mercredi 30 avril 2014

Responsabilité et Surveillance d'un patient par une clinique gériatrique





La Cour de cassation a confirmé l’arrêt d’appel déboutant les consorts X de leur demande d’indemnisation à l’encontre de la clinique d’où leur père et mari a fugué. Ce dernier y avait été admis pour traiter les suites d’un accident vasculaire cérébral.
La Cour de cassation a ainsi précisé que «Mais attendu que la cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que Pierre X..., alors âgé de quatre-vingts ans, victime d'un accident vasculaire cérébral, semblait désorienté dans l'espace et le temps mais n'était pas agité avant qu'il eût arraché sa perfusion, le 15 octobre, vers 20 heures 30, que son état n'exigeait cependant pas alors des diligences particulières telles que la mise en place d'une surveillance constante, des mesures de contention ou l'administration d'un sédatif, que, vers 4 heures du matin, l'infirmière de garde, lorsqu'elle a constaté qu'il avait quitté sa chambre, errait dans les couloirs de la clinique et devenait très agressif, après l'avoir recouché, avait immédiatement appelé le médecin qui était arrivé en quelques minutes et avait constaté la disparition, que les secours étaient aussitôt intervenus et que Pierre X... avait été retrouvé rapidement ; que, constatant encore que les portes de l'établissement étaient fermées à partir de 20 heures 30, que le patient avait vraisemblablement, compte tenu de ses blessures, escaladé l'enceinte grillagée de l'établissement, haute de trois mètres, et ayant affirmé, à juste titre, que la clinique, en tant qu'établissement de gériatrie, ne pouvait se voir imposer un dispositif renforcé comparable à celui d'un hôpital psychiatrique, la cour d'appel a pu déduire de ses constatations, sans encourir aucun des griefs du moyen, qu'aucune faute de surveillance ne pouvait être mise à la charge de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ».

responsabilité pénale d'un psychiatre: abus de faiblesse

Cass.crim., 19 février 2014,n° 12-87.



Cass. crim., 19 février 2014,n° 12-87.558 :

Par cet arrêt, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi d’un médecin chef de service de psychiatrie condamné à un an d’emprisonnement avec sursis et un an d’interdiction professionnelle pour a bus de faiblesse. En l’espèce, le médecin psychiatre avait eu des relations sexuelles avec une patiente atteinte de troubles bipolaires.

La Cour de cassation retient que la Cour d’appel a caractérisé les éléments matériel et intentionnel du délit d’abus de faiblesse.
«  Attendu que, pour déclarer M. X..., chef de service en psychiatrie, coupable, du 26 juillet au 13 octobre 2005, d'abus de faiblesse à l'égard de sa patiente, Mme Y..., conduite à avoir avec lui des relations sexuelles alors qu'elle souffrait de troubles bipolaires, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que, d'une part, l'acte auquel a été conduite la  personne vulnérable, au sens de l'article 223-15-3 du code pénal, peut être tant matériel que juridique, d'autre part, la décision de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins de ne pas donner suite à la plainte de Mme Y...est sans portée sur la procédure suivie devant le juge pénal, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées »

lundi 21 avril 2014

annulation partielle du fichier « application des peines, probation et insertion »

  CE, 11 avr. 2014, n°355624, Union générale des syndicats pénitentiaires CGT,  JO 17 avr. 2014, p. 6792

 Dépêche du jurisclasseur du 21 avril 2014: lien
 http://www.lexisnexis.fr/depeches/index2.jsp?depeche=21-04-2014/03#top


