mercredi 23 mars 2016

Hospitalisation sans consentement : le défaut d’information du curateur viole les droits de la défense

Le 16 mars 2016, la Cour de cassation sanctionne le défaut d'information et de convocation du curateur après l'hospitalisation d'office du majeur sous curatelle.
Au visa des articles 468 du Code civil , R. 3211-11 et R. 3211-13 du Code de la santé publique, ensemble les articles 117 et 118 du Code de procédure civile , elle rappelle que « le curateur doit être informé de la saisine du juge des libertés et de la détention en charge du contrôle de l'hospitalisation sans le consentement de la personne protégée et convoqué par tout moyen ». Cette obligation d'information et de convocation du curateur vaut à peine de nullité.
En l'espèce, une femme sous curatelle avait été hospitalisée d'office à la demande d'un tiers. Le directeur de l'établissement avait souhaité le maintien de la mesure d'hospitalisation, sans que le curateur n'en soit informé pour autant. En appel, les juges du fond écartent l'exception de nullité invoquée par le curateur. Ils fondent leur décision sur le délai raisonnable de convocation de la personne protégée ainsi que sur son droit à l'assistance d'un avocat. Ils concluent au respect des droits de la défense.
La cassation est totale et l'exception de nullité tirée du défaut d'information et de convocation du curateur énoncée. Le majeur sous curatelle ne peut ester en justice sans l'assistance de son curateur.


Source: http://www.lexisnexis.fr/depeches/index2.jsp?depeche=23-03-2016/04#top

Cass. 1re civ., 16 mars 2016, n° N° de pourvoi: 15-13745 JurisData n° 2016-004576

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article 468, dernier alinéa, du code civil, R. 3211-11 et R. 3211-13 du code de la santé publique, ensemble les articles 117 et 118 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le curateur est informé de la saisine du juge des libertés et de la détention en charge du contrôle de l'hospitalisation sans le consentement de la personne sous curatelle et convoqué par tout moyen, à peine de nullité ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que Mme X..., placée sous curatelle, a fait l'objet d'une mesure d'hospitalisation complète à la demande d'un tiers ; que le directeur de l'établissement en a demandé le maintien à un juge des libertés et de la détention, en application de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité pour défaut d'information et de convocation du curateur, l'ordonnance retient, par motifs propres et adoptés, que, si la curatrice et le tiers demandeur ont été avisés tardivement, cela ne porte pas véritablement atteinte aux droits de la défense, Mme X... ayant été convoquée dans un délai raisonnable et surtout, ayant été en mesure d'être assistée par un avocat de son choix, de sorte qu'aucun grief n'est caractérisé et qu'il appartient aux personnes concernées, le curateur et le tiers, de diligenter les contestations qu'ils jugeront nécessaires ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la nullité résultant de l'irrégularité de fond que constitue le défaut d'information et de convocation du curateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

Attendu que les délais pour statuer sur la demande étant écoulés, il ne reste rien à juger ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 décembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne le directeur du centre hospitalier Barthelemy Durand aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance confirmative attaquée D'AVOIR REJETE l'exception de nullité tirée du défaut d'information et de convocation du curateur de Mme X...,

AUX MOTIFS propres QUE s'il y a lieu de constater que les convocations d'audiences sont tardives (...), c'est par une analyse circonstanciée et par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que le premier juge a rejeté ces moyens, y ajoutant qu'aucun grief n'est caractérisé pour l'intéressée et qu'il appartient aux personnes concernées, le curateur et le tiers, de diligenter quelque contestation qu'ils jugeraient nécessaire, le conseil de la défense n'assurant que les intérêts de celle-ci et d'elle seule ;

ET AUX MOTIFS QUE si la curatrice et le tiers demandeur ont été avisés tardivement, cela ne porte pas véritablement atteinte aux droits de la patiente, notamment à ses droits de la défense, celle-ci ayant été convoquée dans un délai raisonnable et surtout, ayant été en mesure d'être assistée par un avocat de son choix ;

