samedi 28 juin 2014

Le trouble grave à l'ordre public ne se présume pas, il doit être démontré par le préfet


IL est indispensable que le préfet motive sa décision en démontrant l'existence d'un trouble grave à l'ordre public (ou un risque pour la sureté des personne).
Le simple rappel des faits ne peut suffire à justifier le caractère indispensable et proportionné de la mesure.
Rappelons que le trouble à l'ordre public doit durer tout au long de la mesure. S'il disparaît la mesure doit être levée.



Les deux conditions justifiant un placement en SDRE sont cumulatives et non alternatives.

C O U R D'A P P E L D E G R E N O B L E

ORDONNANCE DU 12 MAI 2014  RG No 14/ 00014(lien légifrance)

"L'article L3213-1 du code de la santé publique prévoit que le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire. Ils désignent l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade.

Les différents certificats médicaux produits démontrent que Mme X... présente des troubles psychiques qui nécessitent des soins et la poursuite de ceux-ci.

Par contre l'arrêté préfectoral du 11 avril 2014 n'énonce pas avec précision les circonstances qui rendent nécessaires l'admission en soins. Si le certificat à l'origine de l'hospitalisation, sur lequel le préfet s'est fondé, se réfère à des troubles du comportement, un harcèlement de la gendarmerie, des propos délirants, qui sont hors du champ des constatations médicales, l'arrêté ne précise ni les circonstances dont lesquelles s'est manifesté ce comportement émanant de Mme X... ni en quoi les troubles de l'intéressée compromettent la sûreté des personnes ou portent gravement atteinte à l'ordre public.

La motivation de l'arrêté préfectoral ne permettant pas de s'assurer que les deux conditions cumulatives de l'article L3213-1 du code de la santé publique sont remplies, il y a lieu d'ordonner la mainlevée de la mesure d'hospitalisation de Mme X....

Au vu des certificats médicaux circonstanciés qui démontrent la nécessité de la poursuite des soins, la mainlevée sera différée de 24 heures, conformément à l'article L3211-12-1 du code de la santé publique pour permettre la mise en place d'un programme de soins. "

jeudi 26 juin 2014

Le programme du colloque
« La folie entre administration et justice. L’institution psychiatrique au prisme du droit »
organisé les 16 et 17 octobre 2014 à Paris
a été mis en ligne sur le site du CERSA (http://www.cersa.cnrs.fr/spip.php?rubrique9#1573).


lundi 9 juin 2014

Circulaire du 22 mai 2014 de présentation des dispositions de la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 concernant les personnes déclarées pénalement irresponsables


Circulaire du 22 mai 2014 de présentation des dispositions de la loi n° 2013-869du 27 septembre 2013 concernant les personnes déclarées pénalement irresponsables

 

 

 Une circulaire du 22 mai parue au Bulletin officiel (BO) du ministère de la Justice rappelle aux magistrats du Parquet qu’ils sont tenus d’informer les patients qui doivent être hospitalisés sans consentement, à la suite d’une décision d’irresponsabilité pénale pour trouble mental, de l’avis qu’ils ont transmis au préfet et du régime de mainlevée des soins – plus ou moins strict – qui pourra leur être appliqué.

"La loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge a apporté plusieurs modifications aux dispositions du code de la santé publique concernant les personnes déclarées pénalement irresponsables en raison d’un trouble mental.
Ces modifications tirent les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 ayant déclaré contraires à la Constitution les dispositions de ce code prévoyant, pour certaines catégories de malades ayant fait l’objet d’un signalement de l’autorité judiciaire ou supposés présenter un état dangereux particulier, un régime plus restrictif de levée de l'hospitalisation sous contrainte consistant en des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel a en effet censuré le II de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, estimant que l'existence d'un régime de sortie plus restrictif pour l’ensemble des patients hospitalisés à la suite d’une procédure pénale, quelles que soient la gravité et la nature de l'infraction commise en état de trouble mental et sans information préalable de la personne, créait une rupture d'égalité devant la loi, que le seul signalement par l’autorité judiciaire à l’autorité administrative de personnes dont l'irresponsabilité pénale avait été déclarée ne suffisait pas à justifier.

La loi du 27 septembre 2013 a en conséquence modifié les articles L.3211-12, L. L.3213-7 et L.3213-8 du code de la santé publique,afin de réduire les cas dans lesquels les personnes dont l’autorité judiciaire a constaté l’irresponsabilité pénale en raison d’un trouble mental sont soumises à un régime de mainlevée plus restrictif.
Ces dispositions s’appliquent non seulement lorsque l'hospitalisation sous contrainte a été ordonnée par le préfet à la suite d’une décision judiciaire, mais également lorsqu’elle a été directement ordonnée par l’autorité judiciaire en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale.

L’objet de la présente circulaire est de présenter succinctement ces dispositions et de préciser leurs
conséquences pour les magistrats du parquet.


I - Limitation des règles restrictives de mainlevée des soins psychiatriques sans consentement 
La procédure plus restrictive de sortie d’hospitalisation devant être respectée par le juge des libertés et de la détention, en application du nouvel article L. 3211-12, ou par le représentant de l’Etat, en application du nouvel article L.3213-8, reste pour l’essentiel inchangée.
En revanche, elle ne concerne désormais plus que les personnes soumises à des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète à la suite d’une procédure pénale concernant des faits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement en cas d’atteintes aux personnes ou de dix ans d’emprisonnement en cas d’atteintes aux biens.
Cette distinction doit être comprise de la façon suivante.

