lundi 29 avril 2013

nouvelle condamnation de la France par la CEDH


 Cour EDH, 5e Sect. 25 avril 2013, Canali contre France, Req. n° 40119/09
Affaire Canali contre France



voir le très complet et précieux commentaire de Nicolas Hervieu in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 29 avril 2013.



Communiqué de presse:

Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), le requérant se plaint d’avoir été soumis à des conditions de détention inhumaines et dégradantes à la maison d’arrêt Charles III de Nancy. Invoquant les articles 6 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif), il se plaint de n’avoir pu accéder au
juge pénal pour soumettre son grief relatif à ses conditions de détention.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 20 juillet
2009.
L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de :
Mark Villiger (Liechtenstein), président,
Angelika Nußberger (Allemagne),
Boštjan M. Zupančič (Slovénie),
Ann Power-Forde (Irlande),
André Potocki (France),
Paul Lemmens (Belgique),
Helena Jäderblom (Suède),
ainsi que de Claudia Westerdiek, greffière de section.

Décision de la Cour
Article 3



La Cour observe que la maison d’arrêt Charles III de Nancy a fermé définitivement ses portes en 2009 en raison de sa vétusté, soit trois ans après les faits ici dénoncés. Elle avait été construite en 1857 et en 2000, un rapport sur la situation dans les prisons françaises de l’assemblée nationale parlait de « conditions d’accueil inacceptables des détenus masculins (…) où existent encore des dortoirs de 16 places dans lesquels les détenus s’isolent par des serviettes de bain. »
La Cour relève que le requérant a été détenu pendant 6 mois dans cette prison. Il partageait une cellule de 9 m2 avec un autre détenu, cette cellule comportait les installations sanitaires (lavabo et toilettes) et les meubles (une table, un lit superposé et deux chaises). Une telle surface occupée correspond au minimum de la norme recommandée par le Comité de prévention de la torture (CPT). Dans son rapport de 2010, le CPT faisait valoir qu’une cellule individuelle de 10,5 m2 occupée par deux détenus est acceptable sous réserve que les détenus aient la possibilité de passer une partie raisonnable de la journée, au moins huit heures, hors de la cellule.
L’espace de vie en l’espèce ne justifie pas à lui seul le constat de violation de l’article 3. La Cour rappelle que d’autres aspects parmi les conditions de détention doivent être pris en compte.
La Cour note en premier lieu que le requérant ne disposait que d’une possibilité très limitée de passer du temps à l’extérieur de la cellule. Il était confiné la majeure partie de la journée dans sa cellule sans liberté de mouvement, avec une heure de promenade le matin ou l’après-midi dans une cour de 50 m2.
En second lieu, concernant l’installation sanitaire et l’hygiène, la Cour rappelle que l’accès à des toilettes convenables et le maintien de bonnes conditions d’hygiène sont des éléments essentiels à un environnement humain. Les détenus doivent pouvoir facilement accéder à des installations sanitaires où leur intimité est protégée. Une annexe sanitaire qui n’est que partiellement cloisonnée n’est pas acceptable dans une cellule occupée par plus d’un détenu. La Cour considère que l’effet cumulé de la promiscuité et des manquements relevés aux règles de l’hygiène ont provoqué chez le requérant des sentiments de désespoir et d’infériorité propres à le rabaisser et à l’humilier. Ces conditions de détentions s’analysent en un traitement dégradant qui conduit à une violation de l’article 3.
Articles 6 et 13
Le requérant avait déposé une plainte avec constitution de partie civile en 2006, ce qui était un recours effectif et suffisant. Lorsque la voie pénale a été fermée par l’arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2009, le recours indemnitaire devant la juridiction administrative restait disponible pour se plaindre de conditions de détention contraires à la dignité. La Cour estime que le requérant ne peut soutenir que la décision rendue par la Cour de cassation l’a privé de tout recours effectif. Elle rejette le grief du requérant pour défaut de fondement.