de soins prise le 22 août 2014, qui a pour effet de le maintenir dans le cadre de soins sans son consentement sur le fondement d'une décision d'admission déclarée illégale, doit être annulée, ainsi que les décisions ultérieures maintenant ce programme de soins »,

ALORS, D'UNE PART, QUE le droit à la santé est un principe à valeur constitutionnelle et que la décision de placer un patient en programme de soins trouve son fondement dans l'amélioration de son état de santé apprécié à la lueur des éléments médicaux versés au dossier et justifiant qu'il puisse être pris en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète de sorte que le placement en programme de soins après réintégration ne saurait être affecté par l'annulation de la décision initiale d'admission en soins psychiatriques sans consentement dont elle est indépendante si bien que la cour d'appel a violé le principe à valeur constitutionnelle de protection de la santé et les articles L 3111-2-1, L 3211-12, L 3211-12-1, L 3211-12-2 L 3211-12-5 et L 3216-1 du code de la santé publique ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la décision initiale d'hospitalisation complète en soins psychiatriques n'est pas le fondement légal d'une décision de programme de soins prise à la suite d'une décision de réintégration qui est autonome et instaure une nouvelle phase de procédure si bien que le premier président de la cour d'appel a violé les articles L 3111-2-1, L 3211-12, L 3211-12-1 L 3211-12-2 et L 3211-12-5 du code de la santé publique.




Décision attaquée : Cour d'appel de Paris , du 5 février 2015

vendredi 10 juin 2016

importante QPC sur le droit en détention

 

Décision n° 2016-543 QPC du 24 mai 2016

Section française de l'observatoire international des prisons [Permis de visite et autorisation de téléphoner durant la détention provisoire]

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI le 24 février 2016 par le Conseil d'État (décision n° 395126 du même jour), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Cette question a été posée pour la section française de l'observatoire international des prisons par la SCP Spinosi et Sureau, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2016-543 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles 35 et 39 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et des articles 145-4 et 715 du code de procédure pénale.

Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;
- le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Au vu des pièces suivantes :
- les observations présentées pour l'association requérante par la SCP Spinosi et Sureau, enregistrées les 17 mars et 1er avril 2016 ;
- les observations présentées par le Premier ministre, enregistrées le 17 mars 2016 :
- les pièces produites et jointes au dossier ;
Après avoir entendu Me Patrice Spinosi, pour l'association requérante, et M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, à l'audience publique du 10 mai 2016 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. L'article 35 de la loi du 24 novembre 2009 mentionnée ci-dessus prévoit : « Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires. Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.« L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions.
« L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer.
« Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l'autorité judiciaire.
« Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées ».

2. L'article 39 de la loi du 24 novembre 2009 prévoit : « Les personnes détenues ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Elles peuvent être autorisées à téléphoner à d'autres personnes pour préparer leur réinsertion. Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l'autorisation de l'autorité judiciaire.« L'accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information.
« Le contrôle des communications téléphoniques est effectué conformément à l'article 727-1 du code de procédure pénale ».

3. L'article 145-4 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 15 juin 2000 mentionnée ci-dessus prévoit : « Lorsque la personne mise en examen est placée en détention provisoire, le juge d'instruction peut prescrire à son encontre l'interdiction de communiquer pour une période de dix jours. Cette mesure peut être renouvelée, mais pour une nouvelle période de dix jours seulement. En aucun cas, l'interdiction de communiquer ne s'applique à l'avocat de la personne mise en examen.« Sous réserve des dispositions qui précèdent, toute personne placée en détention provisoire peut, avec l'autorisation du juge d'instruction, recevoir des visites sur son lieu de détention.
« À l'expiration d'un délai d'un mois à compter du placement en détention provisoire, le juge d'instruction ne peut refuser de délivrer un permis de visite à un membre de la famille de la personne détenue que par une décision écrite et spécialement motivée au regard des nécessités de l'instruction.
« Cette décision est notifiée par tout moyen et sans délai au demandeur. Ce dernier peut la déférer au président de la chambre de l'instruction qui statue dans un délai de cinq jours par une décision écrite et motivée non susceptible de recours. Lorsqu'il infirme la décision du juge d'instruction, le président de la chambre de l'instruction délivre le permis de visite ».

4. L'article 715 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 15 juin 2000 prévoit : « Le juge d'instruction, le président de la chambre de l'instruction et le président de la cour d'assises, ainsi que le procureur de la République et le procureur général, peuvent donner tous les ordres nécessaires soit pour l'instruction, soit pour le jugement, qui devront être exécutés dans les maisons d'arrêt ».

