La Cour de cassation confirme que le contrôle de la légalité d'un placement en chambre d'isolement ne relève pas du JLD. Cette solution est logique car le contrôle du JLD se limite à la seule légalité de la décision individuelle de placement en soins sous contrainte (SDRE ou SDT) et non à examiner les décisions prises durant l'hospitalisation. Ce contrôle relève donc de la compétence des juridictions administratives puisqu'elles concernent le fonctionnement du service public hospitalier.
Un patient (en soins libres ou en soins sous contrainte) pourrait donc user du référé liberté ou du référé suspension pour faire cesser une illégalité portant atteinte à ses libertés fondamentales.
Arrêt n°1020 du 7 novembre 2019 (19-18.262) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2019:C101020
SANTÉ PUBLIQUE - SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENTRejet
Demandeur(s) :
M. A... X...
Défendeur(s) :
Etablissement public de santé de la Marne ; et autres
Faits et procédure
1. Selon
l’ordonnance attaquée rendue par le premier président d’une
cour d’appel (Reims, 10 octobre 2018) et les pièces de la
procédure, le 12 septembre 2018, à la suite d’une crise
clastique survenue dans un contexte d’alcoolisation aiguë et
de dispute familiale, M. X... a été conduit par les forces
de l’ordre au service des urgences du centre hospitalier de
Châlons-en-Champagne, où il a été admis à 19 heures 20. Le
13 septembre, son père a demandé son admission en soins
psychiatriques. Il a été examiné par un médecin des
urgences, puis par un psychiatre de l’Etablissement public
de santé mentale de la Marne (EPSM), qui ont chacun certifié
que ses troubles mentaux nécessitaient son admission en
soins psychiatriques sans son consentement. Sur la base de
ces certificats médicaux, le directeur de l’EPSM a pris, le
même jour, une décision d’admission en soins psychiatriques
sans consentement à la demande d’un tiers.
2. En application
de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le
directeur d’établissement a saisi le juge des libertés et de
la détention aux fins de prolongation de la mesure.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Énoncé du moyen
3. M. X... fait
grief à l’ordonnance de décider la prolongation des soins
psychiatriques sans consentement sous la forme de
l’hospitalisation complète, alors qu’« il résulte des
dispositions de l’article R. 3211-25 du code de la santé
publique que le premier alinéa de l’article 641 et le second
alinéa de l’article 642 du code de procédure civile ne sont
pas applicables à la computation des délais dans lesquels le
juge doit être saisi et doit statuer en matière de soins
psychiatriques ; qu’en conséquence, le jour de l’événement
qui fait courir le délai compte, et il n’y a pas de
prorogation lorsque le délai expire un samedi, dimanche ou
jour férié ; que dès lors, le placement en isolement étant
intervenu le 12 septembre 2018, le juge de la liberté et de
la détention a statué après expiration du délai légal le 24
septembre 2018, et le juge délégué par le premier président,
tenu de constater que la mainlevée était acquise, a violé,
ensemble les articles L. 3211-12-1 IV et R. 3211-25 du code
de la santé publique ».
Réponse de la Cour
4. Il résulte de
l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le
délai de douze jours dans lequel le juge des libertés et de
la détention doit statuer sur la poursuite d’une mesure de
soins psychiatriques sans consentement se décompte depuis la
date du prononcé de la décision d’admission.
5. L’ordonnance
constate que la décision d’admission en soins psychiatriques
sans consentement a été prise par le directeur de l’EPSM le
13 septembre 2018 et que le juge des libertés et de la
détention a statué sur la poursuite de la mesure le 24
septembre 2018. Il s’en déduit que celui-ci s’est prononcé
dans le délai légal.
6. Par ce motif de
pur droit, suggéré en défense et substitué à ceux critiqués,
dans les conditions prévues à l’article 620, alinéa 1er, du
code de procédure civile, l’ordonnance se trouve légalement
justifiée au regard de l’article L. 3211-12-1.
Sur le second moyen
Énoncé du moyen
7. M. X... fait le
même grief à l’ordonnance, alors :
1°/
que « l’isolement et la contention sont des pratiques de
dernier recours, il ne peut y être procédé que pour
prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient
ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une
durée limitée, leur mise en oeuvre doit faire l’objet
d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à
des professionnels de santé désignés à cette fin et un
registre est tenu dans l’établissement lequel mentionne
pour chaque mesure d’isolement ou de contention, le nom du
psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure,
sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant
surveillée, ce registre doit être présenté au juge des
libertés et de la détention dans le cadre de son
contrôle ; que les garanties ainsi instituées pas la loi
pour la sauvegarde de la liberté individuelle et de la
sûreté des personnes ne peuvent être contournées à aucun
titre ; qu’en jugeant que ces garanties légales ne
s’appliquent que dans les établissements de santé chargés
d’assurer les soins psychiatriques sans consentement et
non dans les services d’urgence d’un centre hospitalier,
le juge délégué par le premier président de la cour
d’appel a violé les articles 66 de la Constitution et L.
3222-5-1 du code de la santé publique » ;
2°/
que « le pôle châlonnais de psychiatrie rassemble des
structures de soins au sein même du centre hospitalier de
Châlons-en-Champagne, un accueil des urgences
psychiatriques y étant assuré 24h/24 dans le cadre d’une
convention de partenariat ; que le requérant a été
hospitalisé dès le 12 septembre 2018 aux urgences
psychiatriques de l’Hôpital de Châlons-en-Champagne ;
qu’en jugeant que les garanties légales ne s’appliquent
que dans les établissements de santé chargés d’assurer les
soins psychiatriques sans consentement et non dans les
services d’urgence d’un centre hospitalier, le juge
délégué par le premier président de la cour d’appel a
violé les articles 66 de la Constitution et L. 3222-5-1 du
code de la santé publique ».
Réponse de la Cour
8. Il résulte des
articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3216-1 du code de la
santé publique qu’il n’appartient pas au juge des libertés
et de la détention de se prononcer sur la mise en oeuvre
d’une mesure médicale, distincte de la procédure de soins
psychiatriques sans consentement qu’il lui incombe de
contrôler.
9. L’ordonnance
constate que M. X... a été placé sous contention dans une
chambre d’isolement d’un service d’urgence.
10. Il s’en déduit
que cette mesure médicale échappait au contrôle du juge des
libertés et de la détention.
11. Par ce motif
de pur droit substitué à ceux critiqués, dans les conditions
prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de
procédure civile, l’ordonnance se trouve légalement
justifiée.
PAR CES MOTIFS, la
Cour :
REJETTE le
pourvoi ;
Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur
Avocat général : M. Poirret, premier avocat général
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia - SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés
Rapporteur : Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur
Avocat général : M. Poirret, premier avocat général
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia - SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés