jeudi 18 juillet 2013

Les peines perpétuelles devant la CEDH

Cour EDH, G.C. 9 juillet 2013, Vinter et autres c. Royaume-Uni, Req. n° 66069/09, 130/10 et 3896/10 – 

Lire l'article de Nicolas Hervieu:
Droits des détenus (art. 3 CEDH) : Les peines perpétuelles au prisme européen de la dignité et de la réinsertion sociale des détenu (lettre du credof du 18 juillet 2013): http://revdh.org/2013/07/18/peines-perpetuelles-dignite-reinsertion-sociale/

Le communiqué de presse de la Cour:  "Les peines de perpétuité réelle doivent prévoir une possibilité de réexamen mais il ne faut pas y voir une perspective d'élargissement imminent"

"Décision de la Cour
Article 3 (traitement inhumain et dégradant)

La Cour estime que, pour qu'une peine de perpétuité demeure compatible avec l'article 3, il doit exister tant une possibilité d'élargissement qu'une possibilité de réexamen.
C'est aux autorités nationales de décider à quel moment ce réexamen doit avoir lieu.

Cela étant, il se dégage des éléments de droit comparé et de droit international produits devant la Cour une nette tendance en faveur d’un mécanisme garantissant un réexamen vingt-cinq ans au plus tard après l’imposition de la peine perpétuelle. Une large majorité d’Etats parties à la Convention soit ne prononcent jamais de condamnation à perpétuité, soit, s’ils le font, prévoient un mécanisme qui garantit un réexamen des peines perpétuelles après un délai fixe - en général au bout de vingt-cinq années d’emprisonnement. Enfin, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, auquel sont parties 121 Etats, dont la grande majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe, prévoit le réexamen des peines perpétuelles après vingt-cinq ans d’emprisonnement, puis périodiquement.

Le gouvernement du Royaume-Uni a plaidé devant la Cour que le but de la loi de 2003 était d’exclure l’exécutif du processus décisionnel en matière de peines perpétuelles et que c'était la raison de l'abolition du réexamen au bout de 25 ans par le ministre de l'Intérieur, mécanisme qui existait avant 2003. La Cour estime cependant qu’il eût été plus conforme à l'intention du législateur de prévoir que ce réexamen serait désormais
conduit dans un cadre entièrement judiciaire, au lieu de le supprimer complètement.
La Cour constate par ailleurs que l'état du droit en vigueur en Angleterre et au pays de Galles concernant les perspectives d'élargissement des détenus à perpétuité n'est pas clair.
 
L'article 30 de la loi de 1997 donne au ministre de la Justice le pouvoir de libérer tout détenu, y compris condamné à la perpétuité réelle. Pour la Cour, ce pouvoir peut être exercé d'une manière compatible avec l'article 3 de la Convention. Cependant, il doit être mis en contraste avec l'ordonnance des services pénitentiaires pertinente qui fixe les conditions d'élargissement et prévoit que cette mesure ne peut être ordonnée que si le détenu est atteint d'une maladie mortelle en phase terminale ou est invalide.
Compte tenu de ce manque de clarté et de cette absence de mécanisme de réexamen spécial pour les peines de perpétuité réelle, la Cour n’est pas pas convaincue que, à l'heure actuelle, la perpétuité infligée aux  requérants soit compatible avec l'article 3. Elle en conclut à la violation de cette disposition à l'égard de chacun des requérants.

La Cour souligne toutefois que le constat de violation dans le cas des requérants ne saurait être compris comme leur offrant une perspective d’élargissement imminent.
L'opportunité de leur mise en liberté dépendrait par exemple du point de savoir si leur maintien en détention se justifie toujours par des motifs légitimes d'ordre pénologique ou pour des raisons de dangerosité. Ces questions ne se posaient pas en l'espèce et n’ont pas donné matière à débat devant la Cour".