samedi 11 mai 2013

application des dispositions de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique


La cour d'appel de Paris a adressé à l'ARS Ile de France, le 12 avril 2013, le courrier suivant.

Ce document est intéressant à plus d'un titre car il montre la volonté du juge judiciaire d'intervenir en amont du contentieux en préconisant diverses mesures à prendre par les établissements de santé.
Il montre que la loi de juillet 2011 suppose d'appliquer les règles traditionnelles guidant le droit administratif  de la privation de liberté.
A défaut, le juge judiciaire sera tenu de prononcer la mainlevée des mesures.


"Référence JD.ES.VRI 13.04.440

Objet : application des dispositions de l'article L. 3216-1 du Code de la santé publique

L'entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2013 des dispositions de l'article L.3216-1 du Code de la santé publique, donnant compétence au juge judiciaire pour contrôler la régularité des décisions administratives relatives aux soins psychiatriques sans consentement, a généré un contentieux important résultant de pratiques différentes des établissements hospitaliers psychiatriques soumis à un formalisme textuel rigourreux.

Lors de la réunion qui s'est tenue le 10 avril 2013 à la cour d'appel de Paris, en présence de représentants de l'ARS, du ministère de la santé, de l'APHP et des 4 établissements autonomes, Sainte-Anne, Paul Guiraud, Maison Blanche et Peray-Vaucluse, plusieurs préconisation ont été évoquées afin d'uniformiser les pratiques et de prévenir les risques d'irrégularité.

Ces mesures concernent les points suivants:
1. La motivation des décisions d'admission en hospitalisation complète au regard de :
- la date de la décision d'admission et de sa prise d'effet:
Dans un souci de totale transparence et pour permettre le calcul de la computation des délais, il a été rappelé que les décisions d'admission en hospitalisation complète devaient préciser la date à laquelle la décision est formalisée mais aussi celle de la prise d'effet de la mesure. Il est apparu toutefois que si la décision d'admission doit être prise le jour même de l'hospitalisation effective du patient, sa formalisation dans un délai de 24 à 48 heures apparaît raisonnable pour tenir compte des contraintes administratives des établissements hospitaliers notamment les fins de semaines et jours fériés.

- du visa des certificats médicaux
Compte tenu du nombre important de litiges en la matière, il a été suggéré que les décisions d'admission mentionnent non seulement la date du ou des certificats médicaux et le nom du ou des médécins concluant à la nécéssité d'une hospitalisation complète, mais précisent aussi systématiquement que l'autorité administrative "s'en approprie les termes" (toute autre formule confirmant que ces pièces servent de fondement à la décision restant possible) et que les certificats médicaux sont joints à la décision.
A défaut, il conviendrait que l'autorité administrative reprenne le contenu desdits certificats médicaux pour justifier le bien fondé de la mesure.
Cette dernière solution apparaît indispensable lorsque le médecin qui a conclu à la nécessité d'une hospitalisation sous la contrainte refuse que son nom apparaisse dans la décision. Les termes ainsi repris ne correspondent qu'à un description de l'état du patient sans aucune référence à un quelconque diagnostic.


- la signature de la décision d'admission
Il a été rappelé que la signature de l'autorité administrative à l'origine de la décision d'admission constituait une disposition d'ordre public et qu'il convenait en conséquence que celle-ci soit apparente et comprenne de
manière lisible le nom, le prénom et la qualité de son auteur afin de permettre toute vérification relative à sa compétence.

2. La motivation des certificats médicaux et de l'avis conjoint.
La compétence du juge judiciaire résultant de la situation de contrainte dans laquelle se trouve le patient, il conviendrait que les certificats médicaux établis à chacune des étapes de la procédure, comme l'avis conjoint, rédigé par deux psychiatres de l'établissement en vue de l'audience prévue devant le JLDou la cour d'appel, précisent non seulement que l'état du patient nécessite le maintien des soins sous la contrainte mais le régime des soins, qui peut être celui de l'hospitalisation complète ou d'un programme de soins sous la contrainte.