5. L'association requérante soutient que ces dispositions méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit de mener une vie familiale normale et le droit au respect de la vie privée. Elle soutient également que, faute de déterminer de façon suffisante des garanties nécessaires à la protection de ces mêmes droits, elles sont entachées d'une incompétence négative de nature à leur porter atteinte. En premier lieu, elle relève que, pendant l'instruction, le droit à un recours effectif est méconnu puisque les décisions relatives au permis de visite de personnes autres que les membres de la famille de la personne placée en détention provisoire ne peuvent être contestées, et qu'il en va de même de celles relatives à l'accès au téléphone et aux translations judiciaires de la personne placée en détention provisoire. Elle fait aussi valoir qu'aucun délai n'est prescrit au juge d'instruction pour statuer sur les demandes de permis de visite. En deuxième lieu, elle indique que les dispositions contestées ne précisent pas les motifs de nature à justifier, pendant l'instruction, le refus d'une demande de permis de visite pour les personnes autres que les membres de la famille. En troisième lieu, elle constate qu'après la clôture de l'instruction, les décisions de l'autorité judiciaire en matière de permis de visite, d'autorisation de téléphoner et de translation judiciaire de la personne placée en détention provisoire ne peuvent être contestées. Enfin, elle fait valoir qu'après la clôture de l'instruction, les dispositions contestées n'énumèrent pas les motifs de nature à fonder une décision défavorable.

6. Au sein des dispositions contestées, seuls les troisième et quatrième alinéas de l'article 145-4 du code de procédure pénale fixent des règles de procédure applicables à la délivrance des permis de visite au profit des personnes placées en détention provisoire. De même, seuls les mots : « et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information » figurant au deuxième alinéa de l'article 39 de la loi du 24 novembre 2009 sont relatifs aux règles de procédure applicables à la délivrance des autorisations de téléphoner au profit des personnes placées en détention provisoire. Enfin, aucune des dispositions contestées ne vise les translations judiciaires. La question prioritaire de constitutionnalité porte donc sur les troisième et quatrième alinéas de l'article 145-4 du code de procédure pénale et sur les mots « et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information » figurant au deuxième alinéa de l'article 39 de la loi du 24 novembre 2009.

- Sur l'atteinte portée au droit à un recours juridictionnel effectif :

7. Selon l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ». La liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration de 1789 implique le droit au respect de la vie privée.

8. Selon le dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

9. Selon l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Il résulte de cette disposition qu'il ne doit pas être porté d'atteinte substantielle au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction.

10. L'article 145-4 du code de procédure pénale définit les conditions dans lesquelles la personne placée en détention provisoire peut recevoir des visites. Il prévoit que, durant l'instruction, le permis de visite est délivré par le juge d'instruction. Lorsque la détention provisoire excède un mois, le juge d'instruction ne peut refuser de délivrer ce permis à un membre de la famille du détenu que par une décision écrite et spécialement motivée au regard des nécessités de l'instruction. Cette décision peut être contestée devant le président de la chambre de l'instruction.

11. L'article 39 de la loi du 24 novembre 2009 fixe les conditions dans lesquelles le détenu peut être autorisé à téléphoner. L'accès au téléphone pour les personnes placées en détention provisoire est soumis à autorisation de l'autorité judiciaire. Les motifs pour lesquels l'accès au téléphone peut leur être refusé, retiré ou suspendu tiennent au bon ordre, à la sécurité, à la prévention des infractions et aux nécessités de l'information judiciaire.

En ce qui concerne l'absence de voie de recours à l'encontre des décisions relatives au permis de visite et à l'autorisation de téléphoner d'une personne placée en détention provisoire :

12. Les troisième et quatrième alinéas de l'article 145-4 du code de procédure pénale sont relatifs aux permis de visite demandés au cours de l'instruction. Ils ne prévoient une voie de recours qu'à l'encontre des décisions refusant d'accorder un permis de visite aux membres de la famille de la personne placée en détention provisoire au cours de l'instruction. Ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne permettent de contester devant une juridiction une décision refusant un permis de visite dans les autres hypothèses, qu'il s'agisse d'un permis de visite demandé au cours de l'instruction par une personne qui n'est pas membre de la famille ou d'un permis de visite demandé en l'absence d'instruction ou après la clôture de celle-ci.

13. L'article 39 de la loi du 24 novembre 2009, relatif à l'accès au téléphone des détenus, ne prévoit aucune voie de recours à l'encontre des décisions refusant l'accès au téléphone à une personne placée en détention provisoire.

