vendredi 22 novembre 2019

Le contrôle des suites du programme de soins : la position de la Cour de cassation

La Cour cassation précise qu’il appartient au juge des libertés et de la détention en cas de réintégration en hospitalisation complète faisant suite à un programme de soins de contrôler la régularité de la mesure pour sa période antérieure à la réintégration.

 La réintégration en hospitalisation complète ne constitue pas une nouvelle mesure de soins, mais la poursuite d’une mesure sous une autre forme

 
Pour une présentation de cette affaire :https://psychiatrie.crpa.asso.fr/2019-11-21-Cassation-o-Extension-du-controle-JLD-au-programme-de-soins-avant-reintegration 



Arrêt n°1076 du 21 novembre 2019 (19-17.941) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C101076

SANTÉ PUBLIQUE

Cassation sans renvoi

Demandeur(s) : M. A... X... ; et autres
Défendeur(s) : M. le préfet du Val-de-Marne

Faits et procédure
1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Paris, 28 décembre 2018), et les pièces de la procédure, M. X... a présenté des troubles psychiatriques qui ont motivé des soins sans consentement, tantôt sous le régime d’une hospitalisation complète, tantôt en soins ambulatoires, sous la forme d’un programme de soins. Le 7 décembre 2018, le préfet a pris une décision de réadmission en hospitalisation complète.
2. Le 11 décembre 2018, en application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, ce dernier a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.
Examen des moyens

Sur le second moyen, qui est préalable, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
3. M. X... fait grief à l’ordonnance de constater que l’appel est devenu sans objet, alors que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé ; qu’en déclarant l’appel sans objet au vu d’un certificat médical de demande de modification de la prise en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète, en date du 26 décembre 2018, en l’absence de toute décision du préfet sur une éventuelle modification du régime des soins, quand il lui appartenait de statuer sur la requête en maintien de la mesure présentée par ce dernier qui était contestée par le requérant, le juge délégué par le premier président a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour
Vu l’article 4, alinéa 1er, du code de procédure civile : 4. Aux termes de ce texte, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
5. Pour décider que l’appel est devenu sans objet, l’ordonnance retient qu’un certificat médical en date du 26 décembre 2018 a constaté une amélioration de l’état du patient et conclu à la nécessité de la poursuite de la mesure sous une autre forme que l’hospitalisation complète.
6. En statuant ainsi, alors qu’en l’absence de décision du préfet levant toute mesure de soins sans consentement, il lui appartenait de statuer sur la requête en maintien de la mesure présentée par celui-ci, le premier président a violé les textes susvisés.
Et sur le premier moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
7. M. X... fait grief à l’ordonnance de constater que l’appel est devenu sans objet, alors que « les irrégularités de la procédure de soins psychiatriques affectant la décision du juge de la liberté et de la détention, peuvent être contestées pour la première fois même en cause d’appel ; qu’en retenant pour déclarer le requérant irrecevable à contester la régularité de la procédure administrative de soins qu’il ne lui appartient pas de contrôler la procédure de programme de soins antérieure, le juge délégué par le premier président a violé les articles L. 3211-3, L. 3211-2-1 et L. 3211-11 du code de la santé publique. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3211-11, L. 3211-12-1, L. 3216-1 et R. 3211-12 du code de la santé publique :
8. Dans le cas où il est saisi, sur le fondement du deuxième de ces textes, pour statuer sur la réadmission en hospitalisation complète d’un patient intervenue en application du premier, le juge peut contrôler la régularité des décisions ayant maintenu le programme de soins qui a été transformé en hospitalisation, à la condition que cette régularité soit contestée devant lui, même pour la première fois en cause d’appel.
9. Pour rejeter les conclusions de nullité, l’ordonnance retient que, dès lors que le juge des libertés et de la détention a statué dans un délai de douze jours après la décision de réintégration du préfet, il ne lui appartient pas de contrôler la procédure de programme de soins antérieure.
10. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l’organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 28 décembre 2018, entre les parties, par le premier président de la cour d’appel de Paris ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Gargoullaud, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Marilly, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia

mardi 12 novembre 2019

La Cour de cassation confirme que le contrôle de la légalité d'un placement en chambre d'isolement ne relève pas du JLD

La Cour de cassation confirme que le contrôle de la légalité d'un placement en chambre d'isolement ne relève pas du JLD. Cette solution est logique car le contrôle du JLD se limite à la seule légalité de la décision individuelle de placement en soins sous contrainte (SDRE ou SDT) et non à examiner les décisions prises durant l'hospitalisation. Ce contrôle relève donc de la compétence des juridictions administratives puisqu'elles concernent le fonctionnement du service public hospitalier. 

Un patient (en soins libres ou en soins sous contrainte) pourrait donc user du référé liberté ou du référé suspension pour faire cesser une illégalité portant atteinte à ses libertés fondamentales.