1° ALORS QUE le majeur sous curatelle ne peut ester en justice sans l'assistance de son curateur ; qu'en application des articles R.3211-11 et R.3211-13 du code de la santé publique, le curateur doit être informé de la saisine du juge des libertés et de la détention en charge du contrôle de l'hospitalisation sans le consentement de la personne et convoqué par tout moyen; que le défaut d'information et de convocation du curateur, comme sa convocation tardive, constitue une irrégularité de fond, qui n'exige pas la preuve d'un grief et que ne peut couvrir l'assistance du majeur sous curatelle par un avocat; que le magistrat délégué a violé les articles 468 dernier alinéa du code civil, R.3211-11 du code de la santé publique, 117, 118 et 119 du code de procédure civile;

2° ALORS, en toute hypothèse, QUE la convocation tardive du curateur, absent à l'audience, fait grief aux intérêts de la personne protégée, même assistée d'un avocat, qui se trouve privée d'une garantie et doit entraîner la nullité de l'ordonnance entreprise; que le magistrat délégué a violé les articles R.3211-11 et R.3211-13 du code de la santé publique, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et de l'homme et des libertés fondamentales ;

3° ALORS QUE le majeur protégé, qui ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance du curateur, a nécessairement qualité et intérêt à dénoncer le défaut de convocation ou la convocation tardive de son curateur, absent aux débats ; que le magistrat délégué a violé l'article 31 du code de procédure civile ;

4° ALORS QUE la convocation tardive du tiers à la demande duquel une personne a été hospitalisée sans son consentement, absent à l'audience, fait grief aux intérêts de cette personne, privée d'un débat contradictoire et doit entraîner la nullité de l'ordonnance entreprise ; que le magistrat délégué a violé les articles R.3211-11 et R.3211-13 du code de la santé publique, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits et de l'homme et des libertés fondamentales ;

5° ALORS QUE la personne qui a été hospitalisée sans son consentement à la demande d'un tiers a nécessairement qualité et intérêt à dénoncer le défaut de convocation ou la convocation tardive de ce tiers, absent aux débats ; que le magistrat délégué a violé l'article 31 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance confirmative attaquée D'AVOIR REJETE l'exception de nullité tirée de la violation des droits de la défense,

AUX MOTIFS propres QUE s'il y a lieu de constater que les convocations d'audience sont tardives, pour autant, l'intéressée et son conseil ont dûment été convoquées la veille de l'audience du premier juge, ce qui n'apparaît pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense, le conseil choisi de la patiente ayant été présente à l'audience et ayant disposé d'un délai, certes un peu court, pour s'organiser et préparer la défense de la patiente ;

1° ALORS QUE la personne hospitalisée sans son consentement doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la jouissance effective des droits de la défense; que le magistrat délégué ayant lui-même constaté que le délai laissé à la défense était « un peu court », n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe du respect des droits de la défense et l'article 6 §1 et §3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ET AUX MOTIFS, à les supposer adoptés, QUE si la curatrice et le tiers demandeur ont été avisés tardivement, cela ne porte pas véritablement atteinte aux droits de la patiente, notamment à ses droits de la défense, celle-ci ayant été convoquée dans un délai raisonnable et surtout, ayant été en mesure d'être assistée par un avocat de son choix ;

2° ALORS QUE la personne hospitalisée sans son consentement doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la jouissance effective des droits de la défense; que le respect de ce droit s'apprécie in concreto ; que le conseil de Mme X... faisait valoir qu'il n'y avait aucune urgence à audiencer l'affaire dès le lendemain matin 10h30 alors que la saisine était intervenue à 16h35, que les convocations avaient été adressées peu après 17 heures par télécopie, que Mme X... n'était sortie de la chambre d'isolement que la veille au soir de l'audience et que le temps avait manqué pour organiser la défense; qu'en se prononçant par des motifs formels et insuffisants, qui ne s'expliquent pas sur le caractère suffisant du délai « un peu court » laissé à la défense pour s'organiser, au regard de la situation concrète de Mme X..., le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard du principe du respect des droits de la défense et l'article 6 §1 et §3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.