14. Au regard des conséquences qu'entraînent ces refus pour une personne placée en détention provisoire, l'absence de voie de droit permettant la remise en cause de la décision du magistrat, excepté lorsque cette décision est relative au refus d'accorder, durant l'instruction, un permis de visite au profit d'un membre de la famille du prévenu, conduit à ce que la procédure contestée méconnaisse les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Elle prive également de garanties légales la protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale.

En ce qui concerne l'absence de délai imparti au juge d'instruction pour répondre à une demande de permis de visite d'un membre de la famille de la personne placée en détention provisoire :

15. Les troisième et quatrième alinéas de l'article 145-4 du code de procédure pénale imposent au juge d'instruction une décision écrite et spécialement motivée pour refuser de délivrer un permis de visite à un membre de la famille de la personne détenue, lorsque le placement en détention provisoire excède un mois. Ils prévoient que cette décision peut être déférée par le demandeur au président de la chambre de l'instruction, qui doit statuer dans un délai de cinq jours.

16. Toutefois ces dispositions n'imposent pas au juge d'instruction saisi de telles demandes de statuer dans un délai déterminé sur celles-ci. S'agissant d'une demande portant sur la possibilité pour une personne placée en détention provisoire de recevoir des visites, l'absence de tout délai déterminé imparti au juge d'instruction pour statuer n'ouvre aucune voie de recours en l'absence de réponse du juge. Cette absence de délai déterminé conduit donc à ce que la procédure applicable méconnaisse les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789. Elle prive également de garanties légales la protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale.

17. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs, il résulte donc des motifs énoncés aux paragraphes 12 à 16 que les troisième et quatrième alinéas de l'article 145-4 du code de procédure pénale et les mots « et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information » figurant au deuxième alinéa de l'article 39 de la loi du 24 novembre 2009 doivent être déclarés contraires à la Constitution.

- Sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité :

18. Selon le deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration.

19. D'une part, les dispositions du 9° du paragraphe I de l'article 27 quater du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, prévoient de modifier l'article 145-4 du code de procédure pénale et notamment ses troisième et quatrième alinéas. Il est en particulier prévu d'ajouter des conditions de délivrance de l'autorisation de téléphoner à une personne placée en détention provisoire ainsi que des motifs pouvant être pris en compte pour refuser de délivrer un permis de visite ou une autorisation de téléphoner à une telle personne. Il est également prévu d'imposer aux magistrats compétents pour répondre à ces demandes un délai pour prendre ces décisions et d'aménager une voie de recours à leur encontre. Le 4° du paragraphe I de l'article 27 ter du même projet de loi prévoit enfin qu'en l'absence d'un recours spécifique prévu par les textes, l'absence de réponse du ministère public ou de la juridiction dans un délai de deux mois à compter d'une demande permet d'exercer un recours contre la décision implicite de rejet de la demande. Toutefois, ces dispositions ne sont pas encore définitivement adoptées par le Parlement au jour de la décision du Conseil constitutionnel.

20. D'autre part, l'abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de faire disparaître des dispositions permettant à certaines des personnes placées en détention provisoire d'exercer un recours contre certaines décisions leur refusant un permis de visite.

21. Afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il y a donc lieu de reporter la déclaration d'inconstitutionnalité ainsi que d'éviter que cette déclaration affecte les modifications législatives en cours d'adoption par le Parlement. Par conséquent, la déclaration d'inconstitutionnalité des mots « et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information » figurant au deuxième alinéa de l'article 39 de la loi du 24 novembre 2009 et des troisième et quatrième alinéas de l'article 145-4 du code de procédure pénale est reportée jusqu'à l'entrée en vigueur de nouvelles dispositions législatives ou, au plus tard, jusqu'au 31 décembre 2016. Les décisions prises en vertu de ces dispositions avant cette date ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.


LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er.- Les mots « et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information » figurant au deuxième alinéa de l'article 39 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 et les troisième et quatrième alinéas de l'article 145-4 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution.

Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet dans les conditions fixées au paragraphe 21 de cette décision.