Les crimes et délits pour lesquels le seuil de cinq ans entraîne l’application des règles restrictives de mainlevée sont non seulement ceux du livre II du code pénal mais également ceux qui, bien que prévus par un autre livre de ce code ou un autre texte, portent atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne (doivent par exemple être considérés comme des atteintes aux personnes les vols avec violences, ou les extorsions, bien qu’ils soient prévus par le livre III du code pénal, puisqu’ils impliquent des violences ou menaces contre les personnes). Pour tous les autres crimes et délits, ce seuil est de dix ans.
Par ailleurs, eu égard à l’absence de fichiers d’antécédents psychiatriques fiables, la loi supprime également l’application du régime plus strict de mainlevée aux patients qui avaient, depuis moins de dix  ans, été soumis à des soins psychiatriques sous contrainte à la suite d’une déclaration judiciaire d’irresponsabilité pénale.

Ce n’est donc désormais que pour les infractions les plus graves que la mainlevée de l’hospitalisation sous contrainte exigera l’expertise ou l’avis de deux psychiatres extérieurs à l’établissement inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1.
Il doit par ailleurs être observé que l’article L. 3213-8 prévoit désormais que si l’avis des deux experts n’est pas concordant et que le représentant de l'Etat maintient les soins psychiatriques sans consentement, il doit en informer le directeur de l'établissement d'accueil, qui saisit le juge des libertés et de la détention afin que ce dernier statue à bref délai sur cette mesure dans les conditions prévues à l'article L. 3211-12.
Ces dispositions ont évidemment vocation à régir toutes les décisions de mainlevées à venir, quelle que soit la date des soins psychiatriques sans consentement, y compris ceux intervenus avant la réforme.
II - Information du préfet
Par coordination, l’article L.3213-7 a été modifié afin de préciser le contenu de l’avis adressé par les autorités judiciaires au préfet et à la commission des soins psychiatriques, lorsqu’elles estiment que l'état mental d'une personne qui a bénéficié, sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal, d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale,
nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l'ordre public.
Désormais, cet avis doit en effet mentionner si la procédure concerne des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.
Il convient en conséquence de faire figurer dans l’avis non seulement la nature de l’infraction en cause, mais également le quantum de peine encouru en précisant si elle doit être considérée comme une atteinte aux personnes ou aux biens et si elle implique, dans l’hypothèse d’une décision de mainlevée, le recours à la procédure plus
contraignante prévue par l’article L. 3211-12.
Même si l’article L. 3213-7 ne le prévoit pas expressément, un avis similaire devra évidemment être adressé au préfet lorsque c’est l’autorité judiciaire elle-même qui a ordonné l’hospitalisation de la personne en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale.
Un modèle d’avis, applicable dans les deux hypothèses, figure en annexe N. 2.
Bien que cet avis ne puisse, par définition, être immédiatement adressé au préfet que lorsque la décision judiciaire constatant l’irresponsabilité pénale est intervenue, il convient de rappeler la nécessité qui s’attache, conformément au deuxième alinéa inchangé de l’article L.3213-7 du code de la santé publique, à ce que le procureur de la République informe
préalablement le préfet de ses réquisitions ainsi que des dates d'audience, pour lui permettre, le cas échéant, de préparer sa décision avant qu’il soit mis fin à la détention provisoire de la
personne. Cette information exige en pratique un contact téléphonique avec les services de la préfecture, afin de s’assurer que l’arrêté du préfet sera pris lors de la libération de la personne, et que les modalités pratiques de sa prise en charge par les autorités sanitaires ont été mises en place.
Les nouvelles dispositions de l’article L. 3213-7 exigeant d’informer le préfet de la nature de l’infraction et du quantum de la peine encourue sont d’application immédiate et concernent donc les décisions d’irresponsabilités pénales intervenues après la loi.
Toutefois, si les procureurs de la République n’ont pas à délivrer de façon systématique cette information s’agissant des décisions d’irresponsabilité intervenues auparavant, ils devront cependant être en mesure de répondre aux demandes des préfets pour que ces derniers puissent savoir si le régime de mainlevée plus strict s’applique toujours. Un modèle de réponse figure également en annexe N°5.
III - Information de la personne
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 3213-7 prévoit que si l'état de la personne le permet, celle-ci doit désormais être informée par le procureur de la République, par tout moyen et de manière appropriée à son état, de l'avis qu’il a adressé au préfet ainsi que des suites que ce dernier peut y donner.
Le dernier alinéa de l’article L. 3213-7 prévoit en outre que, dans le seul cas où
la procédure concerne des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens et que s’applique donc le régime plus strict de mainlevée, la personne doit être également informée des conditions dans lesquelles il peut être mis fin à la mesure de soins psychiatriques en application des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3213-8.
La loi n’exige donc ces informations de la personne que dans le cas où le préfet a été avisé par le procureur en application de l’article L. 3213-7, et qu’il a pu ordonner l’hospitalisation de celle-ci, et non lorsque cette décision a été prise par l’autorité judiciaire en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale.
En pratique, cette information pourra se faire par l’envoi d’un avis à la personne, concomitamment à l’envoi de l’avis au préfet.
Si celle-ci est hospitalisée, le procureur pourra demander au directeur de l’établissement de faire remettre cet avis à la personne selon des modalités adaptées à son état de santé.
Deux modèles d’avis (selon que s’applique ou non le régime plus strict de mainlevée), figurent en annexes N° 3 et 4.

Cette information ne doit évidemment concerner que les personnes pour lesquelles, à compter de l’entrée en vigueur de la réforme - au lendemain de la publication de la loi, soit le 30 septembre 2013 - il a été fait application des dispositions de l’article L.3213-7.
Vous voudrez bien veiller à la diffusion de la présente circulaire et à m’informer des difficultés susceptibles de résulter de sa mise en œuvre, sous le timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces, sous-direction de la justice pénale générale.
La directrice des affaires criminelles et des grâces,
Marie-Suzanne LE QUEAU