Pour pouvoir pleinement défendre
ses droits devant un juge, il faut pouvoir accéder à son dossier médical dans
les plus brefs délais. Le juge des référés du TA de Nantes accepte le recours
au référé liberté afin d’accélérer l’accès aux informations contenues dans le dossier
du patient. Il est effet primordial pour pouvoir contester le bienfondé d’une
hospitalisation de pouvoir disposer de son dossier avant de passer devant un
juge. Le juge administratif dispose de moyens efficace de protéger les libertés
fondamentales. Serait-il finalement plus protecteur que le juge judiciaire ?
6. Considérant que la possibilité de
bénéficier
d’un droit effectif au recours au juge a le caractère d’une liberté
fondamentale au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code
de justice administrative ; que cette possibilité implique nécessairement
que l’intéressé puisse obtenir la communication de l’intégralité des pièces
figurant dans son dossier et au vu desquelles le juge va statuer, dans les
limites prévues par la loi, tant sur la recevabilité que, le cas échéant, sur
le fond de l’instance introduite, et ce dans un délai permettant à l’intéressé
de constituer utilement sa requête; qu’il résulte de ce qui précède qu’en
refusant sans motif légalement établi la communication à Mme B des informations
médicales dont elle soutient sans être contredite qu’elles constituent un
élément essentiel à l’appui des moyens qu’elle entend développer au soutien de
son pourvoi en cassation, Le CHU de Nantes a porté en l’espèce une atteinte
grave et manifestement illégale au droit au recours effectif ;
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE NANTES
N°1408210
Ordonnance
du 3 octobre 2014
Vu la requête, enregistrée le 1er
octobre 2014 sous le n° 1408210, présentée pour Mme M-D B, demeurant à
Nantes (44100), par Me C ;
Mme B demande au juge des
référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code
de justice administrative, d’ordonner au directeur général du centre
hospitalier universitaire de Nantes de lui communiquer son dossier médical à
compter de la notification de la présente ordonnance ;
Elle soutient que :
- il est porté une atteinte grave et
manifestement immédiate à la liberté fondamentale constituée par la liberté
d’accès du citoyen aux documents administratifs et aux données médicales le
concernant ; le centre hospitalier universitaire de Nantes, qui n’a pas
accusé réception de la demande de communication de son dossier médical notifiée
le 28 août 2014, a méconnu les dispositions du II de l’article 6 de la loi du
17 juillet 1978 et celles de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique
qui organisent l’accès du patient au dossier médical le concernant mais ne
permettent pas à l’administration de refuser cet accès ; il est également
porté une atteinte grave et manifestement immédiate à la liberté fondamentale
constituée par le principe d’égalité devant la loi à raison du caractère
discriminatoire du refus de communiquer le dossier médical ; il est enfin
porté une atteinte grave et manifestement immédiate à la liberté fondamentale
constituée par le droit au procès équitable dès lors que le refus opposé par
l’administration compromet le pourvoi en cassation formé par Mme B le 10
juillet 2013 contre l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel de
Rennes du 18 juillet 2012 confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la
détention du tribunal de grande instance de Nantes du 28 juin 2012 ordonnant la
poursuite des soins sous contrainte alors dispensés à Mme B;
- la condition d’urgence doit être regardée
comme remplie, d’une part à raison de la gravité de l’atteinte aux libertés
fondamentales précitées, et d’autre part du fait de l’imminence de l’audience
d’admissibilité du pourvoi en cassation de Mme B, qui se tiendra le 7 octobre
2014 ;
Vu le procès-verbal de l’audience
publique du 3 octobre 2014 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
Sur les conclusions présentées au
titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1. Considérant qu'aux termes
de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par
l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la
sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit
public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public
aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et
manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de
quarante-huit heures. » et qu'aux termes de l'article L. 522-1
dudit code : « Le juge des
référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale.
Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles
L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe
sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) » ;
qu’enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit
code : « La requête visant au
prononcé de mesures d’urgence doit (...) justifier de l’urgence de
l’affaire » ;
2. Considérant que Mme
Marie-Dominique B, née le XX XX 19XX, a fait l’objet, à compter du 20 mai 2010
d’une mesure d’hospitalisation sous contrainte au sein du centre hospitalier
universitaire (CHU) de Nantes sur le fondement des dispositions du III du titre Ier du livre II de la troisième partie
du code de la santé publique, dans leur rédaction alors en vigueur ; qu’elle a
demandé la mainlevée de cette mesure auprès du juge des libertés et de la
détention du tribunal de grande instance de Nantes qui a rejeté cette demande
par ordonnance du 28 juin 2012, confirmée en appel par ordonnance du premier
président de la cour d’appel de Rennes du 18 juillet 2012 ; que Mme B a
déposé contre cette dernière ordonnance un pourvoi en cassation le 10 juillet
2013, lequel pourvoi sera examiné en audience d’admissibilité par la formation
compétente de la Cour de cassation le 7 octobre 2014 ; que, dans le cadre
de la constitution de ce pourvoi, Mme B a présenté le 28 août 2014 auprès du
directeur du CHU de Nantes une demande
de communication des documents constituant son dossier médical émis au cours de
la période courant du 1er août 2012 au 25 août 2014 ; qu’en
l’absence de réponse du directeur du CHU de Nantes à cette demande, Mme B
demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de
l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au
directeur de procéder sans délai à la communication des documents en
cause ;
3. Considérant qu’aux termes
de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique : « Toute personne a accès à l'ensemble des
informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des
professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait
l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats
d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou
d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en
oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de
santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies
auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou
concernant un tel tiers. / Elle peut accéder à ces informations directement ou
par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication,
dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit
jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de
quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque
les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission
départementale des soins psychiatriques est saisie en application du quatrième
alinéa. / (…) / A titre exceptionnel, la
consultation des informations recueillies, dans le cadre d'une admission en
soins psychiatriques décidée en application des chapitres II à IV du titre Ier
du livre II de la troisième partie du présent code ou ordonnée en application
de l'article 706-135 du code de procédure pénale, peut être subordonnée à la
présence d'un médecin désigné par le demandeur en cas de risques d'une gravité
particulière. En cas de refus du demandeur, la commission départementale des
soins psychiatriques est saisie. Son avis s'impose au détenteur des
informations comme au demandeur. » ; qu’aux termes de l’article
20 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée : « La commission d'accès aux documents
administratifs est une autorité administrative indépendante (…) La saisine pour
avis de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours
contentieux. » ; qu’enfin, aux termes de l’article 21 de la même
loi : « La commission est
également compétente pour connaître des questions relatives : A.-A l'accès aux documents administratifs et
à la réutilisation des informations publiques relevant des dispositions
suivantes (…) « 14° Les articles L. 1111-7 et L. 1131-1 du code de
la santé publique… » ;
4. Considérant qu’il n’est pas
contesté que le CHU de Nantes a été rendu destinataire de la demande de
communication de son dossier médical par Mme B le 28 août 2014 ; que cette
demande comportait la mention du médecin à la présence duquel Mme B acceptait
que soit subordonnée la consultation dudit dossier dans le cas où le CHU
entendrait lui opposer les dispositions du quatrième alinéa de l’article L.
1111-7 du code de la santé publique précité ; que dès lors que les
informations sollicitées par la requérantes dataient de moins de cinq ans et
que la commission départementale des soins psychiatriques n’a pas été saisie
dans les conditions prévue de ce quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du
code de la santé publique susmentionné, le CHU de Nantes, en ne permettant pas
à Mme B d’accéder aux informations en cause dans le délai de huit jours indiqué
au deuxième alinéa du même article, doit être regardé comme ayant opposé une
décision implicite de rejet à la demande de la requérante ;
5. Considérant que si la
recevabilité d’un recours contentieux devant les juridictions administratives
relatif à la communication du dossier médical est, en principe, subordonnée à
l’exercice préalable d’un recours devant la commission d’accès aux documents
administratifs en vertu des dispositions combinées du quatrième alinéa de
l’article 20 et du 14° du A de l’article 21 de la loi du 17 juillet 1978
susrappelée, ces dispositions ne font toutefois
pas obstacle, eu égard à l’objet même de cette voie de recours, à ce que
le juge des référés soit directement saisi, sur le fondement de l’article L.
521-2 du même code, d’une demande tendant au prononcé d’une des mesures de
sauvegarde que cette disposition l’habilite à prendre, sous réserve que
l'ensemble des conditions qu’elle pose soient remplies, notamment celle tenant
à l’existence d’une situation d’urgence particulière ;
6.
Considérant que la possibilité de bénéficier d’un droit effectif au recours au juge
a le caractère d’une liberté fondamentale au sens des dispositions précitées de
l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que cette
possibilité implique nécessairement que l’intéressé puisse obtenir la
communication de l’intégralité des pièces figurant dans son dossier et au vu
desquelles le juge va statuer, dans les limites prévues par la loi, tant sur la
recevabilité que, le cas échéant, sur le fond de l’instance introduite, et ce
dans un délai permettant à l’intéressé de constituer utilement sa requête;
qu’il résulte de ce qui précède qu’en refusant sans motif légalement établi la
communication à Mme B des informations médicales dont elle soutient sans être
contredite qu’elles constituent un élément essentiel à l’appui des moyens qu’elle
entend développer au soutien de son pourvoi en cassation, Le CHU de Nantes a
porté en l’espèce une atteinte grave et manifestement illégale au droit au
recours effectif ;
7. Considérant en outre
qu’ainsi qu’il a été dit, la formation compétente de la Cour de cassation
statuera le 7 octobre 2014 sur l’admissibilité du pourvoi de Mme B; qu’il n’est
ni soutenu et ni même allégué que la communication des informations demandées
par Mme B ne serait pas nécessaire ou même utile à la justification de
l’admission de ce pourvoi, ni que le conseil de Mme B pourrait obtenir de la
Cour un renvoi de l’examen de l’admissibilité dudit pourvoi ; que dans ces
conditions, Mme B établit l’existence d’une situation d’urgence
particulière ;
8. Considérant qu’il résulte
de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre au directeur du CHU de Nantes
de communiquer sans délai à Mme B les informations contenues dans son dossier
médicales et visées dans sa demande du 28 août 2014, sous réserve, le cas
échéant, de la mise en œuvre des dispositions du quatrième alinéa de l’article
L. 1111-7 du code de la santé publique ;
O R D O N N E
Article 1er : Il est
enjoint au directeur du centre hospitalier universitaire de Nantes de communiquer sans délai à Mme B
les informations contenues dans son dossier médicales et visées dans sa demande
du 28 août 2014, sous réserve, le cas échéant, de la mise en œuvre des
dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé
publique, à compter de la notification de la présent ordonnance.
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