Article 3.- Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mai 2016, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Michel CHARASSE, Jean-Jacques HYEST, Lionel JOSPIN, Mmes Corinne LUQUIENS, Nicole MAESTRACCI et M. Michel PINAULT.

dimanche 29 mai 2016

Le JLD prononce la mainlevée de la mesure, il n'a pas pour mission d'annuler la décision administrative

Audience publique du mercredi 11 mai 2016
N° de pourvoi: 15-16233
Publié au bulletin Cassation

Mme Batut (président), président
SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 3216-1 du code de la santé publique ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que, si le juge judiciaire connaît des contestations portant sur la régularité des décisions administratives de soins sans consentement, il ne peut que prononcer la mainlevée de la mesure, s'il est résulté, de l'irrégularité qu'il constate, une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que M. X..., qui a fait l'objet de plusieurs mesures de soins sans consentement, notamment en hospitalisation complète, avant d'être pris en charge sous la forme d'un programme de soins, a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de cette mesure ;

Attendu que l'ordonnance annule la décision administrative d'admission en soins sans consentement sous la forme d'un programme de soins ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le juge judiciaire ne peut annuler une décision administrative, le premier président a excédé ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 5 février 2015, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;

Vie affective et sexuelle en établissement psychiatrique

Vie affective et sexuelle en établissement psychiatrique

Auteur(s) : Eric Péchillon, Valériane dujardin, juristes
Nbre de pages : 2
Le patient peut-il revendiquer un droit à la sexualité à l’hôpital ? Comment l’institution peut-elle mettre en place une organisation appropriée au respect de la vie privée des usagers tout en garantissant la qualité des soins et la sécurité des personnes ? Repères juridiques et pratiques.
article consultable en ligne: 

dimanche 17 avril 2016

obligation de moyens à la charge de l'Etat de fournir une alimentation conforme aux croyances des détenus

Détenus. Le Conseil d’État précise que l’obligation de l'administration pénitentiaire d'assurer une alimentation des détenus conforme à leurs convictions religieuses est une obligation de moyens. 

Le juge administratif, pour apprécier le respect par l’administration de cette obligation, se livre à une appréciation globale et concrète. 

Enfin, dans le cas où des détenus doivent, pour se procurer une alimentation complémentaire conforme aux prescriptions de leur religion, recourir au système de la cantine,  il appartient à l'administration d'aider les détenus sans ressources suffisantes à bénéficier de ce système, dans la limite de ses contraintes budgétaires et d'approvisionnement.

CE, 10 février 2016, M. K…, n° 385929, A.


 Conseil d'État

N° 385929   
ECLI:FR:CESSR:2016:385929.20160210
Publié au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
M. Vincent Villette, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats


lecture du mercredi 10 février 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Texte intégral

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 11 avril 2013 du directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, au sein duquel il était détenu, rejetant sa demande tendant à ce que, d'une part, soient proposés régulièrement aux personnes détenues de confession musulmane de cet établissement des menus composés de viandes " halal " et, d'autre part, soit instauré un tarif de 8 euros mensuel pour les prestations de télévision en cellule et, en conséquence, qu'il soit enjoint au directeur de prendre ces mesures. Par un jugement n° 1302502 du 7 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et prononcé l'injonction demandée.

Par un arrêt n° 14LY00113 du 22 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Lyon, saisie en appel par la garde des sceaux, ministre de la justice, a annulé ce jugement en tant seulement qu'il a annulé la décision du directeur du centre pénitentiaire dans la mesure où elle rejetait la demande de M. B...tendant à ce que soit proposé de manière régulière aux personnes détenues de confession musulmane des menus composés de viandes " halal " et a rejeté la demande tendant à l'annulation de cette décision dans cette mesure.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 novembre 2014 et 24 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 22 juillet 2014 en tant qu'il a, d'une part, annulé les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble annulant la décision du 11 avril 2013 ainsi que l'injonction prononcée sur ce point et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du 11 avril 2013 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, notamment son article 26 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. A...B...;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 11 avril 2013, le directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier a refusé de distribuer régulièrement des menus composés de viandes " halal " aux personnes détenues de confession musulmane de cet établissement ; que M. B...se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 juillet 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a infirmé le jugement du 7 novembre 2013 du tribunal administratif de Grenoble qui avait annulé cette décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 18 du pacte international relatif aux droits civils et politiques : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement. (...) / La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui. (...) " ; qu'au sens de ces stipulations, l'observance de prescriptions alimentaires peut être regardée comme une manifestation directe de croyances et pratiques religieuses ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " Les personnes détenues ont droit à la liberté d'opinion, de conscience et de religion. Elles peuvent exercer le culte de leur choix, selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 9 du règlement-type des établissements pénitentiaires annexé à l'article R. 57-6-18 du code de procédure pénale, relatif à " l'alimentation " des personnes détenues : " Chaque personne détenue reçoit une alimentation variée, bien préparée et présentée, répondant tant en ce qui concerne la qualité que la quantité aux règles de la diététique et de l'hygiène, compte tenu de son âge, de son état de santé, de la nature de son travail et, dans toute la mesure du possible, de ses convictions philosophiques ou religieuses " ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient à l'administration pénitentiaire, qui n'est pas tenue de garantir aux personnes détenues, en toute circonstance, une alimentation respectant leurs convictions religieuses, de permettre, dans toute la mesure du possible eu égard aux contraintes matérielles propres à la gestion de ces établissements et dans le respect de l'objectif d'intérêt général du maintien du bon ordre des établissements pénitentiaires, l'observance des prescriptions alimentaires résultant des croyances et pratiques religieuses ;