Texte de la dépêche :"Par une décision du 11 avril 2014, publiée au Journal officiel, le Conseil d'État, saisi d'un recours pour excès de pouvoir formé par l'Union générale des syndicats pénitentiaires-CGT, annule la circulaire ministérielle du 8 novembre 2011 relative au diagnostic à visée criminologique (DAVC), ainsi que l'article 1er du décret du 7 novembre 2011(D. n° 2011-1447 :JO 8 nov. 2011, p. 18747) portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « application des peines, probation et insertion » (APPI).
S'il valide dans l'ensemble le fichier APPI visant à faciliter « l'évaluation de la situation des personnes placées sous main de justice pour la détermination de l'exécution des décisions de l'autorité judiciaire relatives à leur insertion ou à leur probation et de faciliter la gestion et le suivi des procédures, de l'aide et des mesures confiées aux services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP)», le Conseil d'État annule son article 1erqui a introduit un alinéa 2, à l' article R. 57-4-4 du Code de procédure pénale .
Aux termes de cet article, « Les données à caractère personnel enregistrées sont conservées cinq ans à compter de la fin de la peine, de la fin de la mesure d'aménagement de la peine ou de la mesure de sûreté dont la personne suivie fait l'objet ». « Si la personne ne fait l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté les données à caractère personnel sont conservées cinq ans à compter de leur enregistrement ».
Le Premier ministre devra donc prendre « dans un délai raisonnable », un décret modifiant ce 2e alinéa, le Conseil d'État considérant que pour les personnes ne faisant l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté « la conservation des donnée n'est ni adaptée, ni nécessaire pour atteindre les objectifs qu'il poursuit ». Les données collectées relèvent de la loi du 6 janvier 1978. Le Conseil d'Etat rappelle que « l'ingérence dans l'exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d'informations personnelles et nominatives, ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et que le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces finalités». Dès lors le Conseil d'Etat reproche à l'article R. 57-4-4 de ne « prévoir aucun effacement des données enregistrées » pour des « personnes qui ne font finalement l'objet d'aucune peine ou mesure de sûreté ».
De surcroît, le Conseil d'État annule la circulaire du 8 novembre 2011 (Circ. 8 nov. 2011 : BOMJL n° 2011-11, 30 nov. 2011 : http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSK1140051C.pdf) pour ne pas avoir respecté les règles de consultation préalables des SPIP alors que « cette omission (...) a privé les représentants du personnel d'une garantie » (D. n° 2011-184, 15 févr. 2011 relatif aux comités techniques dans l'administration et les établissements publics de l'État). La circulaire attaquée harmonise les méthodes de travail des SPIP en posant les principes généraux d'utilisation du diagnostic à visée criminologique et en leur donnant des instructions relatives à l'utilisation de l'application informatique mise en place à cet effet devait à ce titre obligatoirement faire l'objet d'une consultation du comité technique".

vendredi 4 avril 2014

Maintien en soins sous contrainte: Une délégation de signature doit être précise

CAA Paris, 20.01.2014, Légifrance n°12PA01934.
 La Cour administrative d'appel de Paris vient encore un fois de rappeler l'importance des règles de forme en matière de décision privative de liberté.
Le législateur a confier à deux autorités administratives le pouvoir de priver une personne de liberté: 
- le préfet représentant de l'Etat (et dansd une moindre mesure le maire)
- le directeur de l'établissement

Cette autorité administrative peut éventuellement déléguer sa signature (pas son pouvoir) à condition que cette délégation soit précise.
Il importe notamment ne ne pas confondre " les bulletins d'entrée et de renouvellement, qui n'ont qu'un objet purement administratif" avec la décision de maintien en soins.