 

Arrêt n°1020 du 7 novembre 2019 (19-18.262) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C101020

SANTÉ PUBLIQUE - SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT

Rejet

Demandeur(s) : M. A... X...
Défendeur(s) : Etablissement public de santé de la Marne ; et autres

Faits et procédure
1. Selon l’ordonnance attaquée rendue par le premier président d’une cour d’appel (Reims, 10 octobre 2018) et les pièces de la procédure, le 12 septembre 2018, à la suite d’une crise clastique survenue dans un contexte d’alcoolisation aiguë et de dispute familiale, M. X... a été conduit par les forces de l’ordre au service des urgences du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, où il a été admis à 19 heures 20. Le 13 septembre, son père a demandé son admission en soins psychiatriques. Il a été examiné par un médecin des urgences, puis par un psychiatre de l’Etablissement public de santé mentale de la Marne (EPSM), qui ont chacun certifié que ses troubles mentaux nécessitaient son admission en soins psychiatriques sans son consentement. Sur la base de ces certificats médicaux, le directeur de l’EPSM a pris, le même jour, une décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande d’un tiers.
2. En application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le directeur d’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure.
Examen des moyens

Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
3. M. X... fait grief à l’ordonnance de décider la prolongation des soins psychiatriques sans consentement sous la forme de l’hospitalisation complète, alors qu’« il résulte des dispositions de l’article R. 3211-25 du code de la santé publique que le premier alinéa de l’article 641 et le second alinéa de l’article 642 du code de procédure civile ne sont pas applicables à la computation des délais dans lesquels le juge doit être saisi et doit statuer en matière de soins psychiatriques ; qu’en conséquence, le jour de l’événement qui fait courir le délai compte, et il n’y a pas de prorogation lorsque le délai expire un samedi, dimanche ou jour férié ; que dès lors, le placement en isolement étant intervenu le 12 septembre 2018, le juge de la liberté et de la détention a statué après expiration du délai légal le 24 septembre 2018, et le juge délégué par le premier président, tenu de constater que la mainlevée était acquise, a violé, ensemble les articles L. 3211-12-1 IV et R. 3211-25 du code de la santé publique ».
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le délai de douze jours dans lequel le juge des libertés et de la détention doit statuer sur la poursuite d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement se décompte depuis la date du prononcé de la décision d’admission.
5. L’ordonnance constate que la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement a été prise par le directeur de l’EPSM le 13 septembre 2018 et que le juge des libertés et de la détention a statué sur la poursuite de la mesure le 24 septembre 2018. Il s’en déduit que celui-ci s’est prononcé dans le délai légal.
6. Par ce motif de pur droit, suggéré en défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues à l’article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l’ordonnance se trouve légalement justifiée au regard de l’article L. 3211-12-1.
Sur le second moyen
Énoncé du moyen
7. M. X... fait le même grief à l’ordonnance, alors :
1°/ que « l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l’établissement lequel mentionne pour chaque mesure d’isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; que les garanties ainsi instituées pas la loi pour la sauvegarde de la liberté individuelle et de la sûreté des personnes ne peuvent être contournées à aucun titre ; qu’en jugeant que ces garanties légales ne s’appliquent que dans les établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement et non dans les services d’urgence d’un centre hospitalier, le juge délégué par le premier président de la cour d’appel a violé les articles 66 de la Constitution et L. 3222-5-1 du code de la santé publique » ;

2°/ que « le pôle châlonnais de psychiatrie rassemble des structures de soins au sein même du centre hospitalier de Châlons-en-Champagne, un accueil des urgences psychiatriques y étant assuré 24h/24 dans le cadre d’une convention de partenariat ; que le requérant a été hospitalisé dès le 12 septembre 2018 aux urgences psychiatriques de l’Hôpital de Châlons-en-Champagne ; qu’en jugeant que les garanties légales ne s’appliquent que dans les établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement et non dans les services d’urgence d’un centre hospitalier, le juge délégué par le premier président de la cour d’appel a violé les articles 66 de la Constitution et L. 3222-5-1 du code de la santé publique ».
Réponse de la Cour
8. Il résulte des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3216-1 du code de la santé publique qu’il n’appartient pas au juge des libertés et de la détention de se prononcer sur la mise en oeuvre d’une mesure médicale, distincte de la procédure de soins psychiatriques sans consentement qu’il lui incombe de contrôler.
9. L’ordonnance constate que M. X... a été placé sous contention dans une chambre d’isolement d’un service d’urgence.
10. Il s’en déduit que cette mesure médicale échappait au contrôle du juge des libertés et de la détention.
11. Par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l’ordonnance se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur
Avocat général : M. Poirret, premier avocat général
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia - SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés

dimanche 10 novembre 2019

il faut différencier isolement et contention

    • Une position défendue par Thierry Najman qui mérite d'être lue car elle oblige à s’interroger sur les raccourcis que le droit a tendance à faire trop souvent lorsqu'il ne prendre pas le temps de se confronter à la réalité du terrain.
    • Il reste beaucoup à faire en droit de la psychiatrie pour fixer un cadre à l'usage de la contrainte. L'examen par le juge du "NAP", à savoir le caractère "nécessaire, adapté et proportionné" de toute décision individuelle va, nous l'espérons, avoir à terme des effets sur les pratiques de différents services. 
  •  
  • Lire cet article de Thierry Najman (Revue Juridique, Personnes et Famille, 2019, n°10)
  • en utilisant le lien suivant:  http://www.laurent-mucchielli.org/index.php?post/2019/10/10/Le-peche-originel-de-la-psychiatrie