Il a également été rappelé qu'en cas d'hospitalisation complète pour péril imminent ou en cas d'urgence, il était important que les certificats médicaux précisent le cadre légal dans lequel ils ont été rédigés à savoir, l'existence "d'un péril imminent pour la santé de la personne" ou "en cas d'urgence" l'existence "d'un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade" et comportent une description suffisante de l'état du malade.

3. La compétence de l'autorité administrative
Afin de prévenir tout contentieux relatif à la compétence de l'autorité administrative signataire de la décision d'admission en hospitalisation complète, il a été souhaité que les établissements comptant moins de 10 délégations de signatures transmettent celles-ci ainsi que les pièces justifiant de la publication de ces délégations au greffe des TGI dont ils dépendent et de la cour d'appel de Paris. S'agissant de la cour d'appel de Paris, ces documents qui devront être régulièrement actualisés pourront être transmis à l'adresse suivante: ho.civil.ca-paris@justice.fr . Pour les établissements hospitaliers plus importants qui connaissent des changements fréquents de personnels, il a été suggéré que ces documeents soient systématiquement joints à la procédure transmise au JLD.

4. La transmission de certaines pièces utiles à la procédure devant le JLD ou la cour d'appel
En cas d'hospitalisation à la demande d'un tiers, il serait souhaitable de joindre systématiquement à la procédure la pièce d'identité de la personne qui a sollicité l'hospitalisation ainsi que ses coordonnées téléphoniques et son adresse (éventuellement adresse électronique) afin que cette dernière puisse, conformément à la loi, être convoquée à l'audience du JLD ou de la cour d'appel. Il conviendrait également, pour les mêmes motifs, que les coordonnées du curateur ou du tuteur de la personne hospitalisée figurent à son dossier lorsque cette information est connue.

5. L'information du patient
S'agissant de l'information du patient relative au projet de décision de soins psychiatriques, il a été prescrit de bien distinguer le cas où l'intéressé a été mis en mesure de faire valoir ses observations de celui où il n'est pas en mesure de le faire en établissant un imprimé prévoyant clairement chacune des situations.

S'agissant de l'information du patients sur ses droits qui doit intervenir après chaque décision, il a été rappelé que si la compétence du juge judiciaire était limité à la régularité de l'acte administratif et ne concernait pas la notification de la décision intervenue nécessairement postérieurement à l'acte, il importait que les établissement hospitaliers respectent strictement cette obligation et utilisent à cet effet des imprimés suffisamment clairs et complets.

Il convient par ailleurs d'observer que le refus de certains médecins psychiatres de communiquer au patient les certificats médicaux les concernant ne se heurte pas à l'esprit du texte qui dispose que l'information du patient doit être faite par tout moyen approprié à son état.
Une telle information est de nature à atténuer les effets d'une communication directe des ces pièces médicales lors de l'audience par le conseil du patient.

6. La formulation d'une décision administrative à l'issue de délai de 72 heures.
Il a été rappelé que si la préfecture de police de Paris, dont la pratique n'est pas identique à celle des autres préfectures, ne formalisait aucune décision relative à la forme de la prise en charge du patient à l'issue des 72 heures après son hospitalisation complète, les textes s'agissant des hospitalisations prononcées sur décisions des directeurs d'établissements imposaient la formalisation d'une décision.

L'ensemble des ces mesures évoquées lors d'un échange constructif avec les représentants de vos services [...] me paraient de nature à émaliorer sensiblement le travail qu'il importe que nous menions de concert afin de garantir le respect de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatrique et de réduire le contentieux né de l'entrée en vigueur de l'article L. 3216-1 du Code de la santé publique.

C'est pourquoi, j'ai l'honneur de solliciter que cette note soit diffusée à l'ensemble des établissements hospitaliers sur lesquels vous exercez votre tutelle et vous remercie des démarches que vous voudrez bien entreprendre pour parvenir à une meilleure uniformisation des pratiques".