4. Considérant, en premier lieu, que, pour statuer sur la légalité de la décision par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier a refusé de distribuer régulièrement des menus composés de viandes " halal " aux personnes détenues de confession musulmane, la cour administrative d'appel de Lyon a apprécié l'ensemble des conditions dans lesquelles l'offre journalière de menus est organisée dans ce centre ; qu'elle a relevé que l'administration fournit à l'ensemble des personnes détenues des menus sans porc ainsi que des menus végétariens, que les personnes détenues peuvent demander à bénéficier, à l'occasion des principales fêtes religieuses, de menus conformes aux prescriptions de leur religion et, enfin, que le système de la cantine permet d'acquérir, en complément des menus disponibles, des aliments ou préparations contenant des viandes " halal " ; qu'elle a ainsi pris en compte non seulement la circonstance que les personnes détenues de confession musulmane ne sont pas exposées au risque de devoir consommer des aliments prohibés par leur religion, mais aussi le fait que l'administration fait en sorte qu'elles puissent, dans une certaine mesure, consommer une alimentation conforme aux prescriptions de leur religion ; que, dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a jugé que le directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier n'avait méconnu ni les obligations incombant à l'administration pénitentiaire, qui ont été rappelées au point 3 ci-dessus ni les stipulations citées au point 2 ; que, par ailleurs, le requérant ne saurait utilement invoquer une méconnaissance de l'article 10 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que la décision attaquée n'a pas été prise pour la mise en oeuvre du droit de l'Union ;

5. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que des situations différentes soient réglées de façon différente ni à ce qu'il soit dérogé à l'égalité pour des motifs d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un et l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. " ;

6. Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que les conditions dans lesquelles l'offre journalière de menus est organisée dans le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, rappelées au point 4 ci-dessus, sont identiques pour toutes les personnes détenues, qu'elles pratiquent ou non une religion et quelle que soit la religion qu'elles pratiquent, y compris en ce qu'elles prévoient la faculté de recourir au système de la cantine ; que, par ailleurs, aux termes de l'article 31 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire: " Les personnes détenues dont les ressources sont inférieures à un montant fixé par voie réglementaire reçoivent de l'Etat une aide en nature destinée à améliorer leurs conditions matérielles d'existence (...) " et aux termes de l'article D. 347-1 du code de procédure pénale: " (...) L'aide que reçoivent les personnes détenues dépourvues de ressources suffisantes est attribuée par l'administration pénitentiaire. Il est tenu compte des aides attribuées à la personne détenue intéressée par toute personne physique ou morale de droit public ou privé autorisée à le faire par l'administration pénitentiaire. / L'aide est fournie prioritairement en nature, notamment par la remise de vêtements, par le renouvellement de la trousse de toilette dans les conditions prévues à l'article D. 357 et par la remise d'un nécessaire de correspondance (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées qu'il appartient à l'administration pénitentiaire, lorsque les modalités d'organisation de l'offre journalière de menus qu'elle retient impliquent, pour que les obligations mentionnées au point 3 ci-dessus soient respectées, que les personnes détenues puissent se procurer par le système de la cantine une alimentation complémentaire conforme aux prescriptions de leur religion, de garantir à celles qui sont dépourvues de ressources suffisantes la possibilité d'exercer une telle faculté en leur fournissant, dans la limite de ses contraintes budgétaires et d'approvisionnement, une aide en nature appropriée à cette fin ; que, dans ces conditions, en jugeant que les modalités d'organisation de l'offre journalière de menus dans le centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier n'impliquaient pas de discrimination entre les personnes détenues à raison de leur religion ou entre les personnes détenues pratiquant une même religion à raison de leurs ressources et, par suite, que la décision du directeur du centre ne méconnaissait ni le principe d'égalité ni les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales citées ci-dessus, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.