"3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, combinées avec celle de l'article L. 3212-1 du code de la santé publique, la décision de maintien d'une personne en hospitalisation sur demande d'un tiers est prise par le directeur de l'établissement hospitalier ; qu'il ressort des pièces du dossier que les décisions de maintien de Mme C...au centre hospitalier spécialisé Sainte-Anne en date des 22 décembre 2010, 17 janvier 2011, 17 février 2011 et 22 mars 2011 ont été prises par Mme B...A..., chargée des relations avec les usagers ; que la délégation de signature du 25 juin 2008, produite au dossier, ne comportait au bénéfice de cette dernière et du directeur pour la direction des usagers qu'une délégation afin de signer des " bulletins d'entrée, de renouvellement, d'abrogation relatifs au séjour des personnes hospitalisées sans consentement " ; que les bulletins de renouvellement ainsi désignés, qui ont un objet purement administratif, ne peuvent être regardés comme valant décisions de maintien, qui doivent intervenir suivant la procédure prévue par les dispositions précitées, à la suite, en particulier, de l'établissement d'un certificat médical ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal, qui a suffisamment motivé son jugement sur ce point, a estimé que les décisions de maintien des 22 décembre 2010, 17 janvier 2011, 17 février 2011 et 22 mars 2011 devaient être regardées comme ayant été prises par une autorité incompétente ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme C...ni sur les autres moyens qu'elle soulève à l'encontre de ces décisions, que le centre hospitalier Sainte-Anne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions des 22 décembre 2010, 17 janvier 2011, 17 février 2011 et 22 mars 2011, maintenant l'hospitalisation à la demande d'un tiers de MmeC... ";
 


 

Recours des parents d'un patient contre un arrêté préfectoral d'hospitalisation sous contrainte

Dans son arrêt du 9 Janvier 2014, la cour administrative de Lyon a considéré que les parents d'une personne majeure pouvaient a bon droit former un recours pour excès de pouvoir contre un arrêté préfectoral d'hospitalisation sous contrainte. 
" 2. Considérant que les parents des personnes faisant l'objet d'une hospitalisation d'office [désormais une SDRE] ont un intérêt leur donnant qualité pour contester devant le juge de l'excès de pouvoir les décisions de placement relatives à leurs enfants même majeurs ; que, dès lors, Mme et M. A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimés qu'ils étaient dépourvu d'intérêt à agir contre les décisions en litige ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé"

 (CAA Lyon, 09.01.2014, Legifrance n° 13LY00677). 

Cette affaire portait sur des faits antérieurs à la réforme législative de 2011 (hospitalisation date de 2001: vive les lenteurs de la justice!). Désormais c'est au juge des liberté qu'il revient de statuer sur ce type de recours.
Ce qui est intéressant à noter c'est que pour la CAA l'hospitalisation est certes une décision individuelle de police mais elle porte sur une personne vulnérable. Les proches du patient peuvent donc saisir le juge pour demander l'annulation d'une décision qu'ils estiment illégale car ne protégeant pas l'ordre public.
Ce recours est bien un recours en responsabilité (et non un plein contentieux).

La cour estime ensuite que la mesure de police doit respecter le contradictoire prévue par la loi du 12 avril 2000. A défaut, la mesure est illégale.
"
5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : " (...) / Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; que si les exigences qui inspirent ces dispositions, lesquelles sont applicables aux décisions d'hospitalisation d'office, peuvent être satisfaites dès lors que le signataire de la décision peut être identifié sans ambiguïté par son destinataire, il ressort toutefois des deux décisions en litige que les nom et prénom du signataire étaient pour l'une manquants et pour l'autre illisibles ; que dans les deux cas rien ne permettait à Mlle A...et à ses parents, au demeurant domiciliés dans un autre département, d'identifier ces signataires sans ambiguïté ; que les décisions du maire et du préfet ont donc méconnu les dispositions précitées ;

Ce type de raisonnement est parfaitement transposable devant le jld.
A noter que l'article L3211-12 du Code de la santé Modifié par LOI n°2013-869 du 27 septembre 2013 - art. 4 prévoit à son point 6 que "I.-Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme.
La saisine peut être formée par :
1° La personne faisant l'objet des soins ;
2° Les titulaires de l'autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;
3° La personne chargée de sa protection si, majeure, elle a été placée en tutelle ou en curatelle ;
4° Son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;
5° La personne qui a formulé la demande de soins ;
Un parent ou une personne susceptible d'agir dans l'intérêt de la personne faisant l'objet des soins ;
7° Le procureur de la République.
Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d'office, à tout moment. A cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu'elle estime utiles sur la situation d'une personne faisant l'objet d'une telle mesure.